"Has been" le vin français ?
On pourrait le croire à la lecture des nombreux articles qui paraissent dans la presse française ces derniers temps, nourris de la maladie bien hexagonale de l'auto-dénigrement.
A les lire, face à la floraison d'étiquettes flamboyantes illuminant les vitrines de nos enseignes, l'image et la réputation de nos crus se terniraient inexorablement !
De quelle maladie s'agit-il, qui rogne nos parts de marché et met en péril la sacro-sainte balance commerciale ? Il semble bien que nous souffrons là d'un assemblage hétéroclite de suffisance et de passéisme sur fond d'ignorance et de roublardise paysanne.
Le mal est profond et comme toujours attire les diafoirus de tous poils, ceux qui l'avaient bien dit comme ceux qui n'ont jamais cessé d'alerter. Probablement les mêmes qui réclamèrent à corps et à cris cet ersatz de ligne Maginot que constitue l' AOC (1) afin de protéger leur village des menées de l'étranger. Les mêmes encore qui dénoncent actuellement les pesanteurs et la bureaucratie de cette déjà vieille INAO(2)... Identifie ton ennemi et je te dirai qui tu es.
La bataille fait rage... nourrissant ses experts
D'un coté, et en pleine forme : Les vins dits du "Nouveau-Monde", fruit d'un concept parfaitement maitrisé qui vise à séduire la clientèle jeune et forcément ignare des subtilités d'appellations plus ou moins contrôlées.
En face : Des nantis que l'outrecuidance et la mufflerie de ces nouveaux venus exaspèrent et qui vilipendent l'arbitre qu'ils se sont librement attribués.
Des deux côtés les arguments et les critiques volent bas : Etiquettes indignes, vins maigrelets et de provenance suspecte, labels distribués à la louche pour les premiers; irrigation systématique, réacidification, arômatisation, décoctions de tanins de chêne versées à pleine cuve pour les autres. La bataille fait rage... nourrissant ses experts.
Stop ! Tout le monde a raison !
- Oui, les vins français ne sont que trop rarement à la hauteur de leur histoire, du formidable travail des défricheurs de ces terroirs que le monde devrait nous envier. Pas à la hauteur, de cet imaginaire, de cette symbolique - voire ce mysticisme - associés à leur grandeur.
- Non, notre pays n'est en rien en retard dans les avancées techniques et les découvertes oenologiques de ces dernières années. Nous sommes même plutôt en pointe grâce au travail des chercheurs des facultés de Talence, de Montpellier, de Beaune, notamment.
- Oui, les vins du "Nouveau-Monde", ont su séduire une partie d'un marché porteur d'avenir constitué de jeunes et nouveaux consommateurs, en leur proposant des vins simples et immédiatement accessibles, au goût standardisé, et aisément identifiables. Est-ce pour autant que les vins français doivent les imiter ?
"Sauvignon de Loire", "Gamay du Centre", "Merlot de Bordeaux"
Là encore, oui et non !
Je m'explique :
- Non, pour les vins provenant d'appellations qui au travers de leur culture et de leur histoire ont su développer une typicité et un savoir-faire spécifique. A condition bien sûr que les vignerons en respectent les termes.
- Oui, pour ces appellations dont - qu'on le veuille ou non - la réputation ne dépasse pas le chef-lieu de canton et qui s'en sortiraient mieux en associant un cépage et une région.
Citons quelques exemples possibles : "Sauvignon de Loire", "Gamay du Centre", "Merlot de Bordeaux".
Reste le problème des caves coopératives et leur dérive actuelle. Elles sont devenues un agglomérat de petites caves individuelles, multipliant cuvées et étiquettes, ce qui en augmentent le coût et complique leur communication.
A mon avis, elles devraient revenir à leur mission première : Elaborer une cuvée associée à un nom de marque représentative du travail de la majorité de ses adhérents, quitte à ne proposer qu'un vin ou deux, dits de prestige, correspondant à un parcellaire clairement identifié.
Le sens du respect
Pour en revenir à la classification en AOC, un cahier des charges particulièrement exigeant semble nécessaire. Il ne doit d'ailleurs pas être uniquement consacré au problème des cépages autorisés - même si je suis partisan d'un minimum de variétés dites historiques dans l'assemblage - mais surtout être orienté vers :
- Le respect de l'environnement, au sens large du terme, (une vigne désherbée favorise les inondations et les glissements de terrain)
- Le respect du consommateur (limitation du sulfitage, de l'acidification, de la chaptalisation)
- Le respect du terroir (interdiction des levures aromatiques, rendements limités).
Voilà des mesures qui rassureraient le consommateur, surtout si elles étaient entérinnées par des comités de labellisation recrutés hors des personnels viticoles et politiques de la région !
Je propose de créer une contre-étiquette propre à l'appellation
Pour améliorer la lisibilité je propose de créer une contre-étiquette propre à l'appellation, décrivant sommairement le style de ses vins, leur encépagement autorisé et quelques conseils de service.
Si la profession réalisait ces transformations, elle pourrait accueillir avec flegme et sympathie l'arrivée sur les marchés de ces nouveaux vins qui, quoique l'on dise, contribuent par leur dynamisme à redonner des couleurs à la plus belle des boissons. A nous de s'inscrire dans cette actualité-là avec nos forces et notre originalité. Cela ne se fera pas tout seul, comme toujours en temps de crise, mais cela se fera inexorablement...
Alors ne perdons pas de temps, sinon les années à venir risquent d'avoir un léger goût de "Piquette " !
De quelle maladie s'agit-il, qui rogne nos parts de marché et met en péril la sacro-sainte balance commerciale ? Il semble bien que nous souffrons là d'un assemblage hétéroclite de suffisance et de passéisme sur fond d'ignorance et de roublardise paysanne.
Le mal est profond et comme toujours attire les diafoirus de tous poils, ceux qui l'avaient bien dit comme ceux qui n'ont jamais cessé d'alerter. Probablement les mêmes qui réclamèrent à corps et à cris cet ersatz de ligne Maginot que constitue l' AOC (1) afin de protéger leur village des menées de l'étranger. Les mêmes encore qui dénoncent actuellement les pesanteurs et la bureaucratie de cette déjà vieille INAO(2)... Identifie ton ennemi et je te dirai qui tu es.
La bataille fait rage... nourrissant ses experts
D'un coté, et en pleine forme : Les vins dits du "Nouveau-Monde", fruit d'un concept parfaitement maitrisé qui vise à séduire la clientèle jeune et forcément ignare des subtilités d'appellations plus ou moins contrôlées.
En face : Des nantis que l'outrecuidance et la mufflerie de ces nouveaux venus exaspèrent et qui vilipendent l'arbitre qu'ils se sont librement attribués.
Des deux côtés les arguments et les critiques volent bas : Etiquettes indignes, vins maigrelets et de provenance suspecte, labels distribués à la louche pour les premiers; irrigation systématique, réacidification, arômatisation, décoctions de tanins de chêne versées à pleine cuve pour les autres. La bataille fait rage... nourrissant ses experts.
Stop ! Tout le monde a raison !
- Oui, les vins français ne sont que trop rarement à la hauteur de leur histoire, du formidable travail des défricheurs de ces terroirs que le monde devrait nous envier. Pas à la hauteur, de cet imaginaire, de cette symbolique - voire ce mysticisme - associés à leur grandeur.
- Non, notre pays n'est en rien en retard dans les avancées techniques et les découvertes oenologiques de ces dernières années. Nous sommes même plutôt en pointe grâce au travail des chercheurs des facultés de Talence, de Montpellier, de Beaune, notamment.
- Oui, les vins du "Nouveau-Monde", ont su séduire une partie d'un marché porteur d'avenir constitué de jeunes et nouveaux consommateurs, en leur proposant des vins simples et immédiatement accessibles, au goût standardisé, et aisément identifiables. Est-ce pour autant que les vins français doivent les imiter ?
"Sauvignon de Loire", "Gamay du Centre", "Merlot de Bordeaux"
Là encore, oui et non !
Je m'explique :
- Non, pour les vins provenant d'appellations qui au travers de leur culture et de leur histoire ont su développer une typicité et un savoir-faire spécifique. A condition bien sûr que les vignerons en respectent les termes.
- Oui, pour ces appellations dont - qu'on le veuille ou non - la réputation ne dépasse pas le chef-lieu de canton et qui s'en sortiraient mieux en associant un cépage et une région.
Citons quelques exemples possibles : "Sauvignon de Loire", "Gamay du Centre", "Merlot de Bordeaux".
Reste le problème des caves coopératives et leur dérive actuelle. Elles sont devenues un agglomérat de petites caves individuelles, multipliant cuvées et étiquettes, ce qui en augmentent le coût et complique leur communication.
A mon avis, elles devraient revenir à leur mission première : Elaborer une cuvée associée à un nom de marque représentative du travail de la majorité de ses adhérents, quitte à ne proposer qu'un vin ou deux, dits de prestige, correspondant à un parcellaire clairement identifié.
Le sens du respect
Pour en revenir à la classification en AOC, un cahier des charges particulièrement exigeant semble nécessaire. Il ne doit d'ailleurs pas être uniquement consacré au problème des cépages autorisés - même si je suis partisan d'un minimum de variétés dites historiques dans l'assemblage - mais surtout être orienté vers :
- Le respect de l'environnement, au sens large du terme, (une vigne désherbée favorise les inondations et les glissements de terrain)
- Le respect du consommateur (limitation du sulfitage, de l'acidification, de la chaptalisation)
- Le respect du terroir (interdiction des levures aromatiques, rendements limités).
Voilà des mesures qui rassureraient le consommateur, surtout si elles étaient entérinnées par des comités de labellisation recrutés hors des personnels viticoles et politiques de la région !
Je propose de créer une contre-étiquette propre à l'appellation
Pour améliorer la lisibilité je propose de créer une contre-étiquette propre à l'appellation, décrivant sommairement le style de ses vins, leur encépagement autorisé et quelques conseils de service.
Si la profession réalisait ces transformations, elle pourrait accueillir avec flegme et sympathie l'arrivée sur les marchés de ces nouveaux vins qui, quoique l'on dise, contribuent par leur dynamisme à redonner des couleurs à la plus belle des boissons. A nous de s'inscrire dans cette actualité-là avec nos forces et notre originalité. Cela ne se fera pas tout seul, comme toujours en temps de crise, mais cela se fera inexorablement...
Alors ne perdons pas de temps, sinon les années à venir risquent d'avoir un léger goût de "Piquette " !
Mai 2004
Par Pascal FAUVEL