Automne 2025 : Versailles, Orsay et la Galerie de l’Institut redonnent vie aux artistes oubliés

Cet automne 2025, les musées parisiens dévoilent des artistes et mécènes que l’histoire avait éclipsés. À Versailles, le Grand Dauphin révèle son goût d’esthète ; au Musée d’Orsay, Sargent illumine le portrait moderne ; et la Galerie de l’Institut célèbre Berthe Weill, galeriste pionnière de Picasso.

Le Grand Dauphin sort de l'ombre à Versailles

Affiche de l’exposition « Le Grand Dauphin » au Château de Versailles, représentant le fils aîné de Louis XIV en armure.
Le Château de Versailles présentera, du 14 octobre 2025 au 15 février 2026, l’exposition « Le Grand Dauphin – Fils de roi, père de roi, jamais roi ». - © Château de Versailles

« Fils de roi, père de roi, et jamais roi » : tel a été le destin de Louis de France, fils de Louis XIV,. Un prince oublié mais un grand esthète passionné d'art ! Pour la première fois, Versailles lui consacre une exposition.
Les premières salles révèlent l'ampleur de son éducation princière. Portraits le dépeignant en costume de baptême drapé de brocart et dentelles d'argent, carnets annotés, jeux d'armoiries, canons miniatures en bronze : tout témoigne de cette préparation au trône. Mais c'est dans la section consacrée aux collections que l'on découvre le véritable visage de cet esthète. Son Cabinet des Glaces versaillais rivalisait avec celui du roi : gemmes rares, vases en héliotrope montés d'or, paire de commodes en marqueterie Boulle. Une coupe en jade de l'ambassade siamoise côtoie le Vase Fonthill en porcelaine chinoise du XIVe siècle. On y voit également sa passion pour la chasse au loup, les carrousels, et les fêtes à Meudon à travers les toiles de Desportes.

Le peintre américain Sargent conquiert Orsay

Le portrait de Madame Gautreau exposé dans « John Singer Sargent. Éblouir Paris » au musée d’Orsay.
Vue de l’exposition « John Singer Sargent. Éblouir Paris » au musée d’Orsay, présentant le célèbre Portrait de Madame Gautreau (dit Madame X), œuvre emblématique de Sargent révélée au Salon de 1884. - © Musée d'Orsay

Cent ans après sa mort, le musée d'Orsay expose John Singer Sargent, célébré outre-Atlantique et au Royaume-Uni comme l'un des plus grands portraitistes de son temps, mais resté méconnu en France. Pourtant, c'est bien à Paris qu'il a forgé son génie entre 1874 et 1884.
L'exposition réunit plus de 90 œuvres. Dans les premières salles, on découvre l'élève de Carolus-Duran, arrivé à dix-huit ans dans la capitale française. Sa maîtrise technique précoce stupéfie déjà : traits francs, pinceau assuré, touches rapides qui annoncent la modernité. Puis viennent les portraits qui scellent sa réputation. Le docteur Pozzi en robe de chambre écarlate, Les Filles d'Edward Darley Boit dans leur mystérieuse pénombre, et surtout Madame X, cette Virginie Gautreau en robe noire au décolleté provocant qui fit scandale au Salon de 1884. Une « femme fatale » que Sargent considérera comme « la meilleure chose qu'il ait jamais faite ». Ce chef-d'œuvre du Met revient à Paris pour la première fois depuis 1884.
Entre les toiles, une société cosmopolite se dessine : anciennes fortunes européennes et nouveaux riches du Nouveau Monde, peints avec cette élégance sensuelle qui fait la griffe de l'artiste. On y voit l'héritier de Vélasquez.

Picasso intime et inédit à la Galerie de l'Institut

Pablo Picasso, Couple étendu (1936), encre de Chine sur papier, représentant un couple allongé dans une scène intime, aux traits fluides et expressifs.
Couple étendu, Pablo Picasso, 1936. Encre de Chine sur papier, 34,5 × 51,4 cm. Succession Picasso, 2025. - © Galerie de l'Institut

Une exposition bien rare consacrée aux dessins de Picasso ! Cent œuvres couvrant sept décennies (1903-1972) composent cette promenade dans l'univers graphique du maître, où fusain, craie, encre de Chine et crayons de couleur révèlent une virtuosité sans limite. L'événement inaugure un nouvel espace au 16 rue de Seine, dans l'ancienne galerie Doria, complétant les deux adresses historiques du 6e arrondissement. Au total, trois galeries unies pour célébrer le trait de Picasso, de la période bleue aux mousquetaires tardifs.
La surprise ? 70 % des dessins présentés n'ont jamais été montrés ou restent inédits depuis un demi-siècle. Parmi les pépites : Buste de femme (1906-1907), ce fusain aux accents ibériques annonçant Les Demoiselles d'Avignon, Jacqueline aux jambes repliées (1954), dédicacé « pour ma chère Jacqueline », et l'exceptionnelle série de sept Femme endormie (1957) aux crayons de couleur. Car cette exposition rend hommage à Jacqueline Roque, dernière muse et épouse rencontrée en 1952, dont le profil stylisé hante l'œuvre tardive de l'artiste. À découvrir absolument.


Berthe Weill, la galeriste qui fit Picasso

Salle de l’exposition « Berthe Weill. Galeriste d’avant-garde » au musée de l’Orangerie, présentant plusieurs peintures accrochées aux murs.
Vue de l’exposition « Berthe Weill. Galeriste d’avant-garde » au musée de l’Orangerie, où des œuvres de plusieurs artistes sont exposées dans un espace aux tons jaune et blanc. - © Musée de l'Orangerie

Elle fut la première à vendre un Picasso, à exposer Matisse, à organiser l'unique exposition de Modigliani de son vivant. Pourtant, Berthe Weill reste dans l'ombre de ses confrères masculins – Vollard, Kahnweiler, Guillaume. Une injustice que le musée de l'Orangerie répare enfin.
En 1901, cette femme d'origine juive et modeste ouvre sa galerie à Pigalle avec un credo révolutionnaire : "Place aux jeunes". Pendant quarante ans, bravant le sexisme et l'antisémitisme, elle défend inlassablement les avant-gardes – Fauves, cubistes, École de Paris – et les artistes femmes comme Suzanne Valadon ou Émilie Charmy, qui la peint en 1910 dans un superbe portrait.
Plus de trois cents artistes, des centaines d'expositions : Berthe Weill a forgé le goût moderne. En 1933, pionnière encore, elle publie ses mémoires, Pan ! dans l'œil..., témoignage savoureux d'une vie de combats. Contrainte de fermer en 1941, elle meurt dans l'oubli en 1951. Cette exposition lui rend sa place légitime : celle d'une visionnaire qui a fait l'art du XXe siècle.
Novembre 2025
Par Luxe Magazine
« Le Grand Dauphin ». Jusqu'au 15 février 2026. Château de Versailles.
chateauversailles.fr

« John Singer Sargent Éblouir Paris ». Jusqu'au 26 janvier 2026, Musée d'Orsay. Paris.
musee-orsay.fr

« Picasso. Dessin 1903-1972 » . Jusqu'au 20 décembre. Galerie de l'Institut, 3 bis rue des Beaux-Arts, 12 et 16 rue de Seine, Paris 6e.

« Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde ». Jusqu'au 26 janvier 2026. Musée d'Orsay. Paris.