Istanbul Modern : une nouvelle adresse pour l'art contemporain
Désormais, nostalgie et orientalisme ne sont plus les seules associations possibles entre l'art et Istanbul, ex Constantinople, ex Byzance. La sublime cité vient de se doter d'un musée d'art contemporain, Istanbul Modern, qui révèle sa soif de modernité et de cosmopolitisme.
Ouvert sur le Bosphore
Situé sur les bords du Bosphore dans un des entrepôts du port, ce visage moderne d'Istanbul est tourné vers la péninsule historique où affluent les touristes venus visiter le palais de Topkapi et Sainte-Sophie. Ils pourront désormais ajouter au programme de leur visite, la découverte de cet espace de 8.000 m2 sur deux niveaux. L'architecte italienne Gae Aulenti s'est chargée d'en imaginer l'aménagement réalisé par le cabinet Tabanlioglu Architecture.
De plain-pied avec le quai, le jardin de sculpture forme une antichambre en plein air pour le premier niveau. Celui-ci s'ouvre sur un espace menant à la bibliothèque et au large forum dédié aux expositions temporaires. Le musée doit en accueillir 4 par an, d'ores et déjà programmées pour 2005 : après la rétrospective de Fikret Mualla, il proposera "This is just the beginning", puis à l'automne, un accrochage d'artistes turcs contemporains suivi d'une présentation de la collection de la Deutsche Bank.
Ce premier niveau accueille également l'auditorium, l'espace média et à la galerie photographique. Celle-ci montre de magnifiques et touchantes photos d'Istanbul dans les années 50. Beaucoup appartiennent au fond initial du musée composé de photos offertes par les grands photographes turcs contemporains comme Ara Guler qui fut l'un des premiers membres associés de l'agence Magnum. Figure incontournable de "l'ancien Istanbul" et toujours à l'écoute de ses palpitations, ses photos en noir et blanc font partie de l'histoire de la ville.
Escalier signé
Au cœur de cet espace, un escalier intérieur lance vers le second niveau une volée de marches qui s'inscrit dans un plan de l'espace simplement défini par des chaînes verticales. Il débouche sur une cage de plexiglas criblée d'impact de balles. Baptisé "Escalier pour l'enfer" il est lui-même l'œuvre de artiste italienne, Monica Bonvicini.
On peut aussi accéder à ce niveau par une rampe extérieure ou par des ascenseurs et s'offrir une pause dans le décor design chaud et branché du café avec terrasse qui offre une vue magnifique sur le Bosphore et la Corne d'Or. A ce niveau les salles de collections permanentes rassemblent les œuvres d'artistes turcs uniquement. La présentation inaugurale sur le thème "Observation/Interprétation/multiplicité", sous la direction des 3 commissaires, Ali Akay, Levent Calkoglu et Hasin Mur Gurel, présente les principales tendances de la peinture turque depuis le début du 20ème siècle, soit une centaine d'œuvres.
Les oeuvres proviennent de grandes collections privées : collection de la fondation Nejat F. Eczacibasi, père de la culture moderne à Istanbul ; collection d'Oya Bülent Eczacibasi, sa belle-fille, actuelle présidente de la fondation et du nouveau musée, collections du musée de l'Université Mimar Sinan et de la Turkiye Is Bank. L'accrochage est organisé en courants figuratifs ou abstractifs traitant de paysages ou de scènes d'intérieur, ces deux thèmes se partageant l'espace, de part et d'autre d'une longue travée centrale. On y découvrira les signatures de Redri Baykan, Canan Tolon, Fatma Tülin, Irfan Onurmen et de beaucoup d'autres artistes. Cependant, cet accrochage de peinture turque n'est pas définitif et facilitera sans doute une première approche peu intimidante de l'art contemporain pour les stanbouliotes curieux de s'aventurer dans ce nouveau lieu de culture.
Pour intéressant qu'il soit, ce témoignage reste en retrait par rapport à des œuvres beaucoup plus en phase avec les mouvements contemporains tels qu'on les découvre dans les galeries ouvertes sur Istiklal Cadessi, la très commerçante artère piétonnière qui relie la place Taksim à la place Tunel dans le quartier de Beyoglu. Non loin d'Istanbul Modern, on y découvre tout ce que la métropole connaît de galeries marchandes et de galeries d'art souvent financées par les principales banques turques.
Des mécènes actifs
Né de la volonté et grâce aux dons de la fondation pour la culture et les arts, Istanbul Modern est la traduction pérenne des liens qui se sont tissés entre Istanbul, figure de proue d'une Turquie tournée vers l'avenir, et l'art contemporain.
Elément moteur du dynamisme de la vie culturelle et artistique de la Turquie depuis 32 ans, la fondation pour la culture et les arts n'a eu de cesse d'inscrire Istanbul parmi les grands rendez-vous de l'art. Ce fut le cas dès 1987 avec la première Biennale d'art contemporain et les dons qu'elle a su susciter. La quête d'un lieu d'exposition permanent pour les œuvres contemporaines, constant depuis plusieurs années, s'est finalement concrétisé ici, à Entrepo 4, grâce au soutien du premier ministre Recep Tayyip Erdogan qui proposa en 2003 d'installer le musée dans l'un des entrepôts, propriété de l'Organisation Maritime Turque, situé à Salipazari dans le quartier de Karakoy, en dessous de Taksim. "Istanbul Modern ouvre ses portes pour établir et montrer l'héritage artistique de notre pays tout autant que notre créativité, notre dynamisme, notre identité culturelle et les valeurs universelles que nous détenons" résumait Oya Bülent Eczacibasi, la présidente du musée, lors de la cérémonie inaugurale.
La dimension pédagogique a largement été prise en compte "en bref, nous souhaitons faire d' Istanbul Modern un lieu d'excursion culturelle à la fois pour les visiteurs nationaux et internationaux, en commençant par les enfants et les jeunes gens" précisait-elle. Istanbul Modern ambitionne d'être un musée vivant et pour cela, des experts ont conçu des programmes d'éducation à l'art selon les âges et créé un espace fait pour le jeune public.
Une grande salle de projection présentera des films novateurs. Les étudiants pourront assister à des ateliers et des conférences.
Istanbul Modern, complément idéal des biennales
Rosa Martinez, critique d'art et conservatrice indépendante de Barcelone, commissaire dès 1997 de la biennale d'Istanbul, a été nommée conservateur en chef de ce musée. Elle connaît bien Istanbul pour y avoir organisé la 5ème Biennale.
Car la filiation s'impose tout naturellement entre la Biennale d'art Contemporain qui est à l'origine de tous les grands festivals d'Istanbul, et Istanbul Modern. Cette biennale réunit tout le monde de l'art plastique. Ainsi des grands noms y ont exposé leurs œuvres dès la première année d'existence : Jean-Michel Alberola, Marcus Lüpertz, François Morellet, etc.
Les lieux des expositions sont bien choisis et diversifiés : la citerne Basilique, Sainte-Irène, la bibliothèque de la femme, la Tour de Léandre ou encore dans les gares d'Europe et d'Asie ou l'aéroport. En 2002, on enregistrait plus de 50.000 entrées et une centaine d'artistes exposaient leurs œuvres.
La prochaine biennale se tiendra du 16 septembre au 30 octobre 2005.
Pour la première fois elle se développera à travers une collaboration de travail entre ses deux commissaires, Charles Esche directeur de Van Abbemuseum (Eindhoven) et le directeur de la platform Garanti CAC, Vasil Kortun.
Le titre de cette prochaine biennale "Istanbul" fait référence à la fois à l'emplacement géographique, à l'urbanisme et à la charge imaginative que recèle cette ville pour le monde entier. "Istanbul est une métaphore, une prédiction et une réalité vécue."
Situé sur les bords du Bosphore dans un des entrepôts du port, ce visage moderne d'Istanbul est tourné vers la péninsule historique où affluent les touristes venus visiter le palais de Topkapi et Sainte-Sophie. Ils pourront désormais ajouter au programme de leur visite, la découverte de cet espace de 8.000 m2 sur deux niveaux. L'architecte italienne Gae Aulenti s'est chargée d'en imaginer l'aménagement réalisé par le cabinet Tabanlioglu Architecture.
De plain-pied avec le quai, le jardin de sculpture forme une antichambre en plein air pour le premier niveau. Celui-ci s'ouvre sur un espace menant à la bibliothèque et au large forum dédié aux expositions temporaires. Le musée doit en accueillir 4 par an, d'ores et déjà programmées pour 2005 : après la rétrospective de Fikret Mualla, il proposera "This is just the beginning", puis à l'automne, un accrochage d'artistes turcs contemporains suivi d'une présentation de la collection de la Deutsche Bank.
Ce premier niveau accueille également l'auditorium, l'espace média et à la galerie photographique. Celle-ci montre de magnifiques et touchantes photos d'Istanbul dans les années 50. Beaucoup appartiennent au fond initial du musée composé de photos offertes par les grands photographes turcs contemporains comme Ara Guler qui fut l'un des premiers membres associés de l'agence Magnum. Figure incontournable de "l'ancien Istanbul" et toujours à l'écoute de ses palpitations, ses photos en noir et blanc font partie de l'histoire de la ville.
Escalier signé
Au cœur de cet espace, un escalier intérieur lance vers le second niveau une volée de marches qui s'inscrit dans un plan de l'espace simplement défini par des chaînes verticales. Il débouche sur une cage de plexiglas criblée d'impact de balles. Baptisé "Escalier pour l'enfer" il est lui-même l'œuvre de artiste italienne, Monica Bonvicini.
On peut aussi accéder à ce niveau par une rampe extérieure ou par des ascenseurs et s'offrir une pause dans le décor design chaud et branché du café avec terrasse qui offre une vue magnifique sur le Bosphore et la Corne d'Or. A ce niveau les salles de collections permanentes rassemblent les œuvres d'artistes turcs uniquement. La présentation inaugurale sur le thème "Observation/Interprétation/multiplicité", sous la direction des 3 commissaires, Ali Akay, Levent Calkoglu et Hasin Mur Gurel, présente les principales tendances de la peinture turque depuis le début du 20ème siècle, soit une centaine d'œuvres.
Les oeuvres proviennent de grandes collections privées : collection de la fondation Nejat F. Eczacibasi, père de la culture moderne à Istanbul ; collection d'Oya Bülent Eczacibasi, sa belle-fille, actuelle présidente de la fondation et du nouveau musée, collections du musée de l'Université Mimar Sinan et de la Turkiye Is Bank. L'accrochage est organisé en courants figuratifs ou abstractifs traitant de paysages ou de scènes d'intérieur, ces deux thèmes se partageant l'espace, de part et d'autre d'une longue travée centrale. On y découvrira les signatures de Redri Baykan, Canan Tolon, Fatma Tülin, Irfan Onurmen et de beaucoup d'autres artistes. Cependant, cet accrochage de peinture turque n'est pas définitif et facilitera sans doute une première approche peu intimidante de l'art contemporain pour les stanbouliotes curieux de s'aventurer dans ce nouveau lieu de culture.
Pour intéressant qu'il soit, ce témoignage reste en retrait par rapport à des œuvres beaucoup plus en phase avec les mouvements contemporains tels qu'on les découvre dans les galeries ouvertes sur Istiklal Cadessi, la très commerçante artère piétonnière qui relie la place Taksim à la place Tunel dans le quartier de Beyoglu. Non loin d'Istanbul Modern, on y découvre tout ce que la métropole connaît de galeries marchandes et de galeries d'art souvent financées par les principales banques turques.
Des mécènes actifs
Né de la volonté et grâce aux dons de la fondation pour la culture et les arts, Istanbul Modern est la traduction pérenne des liens qui se sont tissés entre Istanbul, figure de proue d'une Turquie tournée vers l'avenir, et l'art contemporain.
Elément moteur du dynamisme de la vie culturelle et artistique de la Turquie depuis 32 ans, la fondation pour la culture et les arts n'a eu de cesse d'inscrire Istanbul parmi les grands rendez-vous de l'art. Ce fut le cas dès 1987 avec la première Biennale d'art contemporain et les dons qu'elle a su susciter. La quête d'un lieu d'exposition permanent pour les œuvres contemporaines, constant depuis plusieurs années, s'est finalement concrétisé ici, à Entrepo 4, grâce au soutien du premier ministre Recep Tayyip Erdogan qui proposa en 2003 d'installer le musée dans l'un des entrepôts, propriété de l'Organisation Maritime Turque, situé à Salipazari dans le quartier de Karakoy, en dessous de Taksim. "Istanbul Modern ouvre ses portes pour établir et montrer l'héritage artistique de notre pays tout autant que notre créativité, notre dynamisme, notre identité culturelle et les valeurs universelles que nous détenons" résumait Oya Bülent Eczacibasi, la présidente du musée, lors de la cérémonie inaugurale.
La dimension pédagogique a largement été prise en compte "en bref, nous souhaitons faire d' Istanbul Modern un lieu d'excursion culturelle à la fois pour les visiteurs nationaux et internationaux, en commençant par les enfants et les jeunes gens" précisait-elle. Istanbul Modern ambitionne d'être un musée vivant et pour cela, des experts ont conçu des programmes d'éducation à l'art selon les âges et créé un espace fait pour le jeune public.
Une grande salle de projection présentera des films novateurs. Les étudiants pourront assister à des ateliers et des conférences.
Istanbul Modern, complément idéal des biennales
Rosa Martinez, critique d'art et conservatrice indépendante de Barcelone, commissaire dès 1997 de la biennale d'Istanbul, a été nommée conservateur en chef de ce musée. Elle connaît bien Istanbul pour y avoir organisé la 5ème Biennale.
Car la filiation s'impose tout naturellement entre la Biennale d'art Contemporain qui est à l'origine de tous les grands festivals d'Istanbul, et Istanbul Modern. Cette biennale réunit tout le monde de l'art plastique. Ainsi des grands noms y ont exposé leurs œuvres dès la première année d'existence : Jean-Michel Alberola, Marcus Lüpertz, François Morellet, etc.
Les lieux des expositions sont bien choisis et diversifiés : la citerne Basilique, Sainte-Irène, la bibliothèque de la femme, la Tour de Léandre ou encore dans les gares d'Europe et d'Asie ou l'aéroport. En 2002, on enregistrait plus de 50.000 entrées et une centaine d'artistes exposaient leurs œuvres.
La prochaine biennale se tiendra du 16 septembre au 30 octobre 2005.
Pour la première fois elle se développera à travers une collaboration de travail entre ses deux commissaires, Charles Esche directeur de Van Abbemuseum (Eindhoven) et le directeur de la platform Garanti CAC, Vasil Kortun.
Le titre de cette prochaine biennale "Istanbul" fait référence à la fois à l'emplacement géographique, à l'urbanisme et à la charge imaginative que recèle cette ville pour le monde entier. "Istanbul est une métaphore, une prédiction et une réalité vécue."
Février 2005
Par Claire CAYLA