Tendances


Les amours du 4X4 tout-terrain et de la mode

Pour la nouvelle campagne publicitaire de la Toyota Rav4, l'agence de communication Saatchi & Saatchi met en scène, dans les magazines, la rencontre de deux univers qui n'ont pas l'habitude de cohabiter : le 4x4 tout-terrain et la mode.
Une façon de rappeler que la voiture a été, de tous temps, un attribut du standing de son propriétaire. Ce marqueur statutaire tend toutefois à s'estomper depuis que les constructeurs cherchent également à séduire les femmes.
Des jambes et des vêtements maculés de boue

Assis dans des canapés, quatre jeunes gens chics - trois femmes et un homme- se retrouvent pour un moment de détente, dans un lieu (appartement ou chambre d'hôtel, l'histoire ne le dit pas !) qu'un tableau sur le mur et de l'argenterie en dernier plan colorent d'un certain standing. Tout dans leur position, leur gestuelle et leurs accessoires imite les codes de la mode, mais un détail bouleverse cette perception : leurs jambes et vêtements sont maculés de boue ! Les protagonistes, qui reviennent à coup sûr d'une virée en 4X4, assument cette "anomalie" de manière impertinente et ostentatoire, comme s'ils venaient de céder à la dernière tendance du moment. L'image est décalée et surprenante. Le message limpide : le Toyota Rav4 est le 4X4 urbain par excellence, qui marie luxe et esprit d'aventure, élégance et audace.

Du "tout-terrain" au "tous-chemins"

L'usage du 4X4, il est vrai, a bien changé. Il n'est plus tout à fait ce véhicule tout-terrain pour accros d'aventure, capable d'avaler ravins, dunes et routes verglacées. Il s'adresse à Monsieur et Madame "Tout-le-monde", qui l'entraînent parfois le week-end sur des chemins peu carrossables mais l'utilisent surtout sur le bitume. Dans ce passage du "tout-terrain" au "tous-chemins", le 4X4 a forcément un peu perdu de son parfum d'aventure. C'est particulièrement vrai pour le Rav4, modèle qui domine la catégorie, avec 10.824 ventes sur les 9 premiers mois de 2004. Il se définit comme féminin (70% environ de la clientèle), chic et archi-urbain. Ses concurrents se rencontrent davantage parmi les petites citadines (Classe A, Mini...) que parmi les mastodontes de sa catégorie, dans un marché tiré par le haut en termes d'image depuis le lancement, au Mondial de l'Automobile 2002, du Porsche Cayenne (60% des ventes France du constructeur aujourd'hui) et du Touareg de Volkswagen...
De là à considérer le Rav4 comme un très gros accessoire de mode, il n'y a qu'un pneu que l'agence Saatchi & Saatchi n'a pas hésité à faire rouler.

Le registre de la connivence et de l'identification

La publicité du Rav4 fonctionne sur le registre de la connivence. Avec le registre de l'implication, il constitue les deux piliers du discours automobile sur lesquels aiment s'exprimer les créatifs d'agence ( Il existe aussi un troisième registre, moins intéressant sur le plan de l'expression publicitaire qui consiste à vanter les qualités du véhicule dans une communication purement produit. Soit dit en passant, cette voie basique est encore trop souvent empruntée dans le domaine du luxe, notamment dans la mode et l'horlogerie !).
Outre un premier degré d'identification - Toyota Rav4 est forcément chic puisqu'il est utilisé par une tribu de gens chics - , le visuel joue sur le fantasme. Voire la transgression : quel bourgeois bien habillé n'a jamais rêvé de patauger dans la boue et de s'encanailler ?

Cherchez la femme

Détourner les codes du luxe est une idée intéressante. Lorsque la publicité automobile, communique autour de l'élégance (et de la ligne), elle parle généralement ... des qualités du modèle présenté par le constructeur ! Les véritables élégantes, comme celles que l'on aperçoit dans la publicité Rav4, ne sont pas un "accessoire" très prisé, hormis chez un constructeur comme Audi, qui, depuis plusieurs années, fait beaucoup d'efforts pour séduire la clientèle féminine. Les femmes pèsent en effet de plus en plus dans l'acte d'achat d'une voiture et pas uniquement pour choisir la couleur !
Les études montrent que restant plus sensible que les hommes à la valeur d'usage (et moins à la marque, ce qui est le contraire de la plupart des marchés de consommation), cette clientèle féminine se retrouve aussi dans le plaisir de conduire et n'envisage plus exclusivement la voiture comme un instrument lui permettant de transporter courses familiales et enfants. Ces évolutions de tendances entraînent de profonds bouleversements chez les constructeurs, tant au niveau des modèles que de la communication ; les femmes n'étant pas sensibles au même design (d'où des formes plus arrondies) ni aux mêmes valeurs que les hommes. Ainsi BMW et son agence BDDP & Fils n'ont-ils pas hésité, en début d'année, à communiquer sur la Série 1, avec toute une variété de publi-reportages dans la presse féminine, afin de pouvoir établir une complicité avec leur cible.

Une photo de mode

Mais revenons à la campagne Rav4. Son intérêt réside aussi dans le fait qu'agence et annonceur sont allés au bout de leur idée. La photo shootée en numérique et signée Dimitri Daniloff a été conçue comme une photo de mode dans les poses des personnages, le cadrage, le stylisme... Le décorateur Hervé Sauvage a même été amené à créer un casting de... boues ! Une fois le client ayant choisi sa couleur (très important la couleur et l'aspect pour que la boue reste identifiée à de la boue !), les mannequins ont sauté dedans puis sont allés tranquillement s'asseoir.
L'auriez-vous imaginé ainsi ?
Décembre 2004
Par Françoise VIDAL