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Luxe, mode et éthique : je t'aime, moi non plus...

Traditionnellement opposés, le luxe - à travers sa composante mode - et l'éthique entrent, contre toute attente, en résonance. Empire de l'éphémère et de la sur-consommation, considérée comme écologiquement désastreuse et socio-économiquement néfaste, la mode a mauvaise presse aux yeux du développement durable et du commerce équitable. Et pourtant, depuis une dizaine d'année, les valeurs changent. Le luxe, éternel symbole de rareté et de pérennité, se démocratise et, ce faisant, généralise un nouvel art de vivre où la durabilité et la solidarité ont leur place, nous plongeant dans les abîmes du paradoxe : le luxe serait-il le premier bastion de l'éthique ?

Changement de paradigme

Le scandale des sweatshops et les problèmes écologiques, liés notamment à la culture du coton accusée d'utiliser plus de 25% des pesticides mondiaux, avaient fini, semble-t-il, de reléguer la mode au sein des ennemis jurés du développement durable et du commerce équitable. Inconciliables la mode et le respect de l'environnement ? Antinomiques la créativité et l'engagement éthique ? C'était sans compter avec le basculement des valeurs, le changement lent et progressif de paradigme. Si la mode, et plus généralement le luxe, ont pu longtemps flirter avec l'ostentatoire, l'inégalitaire et le superflu, le haut de gamme semble aujourd'hui avoir renoué avec son essence : la qualité, le savoir-faire et la pérennité. L'argent n'étant plus une valeur en soi, le luxe comme pur marqueur social a fait long feu. Démocratisé, il bascule au contraire vers des fonctions nouvelles de plaisir et d'émerveillement tandis que l'éthique, l'écologique et l'humanisme viennent, sans bruit, contaminer la mode. Et l'utopie devient réalité...

La mode se réinvente...

Cette évolution des valeurs a concrètement, au moins, deux effets : d'une part la mode citoyenne et éthique, devient créative et séduisante et, d'autre part, l'industrie du luxe explose, faisant sienne une fonction d'esthétisation de la vie à mesure qu'elle s'éloigne du paraître.

Témoin de cette évolution, les marques citoyennes fleurissent : résolument haut de gamme dans le choix des matières premières (coton biologique, caoutchouc naturel...) et solidaires (conditions de fabrication éthiques), ces créations n'en sont pas moins tendance. Loin d'être ringarde ou surannée, la mode éthique brille par son inventivité et s'impose en toute légitimité dans les boutiques les plus hype, Colette en tête. De Misericordia et ses uniformes de collège péruviens à Seyes Pullover qui revendique un choix de coton bio haute-qualité, de la basket écologique Veja aux chapeaux de pluie en sacs recyclés de la styliste Isabelle Teste, cette mode luxe, car haut de gamme dans ses matériaux et audacieuse dans ses formes, respecte l'environnement, l'Homme et les diktats de la mode. Que demander de plus ? Révélateur, l'EthicalFashion Show, pour sa 2e édition, a accueilli plus 2 600 visiteurs en 3 jours, dont près de la moitié de professionnels (médias, acheteurs et commerçants, spécialistes du développement durable et du commerce équitable...), preuve de l'intérêt grandissant du public pour ces questions de développement durable, commerce équitable et mode.

Vers un nouvel art de vivre

Convivialité, échange, hédonisme, développement personnel... les valeurs attachées au luxe ont profondément muté, abandonnant peu à peu le royaume du superflu et de la démesure. Gilles Lipovetsky, observateur acéré des phénomènes sociaux tels que la mode, la publicité, la consommation de masse...en convient : la stricte étanchéité des classes disparaît et, conjointement, le désir de luxe se démocratise.


Résultat ? Le secteur du luxe se transforme et s'élargit à la notion d'art de vivre, plus floue, plus large mais aussi plus éthique. Du consommer pour paraître au consommer pour être. Dans une société paradoxale, individualisée à l'extrême, polluée par la consommation de masse mais soucieuse de l'environnement, l'intellectuel constate une recherche d'esthétisation de la vie quotidienne. Design, mais aussi sensibilité au zen, au retour sur soi, au paysage, à la culture et au mieux-être : toutes ces tendances ont de beaux jours devant elles. Cette aspiration au "beau" et au "bien" révèle une propension de nos sociétés au confort et au bien-être plus qualitatifs et probablement plus pérennes. Ne serait-ce pas précisément là que résident les valeurs du développement durable...?

Estelle Burget

Janvier 2006

Ethical Fashion Show
www.ethicalfashionshow.com

Seyes pullover
www.seyes.fr
seyespullover@seyes.fr

Misericordia
www.misionmisericordia.com

Veja
www.veja.fr
Points de vente (sur Paris)
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OFR, 30 rue Beaurepaire - 75010
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