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Garbis Devar : Des pièces jusqu'à 500 000 euros !

C'est une maison paradoxale. D'un côté, ses produits d'un luxe inouï font le bonheur du gotha international. De l'autre, son nom est complètement inconnu du grand public. Garbis Devar vient d'ouvrir son premier show-room, à Paris. Nous l'y avons rencontré.
Pas de boutique ici, mais un show-room discret, auquel on accède par un porche donnant sur la Place de l'Alma. Comme beaucoup de maisons orientales, un extérieur anonyme abrite ici des merveilles de luxe et de raffinement. Le visiteur est en effet immédiatement saisi par l'atmosphère opulente et moderne de l'endroit. Un salon d'essayage - on parle ici d'une pièce confortable, pas d'une cabine ! - jouxte la grande pièce d'exposition où une table monumentale, flanquée d'un canapé en rapport et de deux fauteuils, accueillent le client. Un grand écran plat où passe en boucle le dernier défilé GD complète la décoration. Garbis Devar nous reçoit, chevelure de jais et phrasé posé et léger. La corpulence et la barbe en moins, il y a du Demis Roussos dans cet homme-là. La comparaison s'arrête là, car si son métier l'entraîne aussi vers le faste, notre interlocuteur n'est pas un membre du showbiz mais la nouvelle coqueluche des happy fews les plus riches, à qui il concocte des vêtements extraordinaires au sens le plus académique du terme.


Votre marque n'a que six mois, mais vous êtes vous-même dans le métier depuis une vingtaine d'années. Quel a été votre itinéraire avant d'ouvrir cette prestigieuse adresse ?

Je suis originaire d'Istambul, d'origine arménienne, et je suis né d'un père bottier et d'une mère couturière ; j'ai donc toujours navigué dans le monde de l'artisanat et des belles choses. Lorsque je suis arrivé en France en 1979, j'avais quinze ans : un âge où l'on a envie de s'habiller, de porter des choses élégantes. Mais nous étions une famille très modeste, ce qui fait qu'au lieu d'acheter, il nous fallait fabriquer nos vêtements. Moi je les dessinais, et ma mère les fabriquait, ce qui fait que j'ai été le créateur et le client de mes premières pièces. Mais ce n'est qu'à l'âge de 20 ans, en 1985, que j'ai vraiment eu envie de m'investir à fond dans la création de beaux vêtements, et surtout de vêtements en cuir.
J'ai donc ouvert un petit à atelier à Lyon, et j'ai commencé à fabriquer mes premières pièces. J'y ai mis tout ce que j'avais, et j'ai enregistré mes premières commandes dans de très belles boutiques de St Tropez. Ensuite ça a marché de bouche à oreille, me permettant d'autofinancer mes créations, et cela a pris 20 ans pour en arriver au show room de l'avenue Montaigne où nous sommes aujourd'hui, et où j'ai l'impression de redémarrer comme au premier jour.


Vous parlez de redémarrage, c'est aussi une consécration !

C'est une évolution et une continuité. Dans notre métier aujourd'hui, soit vous êtes un styliste, vous avez du talent, vous rentrez dans une maison et vous n'avez pas d'autre souci que celui de création, soit vous faites le chemin tout seul, ce qui a été mon cas. Cela veut dire prendre tous les risques possibles, avec ses propres moyens : l'aventure est différente.


Pendant vingt ans vous avez travaillé pour de grandes maisons, dont la très belle clientèle a appris à identifier votre patte. Pourquoi avez-vous décidé un beau jour de sauter le pas ?

J'ai toujours vendu mes pièces directement. Je montais très souvent à Paris pour livrer mes clients, de célèbres maisons de couture qui sont aujourd'hui encore mes fidèles clients. Le problème étant que d'une part ces clients m'aident à financer mes rêves, mais d'autre part me mettent très logiquement un rideau noir, afin de défendre leurs intérêts. Ce n'est cependant pas gênant, parce que ce qui compte c'est d'innover et sortir des pièces exceptionnelles. Mon rêve n'est pas d'arriver à tout prix à devenir une maison, mais de laisser un savoir faire derrière moi, ce que mon père n'a pas eu le temps de réaliser. Et aussi prouver que la main de l'homme peut encore réaliser des merveilles sans l'informatique.


Vos produits sont exceptionnels, avec une attention toute particulière pour les peaux, tant dans leur choix que dans la manière dont vous les travaillez...

J'ai développé trois catégories : d'une part les peaux classiques, comme l'agneau plongé, la chèvre-velours et le cerf plongé, d'autre part les peaux exotiques : alligator, crocodile, python,
anaconda, autruche, requin ou galuchat, et enfin les fourrures, que je travaille beaucoup aussi, comme les zibelines de Russie, les visons Black Lama et Black Saga Royal, l'hermine, le chinchilla... Et dans les trois catégories j'arrive à métamorphoser les matières. Par exemple nous proposons un vison réversible, dont le côté chair ressemble à un agneau plongé, et nous avons rasé le vison jusqu'à 3 mm pour faire des vestes très classiques, à propos desquelles il est impossible de savoir que c'est de la fourrure : on dirait du velours, et c'est ça qui est intéressant. Et enfin il y a les coupes, qui doivent être très travaillées pour avantager le corps qui les habite. C'est donc un travail très long, que l'on ne peut pas faire vite fait pour vendre des milliers de pièces : je ne fais pas de mode, ce qui m'intéresse est de créer des pièces contemporaines et exceptionnelles. 
  



                                                                                                                  

                                                                                                                   Cet article est paru
                                                                                                                     dans Dandy n°10
Juin 2006
Un ordinaire fait de démesure:

Des tarifs hors du commun :
Les tarifs Garbis Devar sont à la démesure des vêtements : à 40 000 E, la veste en vison rasé évoquée par ailleurs est une entrée de gamme.
Compter entre 60 et 70 000 E pour une veste en alligator, et jusqu'entre 400 et 500 000 E pour un manteau en croco doublé de zibeline ou de chinchilla.

Une clientèle en or massif:
Rien que du très beau monde. On citera plusieurs familles royales et princières moyen-orientales, des groupes de rock, David Bowie, Bernard Lavilliers...

Des peaux exotiques de toutes provenances:
Garbis Devar fait son marché sur toute la planète : son alligator vient du Mississipi, son python d'Asie et d'Amérique du Sud, sa zibeline de Sibérie, son chinchilla de la Cordillère des Andes, son castor et son cerf du Canada, son autruche et son astrakan d'Afrique du Sud, son galuchat des mers du Japon... Mais la fabrication est faite à Lyon et à Paris.

Un mobilier unique au monde:
C'est Garbis Devar lui-même qui l'a dessiné. Citons les tables de noyer massif et d'ébène rehaussées de fontes en argent et de galuchat, le canapé géant en autruche, les fauteuils en alligator, les portants en patte d'autruche...

Une interprétation unique du galuchat:
Garbis Devar
s'est intéressé à cette peau exotique après avoir découvert des sabres impériaux japonais, dont les poignées étaient décorées de la sorte. Il en a habillé la grande table de noyer massif et d'ébène de la pièce d'exposition.