La 22ème Biennale des Antiquaires de Paris
Tout ce que les grands antiquaires et joailliers comptent de plus beau - et bien souvent de plus cher - est présenté du 15 au 28 septembre à la 22ème Biennale des Antiquaires de Paris, au Carrousel du Louvre.
A mi-chemin entre galerie et musée, la Biennale des Antiquaires couvre toutes les périodes, de l'archéologie chinoise à l'Art Déco, en passant par les livres enluminés du Moyen-Age, la faïence de Delft, ou le mobilier du XVIIème siècle.
A mi-chemin entre galerie et musée, la Biennale des Antiquaires couvre toutes les périodes, de l'archéologie chinoise à l'Art Déco, en passant par les livres enluminés du Moyen-Age, la faïence de Delft, ou le mobilier du XVIIème siècle.
La Biennale des Antiquaires a élu domicile au Carrousel du Louvre depuis 1994, date à laquelle ont commencé les travaux de rénovation du Grand Palais, qui a vu naître ce rendez-vous des amoureux de l'art en 1956.
En attendant de pouvoir revenir dans son cadre “historique” (probablement en 2008), la Biennale continue d'investir le Carrousel du Louvre et d'y présenter des objets d'exception.
Une nouveauté cette année, la 22ème Biennale fait de sa mezzanine une grande boîte à bijoux entièrement réservée à la Haute Joaillerie : Cartier, Van Cleef & Arpels, Boucheron, Chopard, Zendrini, Martin du Daffoy, autant de noms prestigieux qui présenteront des joyaux rares. La maison Cartier met notamment en vente le mythique diamant, de près de 129 carats, "Star of the South", qui fut découvert par une esclave au Brésil en 1853, ainsi que le collier de 118 rubis birmans, ayant appartenu au Maharajah Digvijaysinhji de Nawanagar.
Ce sont cinq cent six rubis que de son côté la maison Van Cleef et Arpels met en évidence avec un élégant clip Cadix stylisant une fleur éclose composée de douze pétales réalisés en Serti Mystérieux dont la confection a nécessité six cents heures de joaillerie et cinq cent vingt heures de lapidage. Le cœur est ponctué d'un pavage de vingt diamants taille brillant. La monture est en or et platine.
Ce bijou est un superbe témoignage de l'art de Van Cleef et Arpels dans la technique du fameux Serti Mystérieux brevetée en 1933 et portée ici à son plus haut degré de virtuosité.
La Biennale de Paris ne présente pas que des bijoux, bien entendu, et la qualité et la variété de son achalandage laissent rêveur. Inégalée dans certains domaines, comme le mobilier et l'objet d'Art du XVIIIème siècle, laBiennale présente cette année de nombreux et remarquables tableaux anciens, - elle peut faire pièce dans ce domaine à la Foire de Maastrich - des céramiques, des bronzes, des pièces étonnantes de l'antiquité asiatique, des enluminures et des livres anciens, etc.
C'est un ensemble de 111 exposants triés sur le volet par une commission d'experts, qui présentent leurs plus rares pièces aux plus de 100.000 visiteurs attendus. Certains les ont mises de côté pendant deux ans et réservées pour cette grand-messe du marché de l'Art. C'est qu'ils peuvent compter sur une affluence rare de grands acheteurs comme le collectionneur Bill Gates (livres enluminés) et beaucoup d'autres "trustees", collectionneurs ou conservateurs américains qui avec quelques personnalités internationales assisteront au dîner de gala présidé par Bernadette Chirac au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France.
Sur les 111 exposants, 18 sont des nouveaux-venus et 7 des revenants. On compte 39 antiquaires étrangers, venant notamment de Grande-Bretagne (9), Belgique (8), Etats-Unis (5), Allemagne (5), Suisse (4), et Italie (4). Il est difficile de choisir parmi les pièces présentées par ces galeristes pour mettre en avant quelques unes. On a l'impression de se promener dans un musée, où les objets sont librement offerts à la vente. Il est toujours un peu étonnant, par exemple, de pouvoir acquérir, au hasard de la promenade ce tableau de Courbet intitulé Gitane et ses enfants, une huile sur toile datée de 1853-54 et présentée par la galerie Jan Krugier A vrai dire c'est bien le musée qui le plus souvent guette les plus remarquables objets offerts à la vente.
Les tableaux de Troy volés pendant la deuxième guerre mondiale par Hermann Goering et retrouvés à Berchtesgaden, chez Hitler, vont grâce à la galerie Segoura qui les présente à cette 22ème biennale, retrouver de plus dignes possesseurs.
Maurice Segoura, que ses deux fils Pierre et Marc ont rejoint il y a une quinzaine d'années, est depuis bientôt cinquante ans l'un des acteurs les plus réputés et charismatiques du marché de l'art. Epris de beau, ils s'appliquent tous trois à chercher et trouver sans relâche les plus beaux objets du XVIIIème siècle, ceux qui ont fait la renommée internationale de leur galerie. Celle-ci, aujourd'hui installée dans un somptueux hôtel particulier près de l'Avenue Montaigne, est en effet devenue depuis plusieurs décennies une étape incontournable pour les plus grands collectionneurs et les musées que Maurice Segoura et ses fils peuvent s'enorgueillir de compter parmi leurs fidèles clients.
Sur le stand d'Ariane Dandois un lustre en bois composé de quatre couronnes graduées ornées de frises feuillagées et de pendeloques de cristal, a été réalisé d'après les dessins de Karl Friedrich Schinkel (1781-1841). Considéré aujourd'hui comme le plus illustre dessinateur de la première moitié du XIXème siècle. Architecte, artiste et décorateur, il travailla presque exclusivement pour la famille royale de Prusse de 1810 à sa mort en 1841.
Il créa des palais, des églises, des théâtres, à Berlin et à Potsdam pour le roi, le prince héritier Friedrich Wilhelm et ses frères, les princes Wilhelm, Karl et Albrecht.
Les dessins de ses meubles sont souvent d'inspiration néoclassique mais aussi marqués par une simplicité et un sens pratique qui confère à Schinkel une place particulière face aux autres dessinateurs de son temps.
Grâce à la galerie Georges De Jonckheere, installée à Paris en 1984 et référence internationale dans le domaine de la peinture flamande, le public pourra acquérir le pittoresque tablau de"l'Eté" signé par Pieter Brueghel le Jeune ou une nature morte Vase de fleurs, gibier à plumes, corbeille de fruits et légumes, signée par Frans Ykens et inspirée de Frans Snyders. Sur un entablement de bois clair et nu, sont disposés, suivant un savant jeu de diagonales, des perdrix, des passereaux morts et un vase en cristal, dont s'échappe un luxuriant bouquet de roses, d'iris, de viornes et de tulipes. Un enchevêtrement de formes, de textures et de couleurs chatoyantes, véritable séduction pour l'oeil.
Plus loin Christian Deydier qui est un érudit et un chercheur autant qu'un marchand a trouvé un exceptionnel cheval présentant la jambe avant gauche levée, le cou tourné vers la droite. Cette terre cuite grise de la dynastie des Tang (618 - 907) côtoie une aussi exceptionnelle et unique boïte en bois contenant trois couteaux à lame de fer et manche en agathe. Sur le couvercle une feuille d'or est décorée, en ajouré, de grues volant parmi des rinceaux de feuillages. Ce témoin de la culture nomade de Mongolie, probablement tribu Qidan (future dynastie Liao), est daté des 9ème ou 10ème siècle...
L'un des plus importants voyages scientifiques du XIXème siècle a été relaté par Auguste-Nicolas Vaillant. Grâce aux Chamonal les 14 volumes de texte grand in-8, et 3 atlas in- folio, du Voyage autour du monde, exécuté pendant les années 1836 et 1837 sur la corvette "La Bonite". Paris, Arthus Bertrand, 1840-1844 est accessible à la biennale.
Auguste-Nicolas Vaillant (Paris, 1793 - 1858), aide de camp de Rigny, ministre de la Marine, fut nommé au commandement de la Bonite et entrepris alors un voyage autour du monde dont les buts étaient à la fois scientifiques, politiques et commerciaux. Parti de Toulon en février 1835, il rentra à Brest en novembre 1837 après avoir visité le Brésil, la Plata, le Chili, le Pérou, les îles Hawaii, les Philippines, la Chine, l'Annam, la Cochinchine, la Malaisie, les Indes, la Réunion, le Cap et Sainte-Hélène. Sa relation renferme de très importants renseignements politiques et commerciaux, ainsi qu'une masse d'observations scientifiques de qualité, oeuvre des savants de l'expédition : Eydoux, Soleyet, Gaudichaud, Laurent, Chevalier, Darondeau, etc.
Et tant d'autres chefs d'oeuvres qu'il faudrait aussi citer : Chez Steinitz une paire de vases de porphyre montés en bronze doré d'époque Empire, provenant de la collection du Prince Murat, chez Didier Aaron un table-console hollandaise richement sculptée du XVIIe, la Galerie Gismondi présente un sompteux cabinet d'apparat attribué à Giacomo Herman (XVIIéme siècle), chez Jorge Welsh on trouvera une paire de grues en porcelaine aux émaux blancs et noirs de l'ère Qian Long, chez Mermoz il faut admirer le Seigneur de la mort, terre-cuite précolombienne, tandis que Hugues Dubois propose un "Pleurant" en albâtre de Maître Aloy (Catalogne). et que le masque Liao de Gisèle Croës illustre les Arts premiers...
Un étonnant inventaire à la Prévert de l'Art du Monde.
Septembre 2004
Par Yves CALMEJANE