Alain-Dominique Perrin, un homme pas comme les autres !
Qui est Alain Dominique Perrin ?
Malgré tout ce qui a pu être dit sur moi, je suis un homme simple, un homme d'action, d'équipe et de combat, entrepreneur à la base.
Le rugby a influencé toute mon existence. C'est une école de la vie qui vous donne des valeurs simples et surtout de vraies valeurs.
Vous avez acquis le Château Lagrézette en 1980. Quelle fut votre motivation ?
En fait, je n'ai pas acheté le château, pour le vin. Au départ ce fut plutôt un hasard. Cahors étant une région que j'adore, j'ai voulu réaliser mon rêve de toujours en achetant un château. Avec celui-ci, il y avait un vignoble, en friche. Aimant faire les choses à fond, ayant le goût de l'excellence et de la perfection, j'ai choisi de réhabiliter ce vignoble.
Le vin, c'est une passion pour vous ?
Oui, j'aime les bons vins. N'ayant pas suffisamment de temps, j'ai des personnes compétentes qui s'en occupent. Michel Rolland, œnologue reconnu, a mis son expertise et sa passion du vin au service du Château Lagrezette et Jean Courtois, dirige mon vignoble en tant que Directeur Général. C'est un métier physique, difficile et prenant, hautement concurrentiel. Dans ce domaine je m'amuse beaucoup, mais c'est le seul secteur où je n'ai jamais gagné d'argent
J'exporte beaucoup ma production.
Quelle est votre avis sur les vins du monde ?
C'est la loi de la libre-concurrence Le monde est devenu une province. Dire que le vin français est le meilleur, est un combat d'arrière-garde. Les étrangers arrivent à fabriquer un vin d'aussi bonne ou de meilleure qualité que le nôtre.
Moi-même cela fait plus de quarante ans que je bois du vin que j'apprécie et je mets au défi quiconque de reconnaître un vin à l'aveugle, sauf évidemment les œnologues les plus avertis.
Vous êtes président de différentes activités (Musée du Jeu de Paume, EDC, de la Fondation Cartier...), vous avez obtenu de nombreuses décorations (Commandeur de la Légion d'Honneur, des Arts et des Lettres...), vous êtes propriétaire du Domaine de Lagrézette... Que manque t-il à votre palmarès ?
J'ai la chance de pouvoir dire que j'ai réalisé tous mes rêves, le Château est un vrai rêve d'enfant et le vin un rêve d'homme.
Grâce à mon travail, j'ai pu faire de Cartier une grande maison, mais je ne suis pas un homme qui demande.
J'avais un vieux rêve : faire le tour du monde de la Mer du Nord, c'est chose faite maintenant.
J'aime cette mer, qui exprime une force et demande aux marins une expérience et une humilité face aux éléments naturels. Cela ramène aux vraies valeurs.
Vous avez été précurseur en fondant en 1990 la première école marketing de Luxe en France, l'Institut Supérieur de Marketing du Luxe, puis en 2005, l'Institut Supérieur de Marketing du Goût. Quels ont été les éléments détonateurs de ces créations ?
En 1980, il y avait un vrai manque de formation dans le domaine du luxe et pourtant la demande était là. Aucune structure ne formait à ces métiers de luxe, ce qui représentait une vraie faiblesse. J'ai palié à ce problème en créant l'Institut Supérieur de Marketing du Luxe, qui à l'heure actuelle est devenu une des meilleures écoles. Notre diplôme vient d'être visé par le ministère au niveau bac + 5, ce qui fait de l'EDC une des quatre écoles de commerce françaises offrant une scolarité en cinq ans après le bac.
Idem pour l'Institut Supérieur du Goût. Créé en 2005, ce nouvel institut correspond à une vraie demande. Il s'adresse à tous ceux qui souhaitent se spécialiser dans le secteur de la gastronomie, de l'agro-alimentaire, de l'alimentaire de luxe, des vins et spiritueux, de l'hôtellerie et de la restauration.
A mes yeux, la seule formation est "apprendre à comprendre".
Quelle est votre vision du luxe ?
J'ai une vision très positive et très optimiste.
Le luxe existe depuis la nuit des temps et n'est pas prêt de s'éteindre. Depuis la révolution française, la civilisation s'est enrichie dans le monde libre. Il y a beaucoup de cash et donc de richesse qui circule. Regardez les domaines de la joaillerie, de l'art, de l'automobile, des bateaux, de l'immobilier. Tous ces secteurs ne se sont jamais mieux portés.
La seule condition pour pérenniser le luxe c'est la créativité, car sans création, il n'y a pas de luxe.
Quels sont les conseils que vous pourriez donner aux nouveaux acteurs du luxe qui sortent de Sup du Luxe ou Sup du Goût ?
Ne faites jamais dans le luxe ce qui a été fait dans la mode. A mes yeux la mode n'est pas du luxe. Toutes les grandes marques se sont fait rattraper par des enseignes telles que Zara, H&M, Mango...
Il y a eu une vulgarisation des produits qui a nui à l'image de marque de ces signatures, les a rendues vulnérables et de ce fait moins haut de gamme.
Fashion Tv fut fatal également et a entraîné cette banalisation dont je parle.
Le luxe c'est du durable. La joaillerie, la maroquinerie, les Arts de la table, appartiennent au luxe.
En un mot, il faut préserver le luxe.
De plus en plus de grandes marques de luxe s'ouvrent au grand public et proposent des produits d'appel. Qu'en pensez-vous ?
Il faut limiter ces produits d'appel. Moi-même, j'ai été le premier à ouvrir la marque en lançant les "Must" de Cartier, mais en édition limitée.
Ne pensez-vous pas qu'avec l'émergence de pays comme la Chine, le luxe ne soit plus l'apanage d'une seule frange de population et qu'il risque de perdre en rareté ?
La Chine, comme les autres pays, veut de vraies marques et s'enrichir. Regardez Shanghai Tang, marque chinoise qui appartient à notre groupe, c'est une belle société, qui offre de beaux produits sans lésiner sur la qualité.
Quelle est votre définition du luxe ?
Le luxe, je ne le définis pas. La seule chose que j'accepte de dire c'est que le luxe a une valeur relative. Le luxe étant par définition une notion personnelle, chacun trouve son luxe !