L'Alfa enlace les lacets
La 159 piaffe d'impatience
En ce mois de septembre d'une étonnante douceur, la petite baie de Saint-Jean-Cap-Ferrat semble bien paisible après l'hystérie des mois de vacances. La mer est d'un calme méditerranéen et au loin, se profilant dans la légère brume du soir, on a l'impression de distinguer les côtes italiennes. Dans les jardins de l'hôtel Royal Riviera, qui descendent en pente douce vers une petite plage de sable, tout le monde, ou presque, parle italien. Pour 24 heures, ce magnifique palace, construit au début du XXe siècle, avec ses salles à manger à l'ambiance feutrée et son panorama sur le large qui vous donne des envies de larguer les amarres, bruisse des préparatifs pour les essais du lendemain. Comme à la parade, rutilant sous les palmiers, la horde des 159 piaffe d'impatience d'en découdre avec les routes, chacune voulant montrer ce qu'elle sait faire et surtout ce qu'elle a sous le capot.
La fraîcheur du matin couvre les voitures de minuscules gouttelettes. Celle qui m'est dévolue m'attend, encore sage mais déjà aguichante. C'est peu de dire qu'elle est belle. Allure racée, formes généreuses, lignes élégantes dessinées par Giorgetto Giugiaro, les traits distinctifs de la marque sont immédiatement reconnaissables. Si pour 60 % des acheteurs de berlines la ligne est le premier critère d'achat, l'Alfa Romeo 159 a toutes les chances de séduire. La partie avant est toujours dominée par la mythique calandre Alfa, reconnaissable entre mille. De là partent les lignes arrondies qui enveloppent les six phares ronds, lui donnant une sorte de regard froncé. Le tout ravive cette touche d'agressivité que la marque avait un peu abandonnée ces derniers temps.
Une sensualité furieusement italienne
À l'intérieur, la sensualité des formes, des volumes et des matières est furieusement italienne. Tableau de bord en aluminium satiné, poignées de portes en chrome, le reste en tissu ou en cuir pleine fleur, on sent la conception et la finition soignées. Derrière le volant, j'ai soudain l'impression de m'installer aux commandes d'un avion (pas un Boeing, quand même !) avec ses compteurs ronds, sa console orientée vers le conducteur, son large écran central d'information (système de navigation Birdview), le tout donnant une ambiance très cockpit. Paré pour le décollage.
Contact ! Démarrage par bouton-poussoir, le moteur ronronne joyeusement. Je profite quelques instants de ce moment privilégié. Visibilité parfaite, siège bien enveloppant quoiqu'un peu rude, première... on y va. Un petit parcours dans les allées étroites du Cap-Ferrat pour commencer à se connaître, une promenade dans les ruelles du village pour vérifier si le braquage est toujours aussi improbable qu'auparavant (vieille réputation)... il l'est ! Mieux vaut prévoir de l'espace pour effectuer un demi-tour. Nobody's perfect !
Une belle faussement soumise
Direction le vieux port de Nice, pour la voir à l'œuvre sur des routes larges et rapides. On retrouve le fameux bonheur de conduire, mélange de plaisir et de sérénité, que l'on a connu depuis des décennies, au gré des différents modèles... avec un "plus" certain pour la 159. Elle prend la route au sens propre du terme, sereine, presque impériale, et surtout avec son agilité et sa nervosité légendaires. Il y a de la souplesse, de la reprise, et on constate très vite que la troisième est plus vigoureuse que la seconde, alors que la quatrième est une vraie merveille. Elle se la joue sportive et la légère dureté de la suspension vient nous le confirmer. C'est une belle soumise qui obéit sans rechigner à la moindre sollicitation, et la direction démultipliée est un vrai régal avec une précision millimétrée. Une pose devant les somptueux yachts de la rade, juste pour frimer et montrer que sa ligne de hanches n'a rien à envier à leur ligne de flottaison. Un tour sur la Promenade des Anglais, histoire de se faire remarquer (et ça marche !), et on taille la route vers les lacets des gorges du Verdon dans l'arrière-pays. On va voir comment la belle se transforme en tigresse...
Bien collée au sol, cette berline se comporte en vraie sportive lorsque le besoin s'en fait sentir. Elle enchaîne avec grâce et talent la sinuosité des routes, accroche parfaitement dans les virages secs, allume ses codes toute seule à l'entrée des tunnels, freine impeccablement si un intrus se présente, et son levier de vitesse court et sportif fait merveille dans ce décor. Examen de passage réussi !
Après l'effort, le réconfort chez Les Terraillers
Tout parcours nécessite une étape, surtout après de tels résultats. Dans la région de Nice, les bonnes tables ne manquent pas, mais Les Terraillers, à Biot, possède un charme particulier et surtout un nouveau chef, Michaël Gulci (ce n'est pas un nom des Ardennes !), qui concocte des plats fleurant bon la terre toute proche et la mer à l'horizon. On s'installe sous la tonnelle ombragée, et le chef envoie des Courgettes fleurs farcies, enrobées d'une sauce à la saveur de truffe, une Sole de ligne à la crème de persil et un Agneau rôti, jus réduit et petits farcis niçois. Notez bien cette adresse pour initiés gourmands.
Le luxe, essence ou diesel
Pour nourrir l'Alfa, c'est essence ou diesel ! La 2.4 JTD boit 9,3 l/100 km en ville et 5,4 l/100 km sur route (6,8 l en moyenne), alors que la 2.2 JTS s'abreuve de 9,4 l en consommation mixte. Il existe d'ailleurs trois moteurs essence et trois moteurs turbo-Diesel. On reprend le volant doucement, on allume un cigare, un Romeo y Julieta bien évidemment, pour un petit hommage à la Guilietta qui a tant marqué l'histoire d'Alfa... Romeo.
Lorsqu'on rentre au garage, on abandonne difficilement cette merveille, cette prétendue berline "familiale", en fait plutôt une sportivo elegante, qui nous plaît surtout à nous les hommes, pour qui le plaisir de conduire est l'essence même de la possession d'une voiture, et pour les femmes... comme nous ! Un dernier regard sur la belle, sûre de son charme... Ciao, ciao !
Patrick Faus