Mode & Beauté


Dany Sanz : une aventurière dans les cosmétiques

Parce que Dany, petite fille rêvait toujours d'une nouvelle aventure, elle s'est retrouvée de maillon en maillon à la tête de Make Up for Ever et à enseigner l'art du maquillage sans jamais l'avoir appris. Make Up for Ever est aujourd'hui une marque culte, partagée aussi bien par les maquilleurs professionnels, les mannequins, les célébrités que par le grand public. La marque exporte désormais ses couleurs, sa philosophie et sa pédagogie dans plus de 45 pays.
Petite histoire d'un météore de la beauté.
"Je vais vite..."

C'est le père de Dany, ouvrier immigré espagnol, qui à inculqué à sa fille unique la valeur du travail, pour lui que le seul et unique moyen de survie. Mais la petite suit des études qui l'ennuient. "Je me sentais décalée. Même maintenant je m'attends toujours à quelque chose d'autre." Elle opte donc pour l'école d'arts appliqués du Mans, où tout l'intéresse enfin : "Les grands, l'odeur, la peinture, les blocs de terre, le plâtre, tout ça me plaisait." 
A l'école des beaux arts l'adolescente étudie tout pendant deux ans : peinture, gravure, reliure, sculpture. "C'était concret, mais j'avais l'impression de perdre mon temps car je vais vite. Il me fallait vivre autre chose, sans envies particulières."
A 17 ans, elle va à Paris et fait mille petits boulots pour survivre, du travail en usine au monde de la vente dans le Sentier. Fatiguée à 19 ans d'une vie éclatée et "dévergondée" - années 68 obligent -  elle rentre en province, à Nantes,  et se marie avec un "homme classique"  : "Mais je savais que ça n'allait pas durer... Je faisais des essais."

De l'esthétique au théâtre, du théâtre au maquillage

La nouvelle petite bourgeoise s'ennuie sur le pont de Nantes. Elle s'inscrit alors dans une école d'esthétique, pour passer le temps : "C'était rigolo mais je me sentais là aussi décalée." Entreprenante de nature, elle ouvre quatre mois plus tard, un institut. "Une autre petite maison de construite." Le monde de la nuit fréquente l'endroit, lui demande des conseils et elle fait ainsi ses premiers pas dans le maquillage "pro" sans savoir qu'il deviendra sa marque de fabrique.
Le bouche à oreille aidant, le théâtre de Nantes la sollicite; l'ambiance, les rideaux, les costumes lui donnent des fourmillements... fini l'ennui. Mais quand la troupe s'en va, là voilà frustrée de ne pas pouvoir suivre les saltimbanques. Sa vie personnelle bat de l'aile, elle met fin au mariage vieux de deux ans.
La suite des aventures aura lieu à Paris et au Moyen-Orient. Dany n'a toujours pas de plan ni de vraie envie. C'est ainsi que sans boulot et sans argent, elle entre par hasard chez Jeanne Gatineau comme traductrice d'espagnol pour la formation professionnelle. De la formation elle passe au domaine l'export où elle essuie successivement une révolution au Portugal et une épidémie au Maroc ! En Iran, elle séduit - au sens propre comme au figuré - le distributeur. Elle démissionne et vit pendant un an une vie de reine... mais elle sent de nouveau que sa place n'est pas vraiment là. "Je devais rentrer." Elle repasse par la case Gatineau un court moment et par la case "mariage", brièvement également, histoire de vérifier qu'elle n'est pas passée à côté de l'aventure enfants. Sa vie ne sera décidément pas "classique".

"J'avais peint des choses sur les corps et les visages..."

Elle apprend que le maquilleur Christian Chauveau ouvre une école. Cette perspective l'intéresse. "Au théâtre j'avais peint des choses sur les corps, les visages, sans me poser la question de savoir ou non maquiller." Malgré un moindre salaire, la voilà, assistante du directeur. Un autre maillon est posé vers son destin.
Elle débute avec 6 élèves, et peu de produits adaptés, mais elle devient l'âme et le moteur de l'école. Elle agit dans tous les azimuts. Elle enchaîne les démonstrations, les effets spéciaux pour le cinéma, et surtout elle apprend sur le tas, comme elle a toujours su faire, en même temps que ses étudiants.
Dany découvre aussi qu'elle aime transmettre son savoir et s'attache à cette école qu'elle n'a pas créée mais qu'elle fait vivre et qui la fait vivre. 400 élèves du monde entier se pressent dans cet endroit connu du milieu professionnel pour faire des choses marginales. "J'y passe pendant 15 ans mes jours et mes nuits et en "free lance" je participe à des créations de spectacles, de mode, de coiffure... »

De l'école à la cosmétique

Mais les produits spécifiques manquent. Que faire ? Dany, toujours pragmatique et simple, a la réponse : "Je me suis dit : on va les faire."
Après quelques déboires - et un nouveau mari... elle se lance, sans un sou mais avec la confiance des chimistes, dans l'élaboration de nouveaux produits. L'aventurière fait faire des poudres, du rouge à lèvres, en gros. "On faisait fondre sur un camping gaz le rouge et on remplissait les boites de poudre, à la louche". Le résultat de tous les maillons accumulés depuis l'enfance naît avec la création de la société Make up for ever, concept pro. Là tout s'accélère. L'étranger par l'intermédiaire de ses élèves, réclame les produits. En effet les étudiants rentrés dans leurs pays ont besoin des produits avec lesquels ils ont travaillés. "Sans le circuit pédagogique, ça n'aurait pas marché autant".
L'aventure prend de l'ampleur avec l'achat d'une usine et l'ouverture au public de la gamme en Asie et aux Etats-Unis. D'autres auraient sautés de joie à l'idée de commercialiser leurs créations sur une grande échelle. Dany n'est pas de ceux-là. "J'ai eu peur de perdre l'image "pro" et ma crédibilité. ". Elle sait que sa marque doit rester estampillée "pour professionnels".

La "MUFE Academy"

Il y a 4 ans, nouvelle étape, avec le rachat de son seul "bébé"par LVMH qui conserve Dany comme directrice artistique de la marque. Elle reste l'âme de sa société qu'elle appelle familièrement "MUFE" pour Make Up For Ever. Comment pourrait-il en être autrement, elle est partout. "Je fais partie du concept. Je suis derrière les gamelles avec mon chimiste, derrière le marketing, près de la vente." Elle croit avec force que la pédagogie est indispensable à la marque, alors elle convainc ses patrons d'ouvrir une école.
Remplie d'une énergie "fatigante pour les autres", elle aime se surpasser pour obtenir un beau dénouement à ses histoires.
Bientôt une nouvelle aventure, un rêve ? "Peut être qu'il y aura des MUFE Academy de par le monde ?... "
Janvier 2006
Par Véronique GUICHARD