Le charme discret de Maulévrier
A l'éclosion des premiers bourgeons, le Parc Oriental de Maulévrier a rouvert ses portes au public, et ne les refermera qu’à l’automne prochain. Vaste de 12 hectares, le plus grand jardin japonais d'Europe nous convie à une promenade au cœur de la nature, mais aussi à un parcours historique, depuis la fondation du château Colbert qui domine l'actuel parc, jusqu'à la restauration de celui-ci dans les années 80. A deux pas de Cholet, départ pour l'Asie.
De Louis XIV à l'Exposition universelle de 1900
Edouard-François Colbert, frère du ministre de Louis XIV et lieutenant général des armées du Roy, fait ériger le château par Jules Hardoin-Mansart en 1680. Le bâtiment, détruit pendant les guerres de Vendée, est reconstruit à partir de 1815 par les descendants de Colbert, qui créent alors un parc romantique dans le vallon attenant au château.
Tournant décisif à la fin du XIXème siècle : l'industriel choletais Eugène Bergère rachète le château et confie sa réhabilitation à un grand architecte de l'époque, Alexandre Marcel, qui deviendra bientôt son gendre. Passionné d'orientalisme et de japonisme, celui-ci transformera peu à peu le parc romantique en s'inspirant des jardins japonais de la période Edo (XVIème-XIXIème siècles). Ainsi naît ce qu'il baptisera "Paysage japonais", suivant la coutume en usage au Japon de donner un nom au jardin. Des experts botanistes japonais en attesteront l'authenticité en 1987. Le promeneur est ainsi invité à un parcours initiatique au fil du jardin qui déroule, tout au long de l'élément aquatique omniprésent, la symbolique de la vie humaine et les représentations shintoïste et bouddhiste du paradis.
Déclin et renaissance
Alexandre Marcel meurt en 1928 et, à partir de 1945, le parc transformé en exploitation agricole et forestière est peu à peu abandonné. C'est en 1976 que la propriété est scindée en trois parties et vendue, la commune de Maulévrier rachetant le parc dont la gestion est confiée à une association. Un énorme travail est alors accompli pour redonner au site son aspect d'antan, à commencer par le défrichage, puis la restauration sur la base de documents et de photos. Le château Colbert a quant à lui été racheté, restauré et transformé en hôtel de prestige avec vue imprenable sur le parc.
Orientalisme et japonisme
Se plonger dans l'univers de Maulévrier, c'est s'imprégner d'un étonnant et harmonieux mélange d'époques et de cultures, depuis le Grand Siècle jusqu'à l'Exposition universelle de 1900, et de l'Anjou à l'Extrême-Orient. C'est aussi découvrir la personnalité fascinante d'Alexandre Marcel. Cet architecte orientaliste, ami d'Albert Kahn, fut connu bien au-delà de nos frontières. On retiendra qu'il réalisa plusieurs pavillons pour l'exposition universelle, devint l'architecte du roi de Belgique, traça les plans de la ville d'Héliopolis en Egypte, et ceux d'un palais en Inde pour le Maharadja de Kapurtala. Il travailla au projet de construction de l'ambassade de France à Tokyo. On lui doit aussi le mémorial de l'escadrille Lafayette au parc de Saint-Cloud, ou encore le bâtiment du cinéma "La Pagode" à Paris - à l'origine une salle des fêtes commandée par le directeur du Bon Marché.
Suivre le fil des saisons
Si vous avez aimé le printemps à Maulévrier, vous adorerez l’automne. Mais sans attendre le rougeoiement des frondaisons, de mai à septembre, prévoyez de passer la nuit sur place, pour compléter votre visite de jour par une promenade nocturne : à la faveur d'éclairages qui suggèrent plus qu'ils ne révèlent, "Jardin de nuit, contes japonais" vous transportera dans un univers fantastique et insoupçonné, à la faveur d’une déambulation musicale et poétique inoubliable. A trois heures de Paris, Maulévrier est un lieu hors du commun qui vous emportera bien loin du quotidien.
Mai 2018
Par Gwenola Lemoine
