Gastronomie

Depuis 1839, sur les rives du Cromarty Firth

“Voici le seul endroit de la distillerie où je vous demanderai de ne pas faire de photos.”​ C’est par ces mots, en entrant dans la salle des alambics, que Colin, notre très affable guide du jour tint à nous faire remarquer que les quatre couple d’alambics de la distillerie “The Dalmore”(dont l’un fonctionne depuis 1874) sont de tailles et de formes différentes, avec cette particularité pour certains d’entre eux de bénéficier d’un accélérateur de condensation par l’intermédiaire d’un écoulement d’eau fraîche sur leur col... Une des originalités de la distillerie jalousement préservée afin de produire quelques uns​ “des meilleurs distillats écossais" dixit Colin.
Distillation exceptionnelle certes, mais aussi et surtout maturation plus longue dans une grande diversité de fûts, eux aussi précieusement conservés en chais, permettent à ce single malt de se distinguer de la plupart des autres whiskies.
Les arômes emblématiques de la collection “The Dalmore” proviennent de fûts qui lui confèrent son âme et ses particularités. Tous millésimés et numérotés, la plupart sont issus de Xérès Oloroso, Amoroso ou autre Matusalem provenant exclusivement de la bodega andalouse Gonzalez Byass, mais aussi d’autres domaines viticoles d’exception, portos, madères et autres vins de grandes appellations. L’art de la maturation est ici poussé à l’extrême et sans cesse renouvelé. Cela fait maintenant 180 ans que cet art du vieillissement en fûts multiples, issu de la dynastie Mackenzie, est pratiqué sur les rives du Cromarty Firth.

L’héritage du clan Mackenzie

Fondée en 1839, par Alexander Matheson, riche entrepreneur écossais siégeant à la chambre des lords et “inventeur” du premier whisky 12 ans d’âge, puis exploitée en 1867 par Charles et Andrew Mackenzie, la distillerie fut acquise par le clan Mackenzie en 1891 (les armoiries du clan Mackenzie, une tête de cerf à 12 cors, ornent depuis toutes les bouteilles Single Malts “The Dalmore”. Si vous disposez d’un peu de temps, prévoyez de visiter le siège du clan: Castle Leod, situé sur la commune de Strathpeffer. Avec un peu de chance, vous serez accueilli par l’actuel résident John Mackenzie qui se fera un plaisir de vous guider. Atmosphère typiquement écossaise assurée!.
Presqu’un siècle plus tard, en 1960, la distillerie fut cédée à des amis propriétaires de la marque de blend Whyte and Mackay. Au cours des ans, une sorte d’alchimie s’est créée, basée sur un concept permettant d’obtenir un single malt très équilibré et d’une grande complexité. Pour ce faire, depuis près de 50 ans, le maître distillateur Richard Paterson, le nez de la Maison, lui-même fils et petit fils de maîtres distillateurs, s’évertue à pérenniser et à repousser sans cesse les limites du possible en matière de production de whisky. Une fois arrivé à maturité, différents types de fûts sont assemblés afin de faire naître une gamme d’expressions toutes aussi originales les unes que les autres.
A l’occasion de votre visite, vous serez amenés à découvrir non seulement la salle de fermentation et celle des alambics, mais aussi les chais et, plus original, une “Sensory Room”, pièce entièrement consacrée aux sens olfactifs, où vous aurez l’occasion d’apprécier les différents distillats de douze bouteilles issus des alambics, de découvrir les bois des “casks” dont sont issus les Single Malt, et de réveiller vos sens avec quelques échantillons d’arômes de vanille, chocolat, café, cannelle, orange confite et fruits exotiques. La visite de la distillerie s’achevant naturellement dans l’”Alchemy Room” pour une dégustation personnalisée de quelques single Malts d’une des collections “The Dalmore”.

Une large gamme de choix

Vous aurez alors peut-être la chance d’être guidée dans votre dégustation par Shauna Jennens, l’ambassadrice de la marque. Après vous avoir présenté une bouteille de distillat et une autre de Xérès Matusalem de chez Gonzalez Byass, Shauna vous proposera de déguster quelques-unes des onze expressions de la principale collection “The Dalmore”. Nous avons choisi de vous présenter trois d’entre elles pour leur caractère exceptionnel et original.

“The Dalmore” 18 ans

“The Dalmore” 18 ans, comme tous les flacons de la collection, est d’abord vieilli en ex-fûts de bourbon en chêne blanc américain qui lui confèrent ses douces notes de vanille et de miel. La suite de sa maturation s’effectue en deux temps. Une première moitié reste en ex-fûts de bourbon en chêne blanc, l’autre moitié est transférée dans d’exceptionnels fûts de Xérès Oloroso Matusalem âgés de 30 ans. Les deux vieillissements sont ensuite réassemblés dans des fûts placés à la verticale pour une meilleure harmonisation des arômes avant l’embouteillage.
Titrant 43°, ce Single Malt de référence fait d’abord ressortir des arômes de vanille, d’orange et de cannelle. Chocolat noir, café, muscade et clou de girofle viennent par la suite se mêler à des notes d’agrumes, de chêne et autres épices... c’est dire la complexité de ce Single Malt d’exception!

“The Dalmore Cigar Malt Reserve”

Le maître distillateur Richard Paterson a sûrement pris un malin plaisir à concocter ce Single Malt on ne peut plus original. Il a repris le principe de la maturation du “18 ans”, mais en trois tiers cette fois, le dernier tiers du distillat se retrouvant dans des barriques de vins ayant accueilli des cabernet-sauvignon. Réassemblé lui aussi dans des fûts placés à la verticale, ce Single Malt se distincte des autres expressions de la collection par son caractère original qui plaît aussi aux amateurs de cigares.
Le “Cigar Malt Reserve” titre 44°. Sa longue maturation en fûts de Xérès Oloroso Matusalem lui confère des arômes d’épices, de cannelle et d’amandes concassées. De nombreuses autres notes fruitées précédent une longue finale plus corsée où se mélangent muscade, réglisse, poivre et gingembre plus propices aux cigarophiles.

“The Dalmore King Alexander III”

En accordant à ce Single Malt le nom du Roi Alexander III, celui-là même qui en 1263 concéda au chef du clan Mackenzie le droit d’arborer un cerf à 12 cors sur son blason, après avoir été sauvé par ce dernier de la charge d’un cerf en furie, Richard Paterson réussit un véritable coup de maître.
Il s’agit en effet du premier Single Malt au monde qui, après avoir vieilli dans un premier temps dans des ex-fûts de bourbon en chêne blanc américain, est réparti dans cinq types de fûts et barriques (Porto, Marsala, Madère, Xérès Oloroso Matusalem et Cabernet-Sauvignon), puis réassemblés par la suite et transférés dans des fûts placés à la verticale. Le résultat, d’une complexité unique, confère à cette expression l’emblème de l’excellence du savoir-faire de la Maison “The Dalmore”. Les esthètes arrivent à distinguer l’apport particulier de chaque vieillissement pour ce whisky d’exception. Porto et Marsala lui confèrent des saveurs de prunes et de baies sauvages, alors que Xérès et Madère ajoutent à ce Single Malt de 40° des notes gourmandes de fruits secs et d’agrumes.

Enchères

Une des particularités de la Maison “The Dalmore” consiste à proposer à la vente aux enchères quelques pièces uniques très convoitées. Ainsi, après avoir vendu en 2017, une collection de douze Single Malts pour 1 million de $ en seulement 4 heures, Richard Paterson, cette fois associé au chef étoilé italien Massimo Bottura, a récolté 141 688 $ en mai de cette année, lors d’une vente caritative organisée par Sotheby’s au profit de l’association Food For Soul créée par le chef de l’Osteria Francescana, en proposant la vente de l’”Anima” (âme en italien), un 49 ans d’âge élaboré par ses soins.
Autant d’arguments qui méritent le voyage en terre écossaise!