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Le luxe de la poésie

Luxe et poésie sont des univers proches, tant le rôle de la poésie est d'esthétiser le monde, ses sujets, ses objets. Au plus haut point, de le rendre beau. Ainsi le propos du poète : « Tout n'est que luxe, calme et volupté ». Cette invitation exprime bien la fascination toute baudelairienne que les poètes ont pu avoir, à travers les siècles, pour le luxe : son expression.


Le goût des belles choses


Francis Picabla

Le poète, par essence, a le goût des belles choses. Parfois, dandy à la française, chic et provoc, chez Oscar Wilde en son hôtel, rue des Beaux-Arts. Ou encore, l’artiste-poète Francis Picabia à bord d’une voiture américaine Mercer, roulant à cent-cinquante kilomètres par heure. Entre le poète et ses cent-vingt-sept modèles de luxe, Rolls-Royce, Graham-Paige, c’est une vraie histoire d’amour. Pour le divertir, un « spot » parisien, si l'on est invité chez Anna de Noailles, en son palais néo-Trianon sur la place des États-Unis, aujourd’hui musée Baccarat. La comtesse, poétesse elle-même, aimait d’ailleurs, prendre sous son aile de mécène, ses amis : Paul Éluard, Jean Cocteau.

Anna de Noailles

La passion du voyage

Le fameux Orient-Express,affiche de Joseph Porphyre vers 1925

Pour le faire voyager, rien ne vaut l’Orient-Express ou la cabine d’un paquebot de luxe en compagnie de Valéry Larbaud, héritier de la famille Saint-Yorre. Dans « l’Europe illuminée », très jeune, il découvre Anvers, Vienne, Berlin, Stockholm, Côme, Milan, Venise, San Marin, Florence, Saint-Pétersbourg, Constantinople. Au passage, sur la mer Adriatique, une escale imaginaire au château de Duino, près de Trieste, pour une élégie avec Rainer Maria Rilke. Enfin, et là après le tour d’Europe, ne faut-il pas rêver d’horizons lointains, l’exil sur les « îles inoubliables et sans nom », paradis possible en plein Pacifique qu'évoque Blaise Cendrars.

Le Château de Duino

Poésie et Haute Couture

La revue Dernière Mode

Retour à Paris, comme capitale des arts et de la mode. Dans son éphémère revue « Dernière Mode », Stéphane Mallarmé, en fashionista, aborde le luxe. Partout, à ses yeux, l'élégance féminine, et là encore, on retrouve le goût des poètes pour les étoffes, et je dirais la haute couture : le « tulle brodé », le « cachemire de nuance claire », les « brocarts d’argent et d’or ». On y parle « mode d’été », « toilettes du matin » ou « Tannhäuser » pour l’opéra flambant neuf de Charles Garnier. Plus loin, l’attraction pour « les pierres précieuses de la terre assemblées chatoyant, miroitant, palissant, un peu parure de reine de Saba ». Rappelons qu’à cette époque les poètes aiment incruster leurs petits objets poétiques d'agate, de rubis et de diamant. Aussi de suaves parfums, lointain souvenir de la courtisane, qui élèvent l’esprit.

L'Opéra Garnier à l'époque

L'importance du détail

Charles Baudelaire

Dans le luxe, on le sait, l’importance est dans le détail. Le poète, lui, y excelle. C’est son sacerdoce, quand il aborde son objet : la poésie. Dans le haïku, poème-miniature japonais, et très en vogue, le poète porte au plus haut degré son soucis de précision. Orfèvre, il cisèle et polit les mots. Horloger du poème, il écoute la plus infime sonorité. Pour lui, face à l’immensité du monde, le moindre battement d'aile fait sens. Toujours, et pour reprendre le poète, dans son universalité, Charles Baudelaire dit bien, et ceci étant l’objet du luxe, que « les parfums, les couleurs et les sons se répondent ».

Nicolas Grenier.
Mars 2015