Tendances


La Place Vendôme par la petite porte...

Un cordon plutôt sommaire relevé d'une pièce martelée signé Dinh Van (120 €), un étui à lunettes monogrammé Louis Vuitton (115 €), des boucles d'oreilles CC dorées emblème de la Maison Chanel (118 €) ou une bague Mimioui de Dior en jaune et diamant (200 €) : les "premiers prix" du luxe n'en finissent plus de séduire une clientèle chaque jour plus large. Pour preuve, chez Gucci on le reconnaît sans sourciller, les accessoires d'entrée de gamme atteignent aujourd'hui 50% des ventes. Démocratisation ou vulgarisation ? Lorsque luxe flirte avec mode, le risque d'y perdre son identité n'est jamais loin...
Liberté, égalité, luxe

Le luxe ne serait plus l'apanage des riches, au contraire : Avenue Montaigne, tout le monde peut désormais prétendre avoir son quart d'heure de luxe... La raison ? Bien loin des codes fondateurs qui ont façonné son identité - l'inaccessibilité, la pérennité et le savoir-faire traditionnel en tête -, le luxe rapproche ses méthodes de celles du mass-marketing, proposant des collections d'accessoires "chics et pas chers" pour draguer les petits budgets. Objectif : Séduire les "laissés pour compte" du luxe, leur ouvrir la - petite - porte du rêve par une gamme d'accessoires en série. Des détails d'initiés discrets mais aisément identifiables. Que ce soit donc la bague 3 en 1 signée Armani en pierres semi-précieuses et strass, cédée pour la modeste somme de 210 € ou le bracelet en lanière cuir Boucheron consenti à 110 €, le luxe est entré en désacralisation et rien ne semble devoir l'arrêter...

Une équation complexe

A la fois pur concentré de plaisir lié au sentiment jouissif de sa propre exception et à la certitude de consommer un mythe, une parcelle d'éternité, l'accessoire griffé est bien évidemment aussi vécu comme un signe statutaire distinctif. Et pourtant, face au caractère honnêtement rudimentaire du légendaire Pi de Dinh Van on est en droit de se poser la question : ce vague cordon flanqué d'une piécette est-il au luxe ce qu'est la Fountain de Duchamp à l'art ?
Au-delà de cette question, peut-être insoluble, de l'incarnation du luxe, une autre problématique de taille affleure. Car à désacraliser sans cesse le luxe pour le faire rentrer dans le porte-monnaie, niant de fait ses valeurs de rareté, de savoir-faire ancestral jalousement gardé et de statut bien au-delà des modes et des tendances aléatoires, le risque est sans doute de l'entraîner dans une spirale de vulgarisation à la Cardin. Or n'était-ce pas là les mots mêmes de Coco Chanel : "Le luxe ce n'est pas le contraire de la pauvreté, c'est le contraire de la vulgarité". De fait, en ouvrant ainsi ses portes, le luxe devrait veiller à ne pas être vidé de sa substance car c'est son avenir ainsi qu'il hypothèque.
Juin 2007
Par Estelle BURGET