Evasion


Longtemps abandonné, Devi Garh offre aujourd'hui un raffinement inégalé

A quelque trente kilomètres d'Udaipur, au Rajasthan, se dresse la forteresse de Devi Garh, ancien palais transformé en hôtel, tellement féérique qu'on le croit irréel. Couronnant la colline, Devi Garh fait revivre au visiteur émerveillé la splendeur rénovée des Rajputs.
Un soupçon d'éternité.
Un rêve à demi éveillé

Ce serait comme un songe, virtuel et aérien. Comme une élévation dans l'élément éthéré, où la lumière naturellement adoucie encadre plus qu'elle n'éclaire, où les sonorités ne nous parviennent qu'estompées. Un rêve à demi éveillé.
Il existe un degré de conscience, écrit à peu près André Breton, où l'imaginaire et le réel ne se perçoivent plus contradictoirement. Tels sont, je l'assure, les sentiments qui assaillent dès que Devi Garh, au Rajasthan, pénètre notre champ de vision.
Le Rajasthan, cet État princier du nord-ouest de l'Inde plus vaste que l'Italie, n'a rien perdu de sa superbe. Longtemps, les Rajputs, chefs de guerre hindous, y ont régné, et même l'Angleterre coloniale préféra préserver des privilèges et une autonomie qu'une Indira Gandhi prendra seule l'initiative de limiter. Ce Rajasthan, c'est bel et bien la "terre des rois", signification étymologique du nom, que ses dignitaires ont transformée en destination touristique, tandis que de leurs anciens palais ils faisaient des palaces.

Des villes familières de l'échelle divine

Kipling, Loti, Hergé parmi tant d'autres ont relaté l'émotion qu'ils y ont connue. Jodhpur écrasée par son gigantesque fort rouge, Jaisalmer, dont le nom rappelle tant celui de Jérusalem, protégée par son enceinte de grès jaune, Amber et son palais refuge d'un volume surhumain. Les villes souveraines du Rajasthan ne fraient pas seulement avec notre condition, elles sont familières de l'échelle divine. Ici, toute construction défensive revêt des dimensions extrapolées : il s'agit de retarder l'invasion moghole et, plus tard, britannique. Et c'est cette mémoire-là qu'à sa façon plus modeste cultive encore Devi Garh.
Devi Garh, c'est le nom d'une forteresse située à quelque trente kilomètres au nord d'Udaipur, prospère capitale des Rajputs qui déjà prête à l'émerveillement : au milieu du lac qui la baigne, face au colossal City Palace, surgit un palais de marbre blanc édifié sur un îlot et baptisé comme il convient Lake Palace.

Devi Garh, une forteresse en pleine lumière

Il faisait nuit quand j'ai quitté l'aéroport d'Udaipur, la vision étincelante du Lake Palace sur le ciel sombre plongeait au cœur des Mille et une nuits. La route de Devi Garh franchit une voie ferrée, la barrière abaissée bloque le trafic ; des vaches, des cyclistes, des autocars attendent patiemment le passage d'un interminable convoi de wagons de marchandises. La nuit s'est épaissie. Cahots et lacets. De part et d'autre de la chaussée, des chemineaux solitaires et des convois en panne obligent à d'incessants coups de volant. La somnolence me gagne, jusqu'à ce que se répande on ne sait pourquoi l'impression que l'arrivée est proche. Virage à gauche, vision hallucinée : au sommet de la colline où s'étagent de petites maisons, se détache la massive silhouette crénelée d'une forteresse en pleine lumière. Telle apparaît Devi Garh, relevée depuis onze ans d'un abandon qui en faisait le refuge des chauves-souris et qui offre aujourd'hui un raffinement à peu près sans égal dans toute l'Inde : accédant par des marches à la première terrasse où une piscine reflète les tourelles d'angle, j'entendis les notes grêles qu'égrenait pour nous un joueur de xylophone. Tendre serait la nuit.

Devi Garh, "le palais de la déesse"

Devi Garh aux petites heures de la montée du jour. Sous son ombre protectrice et déjà précieuse sous ce soleil, le village de Delwara s'anime. En contrebas dans la plaine, se rapproche un scooter à trois passagers, des travailleurs agricoles traversent les champs, des femmes vêtues en orange s'avancent, aiguières sur la tête, des enfants jouent sans bruit au pied d'une mère en sari écarlate. Une cloche résonne dans le silence, celle d'un temple, tout simple et pur de forme, à l'entrée du village. Devi Garh, "le palais de la déesse", regarde le peuple qu'il défendit pendant deux siècles.
À l'intérieur de ses murs ocre, Devi Garh se déploie sur plusieurs niveaux reliés par des escaliers, des cours et des passages. Cabinets de soins et bibliothèque, salles de billard et de conférences : les éléments de décoration, bois sombre, métal, végétaux, sont choisis avec un art extrême de la compatibilité. Ne pas saturer le regard, ne lui offrir que le plus achevé, le plus poli, le plus apaisant. Au détour d'une arcade, une balancelle, et d'un balcon ombragé, une lunette astronomique. Le jour, contempler la vallée, la nuit, observer les cieux.

Le temps à Devi Garh ne s'écoule pas, il se suspend.

Illustrations de Florine ASCH



Cet article est paru dans
SENSO
Août 2004
Par Olivier BARROT
Aller à Devi Garh


Compagnie des Indes et de l'Extrême-Orient
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Air India
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Paris/Dehli et Vol intérieur Delhi/Udaipur : 765 euros
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Séjour Devi Gahr
Prix par personne par nuit en double avec petit déjeuner :
Garden suite, jusqu'au 30 septembre : 80 euros.
Palace suite : jusqu'au 30 septembre : 121 euros.
Après cette date : 162 euros

Le package 8 jours au départ de Paris, à partir de 2.000 euros (base deux personnes en chambre double)
Il comprend : les vols internationaux et intérieurs, tous les transferts aéroport/hôtel/aéroport et voiture privée avec air climatisé à disposition pour tout le séjour, 2 nuits à Delhi Impérial Hôtel, 4 nuits à Devi Garh Garden Suite, les petits déjeuners.Taxes d'aéroport en sus.
La Compagnie des Indes et de l'Extrême-Orient organise aussi des circuits au Rajasthan comprenant une nuit à Devi Garh.
Renseignements auprès de l'agence