A La Une


Giacometti : Le défi de l'inachevé

Repartir de zéro chaque matin, retravailler l'oeuvre jusqu'à l'épuisement voire la disparition : tout le travail d'Alberto Giacometti aura sans cesse tourné autour de cet acharnement à reproduire une vision, à traquer la pureté, l'essentiel. Une frénésie créatrice, insatisfaite et prolifique, que retrace le Centre Georges Pompidou le temps d'une exposition organisée en collaboration avec la Fondation Alberto et Annette Giacometti. A voir jusqu'au 11 février 2008.
In atelier with Giacometti...

C'est probablement l'idée force de l'exposition : avoir aménagé le parcours et les 650 pièces (plâtres, bronzes, peintures, dessins...) autour d'un espace circulaire au centre duquel se détache une pièce de cinq mètres sur cinq. D'un dénuement extrême, cette salle est en réalité la copie formelle de son atelier de la rue Hipppolyte-Maindron dans l'état exact dans lequel il se trouvait à sa mort, en 1966. Ce lieu même où durant quelque quarante années, il travailla et explora sans relâche, passant du cubisme et de l'abstraction au surréalisme avant d'aborder, dans les années 50, le coeur du sujet qu'il aura au final constamment creusé : la figure humaine. D'années en années plus sale et accidentée, chaque jour moins académique mais plus vraisemblable, la tête est bien évidemment au coeur de "L'Atelier d'Alberto Giacometti". A chaque trait ciselé, emincé, redécoupé, on goûte ce travail en perpétuel devenir. Un acharnement touchant au désespoir dont les figures ne lassent pas ensuite de nous hanter.

Capter la tension contenue...

Car il y a chez Giacometti dans cette quête infinie de la ressemblance ou du moins de la vraisemblance, une volonté désespérée de sculpter sa vision. Aucun artifice, point de fioriture, toute l'oeuvre appelle au contraire à l'essentialité la plus extrême, nous offrant un monde empli de solitude, dans une totale incommunicabilité, où des êtres filiformes et fantomatiques se détachent dans un espace en constante dilatation. Un monde évidemment troublant, une vision de l'homme "sans faux-semblants", comme le résumait Jean Genet, saisi dans une immobilité absolue, contraignant d'ailleurs ses modèles à d'interminables séances de pose. Des heures à contempler, à peaufiner l'oeuvre pour mieux la faire évoluer. Une vision qui sans cesse lui échappe à mesure que la sculpture s'amincit et s'allonge pour parfois... disparaître. Nous ne remercierons donc jamais assez Diego, son frère et modèle, d'avoir sauvé nombre d'oeuvres d'Alberto Giacometti avant qu'il ne les détruise pour mieux les recommencer. Une leçon d'humilité.

Estelle Burget
Octobre 2007
L'atelier d'Alberto Giacometti
Centre Georges Pompidou
75004 Paris
de 11 h à 21 h (jeudi jusqu'à 23 h), fermé le mardi 
Entrée : 10 €
www.centrepompidou.fr

du 17 octobre 2007 au 11 février 2008