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Bernard Fornas, un PDG globe-trotter et épicurien chez Cartier

L'homme discret par nature, s'entoure d'une bulle pour sa vie privé, mais parle volontiers de sa vie professionnelle. Epicurien dans l'âme, c'est aussi un homme de qualité, un sportif et un travailleur acharné. Il ne résiste pas à un très bon vin, choisit lui-même à Rungis ses produits, et se met volontiers aux fourneaux pour ses amis. Bernard Fornas, PDG de Cartier, leader mondial, est aussi un homme de contact, qui parcourt la planète 7 mois par an, pour veiller au grain car "rien ne remplace le contact" affirme t-il. C'est peut-être l'une des clés du succès d'une maison pionnière dans son domaine, qui affiche avec insolence ses 160 ans. Ex sup de Co Lyon (1970), après un passage chez Guerlain où il est l'artisan de la conception et du lancement du parfum Samsara, il rejoint Cartier en 94 en tant que directeur Marketing International avant de devenir début 2002, Président Directeur Général de Cartier. Gardien du temple, il pratique au quotidien une vigilance sans faille, maintenant le cap sur les valeurs essentielles de la maison qui ont fait sa notoriété. Se considérant comme un pion dans l'entreprise, il n'en est pas moins l'ambassadeur principal et à ce titre, revendique d'en améliorer sans cesse l'image. Pour Luxe-magazine, Bernard Fornas a accepté de nous livrer quelques réflexions.
Cartier avait ouvert en Chine en 1992 une première boutique, vite fermée. Depuis vous avez eu une vingtaine d'ouvertures en Chine. Pour vous ce pays est-il actuellement un marché majeur ?
Absolument. Ce qui est fascinant c'est de voir l'évolution du marché chinois en quelques années. En 2001, nous n'avions aucune boutique et fin 2008, nous avons prévu d'en avoir 27, l'objectif, étant d'atteindre 55 boutiques. Il faut savoir que nos ouvertures de boutiques sont toujours des immeubles d'au moins 1000 m².
Evidemment, le marché chinois n'est pas mature comme le japonais, mais nous allons être présents au minimum dans 20 villes, sachant que 15 villes ont plus de 5 millions d'habitants.
N'oublions pas que nous avons été pionnier dans ce pays et que nous sommes leader mondial dans de nombreux pays.
L'avantage d'être pionnier, c'est que nous choisissons les meilleurs emplacements. D'ailleurs ne dit-on pas "location is business" !
Aux USA par exemple, nous sommes présents dans 35 villes.

Quels sont les pays où vous êtes leader ?
Cartier est n°1 mondial en joaillerie et n°2 mondial en horlogerie. Nous sommes n° 1 en Russie et au Japon, sachant que nous oscillons entre la première place et la deuxième place en général. Par exemple, nous sommes n°2 en horlogerie, derrière Rolex.
Nous avons également repris des places en parfumerie.
Vu notre taille, nous n'avons pas réellement de concurrent, mais tout en étant serein, il faut rester sur le qui-vive.
A Dubaï nous ouvrons notre quatrième boutique, en Inde à Delhi, notre première boutique, et nous sommes présents également au Qatar, Koweït, Djeddah...
Le nombre de boutiques dans le monde s'élève à l'heure actuelle à 300.

Quelle est votre force ?
Notre force réside dans nos 10 produits (Haute-Joaillerie/Bijoux, horlogerie, maroquinerie, parfum, foulard, briquet, stylo, lunettes, cadeaux, pendulettes)
Ils font la différence et permettent un fonctionnement en synergie.
Nous avons la chance d'avoir une répartition mondiale très équilibrée de nos produits (Japon, USA, Chine, Russie, Japon...) ce qui nous permet d'être très réactif en cas de problème et une sécurité financière importante. Si un pays pose des problèmes, nous ne serons pas atteints de la même façon que si nous étions mono produit. Nous pouvons amortir les crises, mais cela ne nous empêche pas d'être extrêmement vigilant et d'avoir une confiance attentive.
La maison Cartier a su se développer en effectuant une mutation et une révolution dans sa gestion.

Quel est le profil de vos clients ?
Nous voyons l'émergence d'une clientèle nouvelle qui aime montrer sa réussite et qui n'hésite pas à acquérir des produits de luxe extrêmement "diamantés". Cette nouvelle clientèle a d'ailleurs relancé le luxe dans le monde de la haute joaillerie.

Quels sont les traits de caractère qui peuvent définir la Maison Cartier ?
C'est une maison pionnière, créative (nous avons dix métiers et 27 designers créateurs qui travaillent pour nous), audacieuse et grande gestionnaire.
Notre rôle : préparer la maison au pire, afin d'être réactif, flexible et rapide. Il faut donc être capable de faire face aux changements.

Pensez vous qu'aujourd'hui la tendance est à l'expérience du luxe ou à l'objet de luxe ?
Je pense qu'elle est aux deux. Il est bien de posséder un bijou pour ce qu'il représente, mais on l'acquière également pour la beauté de l'objet.

Quelle est l'éventail de prix pour les objets de luxe ?
Nous vendons très couramment des produits démarrant à 1 à 2 millions d'euros.
La montre de luxe a d'ailleurs pris une place prépondérante dans les ventes. C'est un symbole de pouvoir aux yeux des hommes et pratiquement le seul produit apparent qui signe la richesse (en dehors des voitures).

A votre avis, le luxe se démocratise t-il ?
C'est évident et nous avons d'ailleurs été les premiers à démocratiser le luxe lorsque nous avons lancé la gamme des Must.

Quels sont les demandes extravagantes ?
Comme nous créons beaucoup de produits sur mesure, nous avons des centaines de demandes, parfois très extravagantes, comme cette femme qui a souhaité une broche en diamants à l'effigie de son chat, ou une autre qui voulait se faire graver son portrait .
Nous sommes là de toute façon pour répondre à toutes les demandes et toutes les envies.

La pièce la plus chère qui a été vendue ?
Une pièce qui valait entre 15 et 20 millions d'euros.

Qu'est ce que le vrai luxe ?
L'art d'être unique avec des produits personnalisés.

Quelle est votre vision du luxe ?
Le monde s'enrichit en faveur du luxe, il suffit de voir la clientèle émergente qui achète nos produits par besoin de reconnaissance. Le rêve fait partie du quotidien.
Le luxe a donc un avenir fabuleux, car la courbe s'est accélérée. Il y a dix ans personne n'aurait parié sur la Chine par exemple.
Le monde du luxe est bien mieux armé qu'en 2001.

Quels sont vos projets ?
Nous souhaitons nous développer encore plus en Russie, en Chine, au Moyen-Orient en développant de nouvelles boutiques.
Février 2008
Crédit photos :
- Bernard Fornas
Photo G. Nencioli © Cartier
- Monica Bellucci pour Cartier
Bracelet, platine, diamant jonquille et mordorés, brillants
Photo Simon Hawk © Cartier 2007