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Un hôtel sous... les vignes!

A quelques kilomètres de Tours, ce Relais & Châteaux troglodyte se niche dans une falaise sous les vignes de Vouvray. Une expérience unique au monde.

Autant l'avouer tout de suite, cet hôtel est l'un des plus fascinants qu'il nous ait été donné de visiter. Y séjourner est certes une expérience déroutante, mais dormir dans une chambre troglodyte n'a rien d'un exploit réservé aux gagnants de Koh-Lanta. Coupons le cou aux idées reçues : non, on ne risque pas de devenir claustrophobe aux Hautes-Roches. Non, il n'y fait pas froid, ni humide. Accroché à mi-pente d'une falaise de tuffeau - l'une des falaises dont furent extraites les pierres claires utilisées lors de la construction des châteaux de la Loire - l'hôtel est d'un raffinement et d'un confort extrêmes. Ses 15 chambres dont 12 troglodytiques, mesurent en moyenne 70 m2! Nulle impression d'enfermement : toutes bénéficient de vastes fenêtres ouvrant plein sud sur le fleuve. Les salles de bains de marbre beige s'harmonisent avec la nudité des murs de pierre dorée alors que ceux-ci s'opposent au raffinement des tissus fleuris et des moquettes épaisses. On monte dans les chambres par un escalier de pierre extérieur qui donne à l'équipée un léger parfum d'aventure. Mais le hors-piste s'arrête ici, nous sommes bien dans un Relais & Châteaux. L'hôtel n'est pas climatisé. Un luxe inutile, car même par forte canicule, la température intérieure ne dépasse pas 24 °C. A contrario, le chauffage ne fonctionne qu'au plus profond de l'hiver, tant il fait naturellement doux entre ces murs de pierre. Et ceci grâce aux 25 mètres de roche au-dessus de l'hôtel ! Au sommet de la falaise, on aperçoit les vignes de Vouvray. Les Hautes Roches a d'ailleurs longtemps été exploité comme domaine viticole.


Un bar creusé dans le roc

Cette série de salles troglodytes, dont l'origine se perd dans la nuit des temps, fut longtemps habitée par les moines de l'abbaye de Marmoutier sa voisine. Ces cellules monacales servirent aussi de refuge durant les guerres de religion. De 1855 à 1975, les quatre étages creusés dans le tuffeau furent, sous le nom de Domaine des Pentes, l'une des plus belles propriétés viticoles de Vouvray, avant de servir d'entrepôt pour une société de spiritueux puis d'être abandonnée à la végétation. Philippe Mollard racheta le domaine en 1987. Après 18 mois de travaux, l'hôtel Les Hautes Roches ouvrait ses portes. Avec 11 chambres, il entrait presque instantanément dans le Guide des Relais & Châteaux. Les parties communes sont regroupées dans la vaste maison du XIX° siècle qui hébergeait autrefois les propriétaires du domaine. Le bar de l'hôtel, creusé dans le roc, servait de pressoir et les vendangeurs, du haut de la falaise, jetaient directement les raisins dans un trou qui est encore visible aujourd'hui. La terrasse qui surplombe le fleuve est certainement l'une des plus belles des bords de Loire. Seul hic, valable pour tout l'établissement, la route qui longe la rive est assez bruyante.


Plusieurs kilomètres de caves

Aux commandes des Hautes-Roches, Didier Edon, qui fut d'abord chef des cuisines avant de prendre la direction de l'ensemble. D'origine bretonne, il a bâti au restaurant de l'hôtel une solide réputation, confortée par une étoile au Guide Michelin. A sa table, le poisson est roi. Le bar de ligne est livré tous les matins, mais nous ne saurions trop recommander le "Saint-pierre à la béarnaise", une recette oubliée dont les mérites sont pourtant intacts. Il va sans dire que tout tourne autour des vins de Loire, à commencer par le Vouvray. "Ce vin a une mauvaise image de marque, raconte Didier Edon. Alors que c'est certainement le plus grand moelleux du monde ! Entre Chinon et Bourgueil, nous vivons dans une région bénie des dieux. Nos nouveaux clients demandent d'ailleurs très rapidement à aller découvrir les caves voisines... " Tout, ici, tourne autour de ces fameuses caves, dont on raconte qu'elles se prolongent en réseaux de tunnels qui relient les villages entre eux. Celles de l'hôtel sont encore à aménager, mais demandez à y faire un saut, leur taille a de quoi impressionner le plus blasé des amateurs de grands crus. Base de départ idéale pour aller visiter les châteaux de la Loire, qui se situent tous dans un rayon de 60 kilomètres, l'hôtel mise avant tout sur sa situation extraordinaire pour séduire. "Nous ne sommes pas dans un établissement de long séjour, poursuit son directeur. On ne vient pas aux Hautes-Roches pour y passer une semaine de vacances". Peut-être, mais la réputation des lieux a franchi les océans, et mieux vaut s'y prendre un an à l'avance si l'on veut avoir une chambre lors des grands week-ends de printemps! Pour le plaisir, Didier Edon a symboliquement planté l'an passé près de la piscine 4 rangs de vignes, reprenant les 4 cépages majeurs de la région (sauvignon, gamay, cabernet et chenin). Il est encore un peu tôt pour parler de vendanges, mais l'idée fait son chemin...


                                                                                                                 



                                                                                                                Cet article est paru dans
                                                                                                      Demeures & Châteaux n° 155

Juin 2006
Par Laurent CAILLAUD