On a tous en nous quelque chose de Swarovski...
Une rhétorique du chiffre édifiante
14 000 collaborateurs dans le monde entier, plus de 25 tonnes de pierres produites par jour, près de 100 000 références, un site touristique visité par quelque 850 000 personnes par an, 450 boutiques et 8 500 points de vente, Swarovski, le leader mondial du cristal et de la pierre taillée à douze facettes, a bel et bien édifié un empire. Sur-puissante et tentaculaire, la petite firme autrichienne nichée dans le Tyrol à Wattens, un discret village à quelques kilomètres d'Innsbruck, n'a cessé, depuis son origine d'innover, de se repositionner et de se diversifier. En effet, on sait moins que les disques abrasifs et outils de meulage commercialisés sous la marque Tyrolit, certes moins glamour que Swarovski, ont contribué à la survie du groupe au moment de la première Guerre Mondiale....
Résultat ? Acteur désormais incontournable, la marque a su imposer, de la mode à la salle de bain, un "luxe démocratique". Pour une gemme au coût de revient dérisoire (1400 cristaux atteignent la somme magistrale de 30 €), l'opération est sans conteste une perle de l'économie.
Une culture du secret
Partie prenante du mythe, le secret qui entoure tous les procédés industriels ferait pâlir d'envie Alcatraz. Depuis l'invention proprement révolutionnaire, en 1895, par Daniel Swarovski, de la première machine à tailler des gemmes de cristal qui allait bouleverser le monde de la mode et de la bijouterie, jamais personne n'a pu percer le secret qui entoure la fabrication des pierres. La forteresse virtuelle est on ne peut plus stricte : aucun ouvrier ne connaît les détails de la fabrication de ce cristal à l'éclat incomparable, ni même le nombre de machines qui les taillent. D'ailleurs personne, en dehors de la famille Swarovski, n'est réellement autoriser à pénétrer sur le site de production. Limpide et transparent, le cristal n'est clairement pas à l'image de ses conditions de fabrication...
L'ami des stars
De Mademoiselle Chanel qui se plaisait au mélange pierres précieuses-cristal à Sharon Stone, de Marilyn Monroe et sa robe aux 10 000 gemmes de cristal à JeanneMoreau, le cristal Swarovski est, à l'instar d'un Laurent Boyer, l'éternel ami des stars...! Pas un grand nom de la haute-couture qui n'ait eu recours à ces pierres aussi scintillantes que des diamants.
Certes l'arrivée en 1989 de Rosemarie Le Gallais (ancien bras droit de Karl Lagerfeld chez Chloé) à la direction artistique a consacré l'orientation plus luxe de la marque avec ses lignes de sacs, bijoux, lunettes... toutefois, Christian Dior, Fendi, John Galliano, RobertoCavalli ou Emmanuel Ungaro n'ont pas attendu les années 80 pour intégrer strass et autres Crystal Mesh (maillage métalique) ou Crystal Fabric (fusion du tissu avec le cristal) à leurs collections.
Savoir se réinventer
Le cristal, pur réceptacle et distributeur de lumière, recèle en lui des possibilités infinies, encore fallait-il savoir les déceler. Là réside peut-être le secret de Swarovski : avoir su perpétuellement se réinventer, trouver de nouvelles applications en "surfant" sur les tendances. De la première souris en cristal en 1976 qui allait donner naissance à une vaste série de ménagerie de cristal et son corollaire, les quelque 430 000 collectionneurs à travers le monde aux lunettes incrustées de pierres, des décors de salle de bain purs et harmonieux aux montres, canapés ou encore strass "customisables", il est peu de marques qui témoignent d'une telle propension à la prise de risque. Rien n'est jamais acquis, il faut apprendre à créer la tendance tout en entretenant le mythe, le mystère. Swarovski est de ceux qui écoutent, qui devancent.
Des conditions de fabrications exceptionnelles préservées du regard des curieux, une force d'innovation tout simplement extraordinaire et une image à la fois glamour, sensuelle et kitsch ont eu raison de ses adversaires et éventuels détracteurs. Le cristal joue la carte de l'éternel. Les diamants ne dorment probablement plus tranquille...
Estelle Burget