Avec Art en Thèmes, découvrez « China Gold » au musée Maillol
« China gold » au musée Maillol, tisse à travers l’or, couleur autrefois réservée à l’empereur, l’histoire d’un voyage à travers la création contemporaine chinoise trente ans après ses premières manifestations publiques. Un périple à la manière d’un moderne Marco Polo. Nos rétines ont conservé l’empreinte des images estivales du continent qui a montré à la face du monde comment il puisait en ses traditions ancestrales pour se nourrir et engendrer une ultra modernité. China Gold est l’histoire du regard que les artistes chinois (plus de trente sont exposés ici) posent sur leur propre culture alors même que, mondialisation oblige, chacun puise l’inspiration où bon lui semble : Chine où ceux-ci ont été formés dans les meilleures écoles, Europe, Etats-Unis. En Asie extrême aussi, les mediums sont multiples : performances, installations, photo, sculpture, peinture, vidéos…
Cendres sur lin
Parmi les plus radicaux de ces plasticiens, Zhang Huan, mondialement célèbre pour ses pour spectaculaires performances : concentrés d’endurance et de nudité au caractère très expérimental. Parmi les plus célèbres «Elever le niveau d’eau d’un étang» regroupait des paysans debout dans l’étang afin de faire monter son niveau. ; «Ajouter un mètre à une montagne anonyme», des artistes nus juchés les uns sur les épaules des autres ajoutaient un mètre de chair à une colline de Pékin.
Rien de tel au Musée Maillol. Zhang Huan est représenté par deux immenses toiles qui semblent faire écho de leur taille à l’immensité de la Chine. Deux toiles de lin sur lesquelles se dessinent à la cendre « grazing » (pâturage) paysage rural de la Chine traditionnel et un autre « Recruit » (recrue) où deux silhouettes en uniformes surgies de l’ombre évoquent l’omniprésence de l’armée. Deux toiles d’une virtuosité inouïe que l’on jurerait arrachées à la matière terrestre et pourtant veloutée et profonde… Deux tableaux qui, à eux seuls, justifieraient un voyage à Pékin.
AK 47
Tout à coté, les toiles de Zhang Dali « AK 47 » (B3) et « AK 47 » (B3) reprennent en titre le nom de code des célèbres Kalachnikov. Le sigle Ak47 voile le visage en un glacis étiré sur la toile, ôtant à chacun toute humanité, toute singularité, barrant d’une manière imperceptible le regard.
Autre artiste, même thème : Tang Zhigang peuple ses toiles d’enfants militaires aux grosses têtes tondues.
Des mégapoles en mutation
Plus loin, Wang Quingsong avec une immense photo en couleur, « rêve de migrants », peint une scène entre Fellini et Jérome Bosch où chaque recoin conte son lot de violence, de sexe, de misère et de débrouillardise dans une ville éventrée comme le sont les mégapoles chinoises en pleine mutation.
Femmes Objets
Feng Zhengjie exprime une féminité caricaturale dans ses toiles géantes peuplées de mystérieuses femmes poupées au teint de porcelaine, yeux de chattes mi-clos à l’iris presque absent. Celluloïdes roses et vertes offertes …
Une performance légendaire
Sheng Qi représenté par « héros national » en bronze doré, rend anecdotiques toutes les performances réalisées jusque là. L’artiste, avant de quitter Pékin après les grandes manifestations étudiantes de la place Tian anmen, trancha le petit doigt de sa main gauche et l’enterra dans un pot de fleurs. Sa décision de mutilation était mûrement réfléchie, expression de son attachement à son pays. Bien qu’il se soit enfui à l’étranger, une partie de son corps et de son esprit restaient ancrées en son pays. Ainsi, manque-il à son astronaute l’auriculaire de la main gauche… Un homme dans l’espace éternellement relié à la terre par un petit doigt.
Octobre 2008
Par Damienne Schilton