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Pirate Attitude

On déteste ou on adore, mais personne n'est indifférent au retour de la tête de mort. Macabre, subversif et funeste pour certains, le symbole est beau, rock, rebelle, et fort pour d'autres. Enjoy a enquêté.

Depuis le début de cette enquête, sur mon bureau des crânes humains, désertés d'esprit, me tiennent compagnie. Des piles d'images de bottes strassées, cravates, bagues en diamant, cendriers, rideaux de douche, kleenex, coussins et même pulls en cashmere... La mode, le design et la déco, m'offrent à foison des têtes de mort.
L'idée n'est pas nouvelle, plusieurs créateurs en ont fait leur art de vivre. Viviane Westwood l'avait même déjà proposée dans les années 70. Mais tout le petit monde de la mode a compris depuis longtemps que ce qui a été sera et que ce qui s'est fait se refera, bref rien de nouveau sous le soleil.

Que lui trouve t-on donc, à ce crâne creux, dégarni et vide ? Dès le XVIIe siècle, il a une haute valeur symbolique. On le retrouve dans une catégorie particulière de nature morte appelée vanité ; la vanité désignant une peinture figurant la fragilité de l'existence, la brièveté de la vie, le temps qui passe, et évidemment la mort. En allant un peu plus loin, elle souligne ainsi la fugacité des plaisirs, du luxe et des réalisations terrestres, et devient ainsi une invitation à concentrer ses pensées. Vous l'aurez compris : le message est de méditer sur la futilité des plaisirs du monde face à la mort qui guette. Une solution : y réagir en vivant de toutes ses forces ! Nous vivons dans une époque où futilité et apparence sont à la une des magazines ; de là à y voir l'explication du grand retour en force de la tête de mort...

D'autres pistes me sont apparues... La mouvance rock présente depuis plusieurs saisons, et qui gagne en maturité avec les deux expositions consacrées à L.A. et son style de vie biker chic peut-être. Car c'est ainsi toute la création made in L.A qui prend Paris d'assaut. Ne serait-ce aussi qu'avec l'ouverture de Chrome Hearts en juin et de Montaigne Market en décembre dernier. Peut-être aussi le retour du super héros Ghost Rider (Columbia Pictures en salle le 21 février 2007). Et bien sûr ne sous-estimons pas le pouvoir des studios Disney qui nous ont imposé, à la limite de l'overdose, l'emblème pirate, avec en gentil-pirate-un-peu-méchant-quand-même-mais-sexy-toujours, le beau Johnny Depp (Pirates des Caraïbes 2, est-il vraiment nécessaire de citer le titre du film ? En salle actuellement), pour lesquels être un pirate signifie vivre libre...
Quelle que soit l'explication, vous n'y couperez pas, l'automne-hiver 06 serait donc aux "NoRo" c'est-à-dire aux "Nouveaux Romantiques" : un brin de chic et une touche de rock dans un esprit "swinging London". Suivant la mouvance de Viviane Westvood, de nombreux créateurs adoptent 30 ans plus tard la rock'n roll attitude !
Sophie Levy, la créatrice des Bijoux de Sophie, en retient la face sensible : "Depuis 7 ans je travaille le symbole de la tête de mort, qui n'est pour moi jamais subversif ou rock, mais me rappelle les vanités avec leur poésie du temps qui passe et leur romantisme."
David Taieb, créateur de Dillinger, lui, en retient une énergie plus rebelle : "J'aime prendre des risques dans mes créations, je trouve la mode dernièrement très lisse, et l'image de la tête de mort, je l'associe à la piraterie moderne, à ces groupes de motards qui se déplacent en meute." Encore un visage de Los Angeles, qui inspire décidément Paris de bien des manières.
La marque 0044 en a fait son projet artistique, sa boutique est comme un cabinet de curiosité où se mêlent accessoires, objets de décoration et vêtements. Petit, son créateur japonais Mr Shimamura, souhaitait être archéologue, une piste ?...
Franck Montialoux, le créateur de GWA Joaillerie, la sublime de diamant et de rubis, en bagues ou en pendentifs.
Côté produits, ma recherche a été plus que fructueuse... Que ce soit dans la mode (T-Shirts Barbara Bui, pulls en cashmere Zadig & Voltaire, chemises Libertine...), les accessoires (sac et bottes Patrick Cox, bottes motardes Dillinger, sac à dos Eastpack, cravates Cheap Monday, Bonnet Addicted....), et même dans la déco ( ampoules Pearl.fr, assiettes par Jean-Charles de Castelbajac pour Philippe Deshoulière, vases et verres Baccarat pour Chrome Hearts !). La tête de mort est également omniprésente dans l'univers du bijou fantaisie (Les Bijoux de Sophie, Philae, Gas, Delphine Parmentier, Aurélie Bidermann, Zoé Morgan) et a même envahi le très très haut de gamme (boutons de manchettes Christofle, bagues Vanité de Franck Montialoux pour GWA Joaillerie et encore Stefere ). L'univers de la mode enfant (avec notamment BodeBo et Lucien Pellat-Finet) est lui aussi touché. Mais l'image de la tête de mort a bien changé : elle n'est plus aussi terrifiante et funeste, son sourire n'est plus macabre et provoquant mais plutôt rigolo, voire carrément déjanté.
De 7 à 77 ans donc, reprenons le symbole punk des années 70 et soyons audacieusement rock'n roll ! A conserver absolument, car dans les collections été 2007, la tête de mort sera toujours là ! Mais à consommer avec modération pour une vie sans modération !


Sur un dernier regard à tous ces visuels et shoppings, une idée me traverse l'esprit. J'imagine ma tête se retrouvant un jour sur un bureau. Qu'elle serve, le cas échéant, à faire des farces-à-faire peur... Et peut-être gagner ainsi ma part d'immortalité ! 


Article rédigé par Julie Peiffer

Février 2007
                                                                                            Cet article est paru dans ENJOY n°3