Rareté n'est pas toujours synonyme de qualité
Paris, juin 2004. Je n'ai pas oublié le syllogisme exemplaire qui nous était enseigné autrefois : tout ce qui est rare est cher, or un cheval borgne est rare, donc un cheval borgne est cher. De mémoire de haras on n'a jamais vu un yearling borgne crever les enchères à Deauville si tant est qu'il y en ait jamais eu un seul présenté à la vente.
C'est pourtant le même raisonnement qui perdure, entre autres, à propos du caviar.
C'est pourtant le même raisonnement qui perdure, entre autres, à propos du caviar.
J'en veux pour preuve ce reportage récemment présenté à la télévision. On y voyait un cuisinier de palace acheter du caviar pour la clientèle distinguée du restaurant étoilé. Son choix s'attardait sur la couleur du grain et, surtout, il s'émerveillait d'un caviar blanc. Issu d'œufs d'esturgeons albinos, peu nombreux par définition, cet "or blanc" était autrefois préparé, réservé et présenté aux dignitaires perses de l'Empire. Les gourmets qui ont pu goûter ce caviar sont unanimes, ses qualités gustatives ne valent pas, et de loin, un osciètre voire un sevruga.
La part de rêve est comblée. Mais du point de vue purement gustatif...
Moins apparente mais appréciable par les connaisseurs, la différence entre un beluga et les autres caviars traditionnels relève du même constat. Il est de notoriété que la rareté et la taille des œufs du plus gros des esturgeons (Huso huso) expliquent sa cherté sur le marché. Pourtant, ils sont les plus fragiles car leur membrane très fine éclate plus facilement que celles des œufs des autres variétés d'esturgeons.
Evidemment, si l'on considère comme luxueuse l'acquisition d'un bien très rare, le caviar blanc est un sommet du genre. La part de rêve est comblée. Mais du point de vue purement gustatif, le plaisir -cet autre aspect du luxe- n'a pas son compte.
En la matière, plus que tout autre, un chef est LE guide. Tant qu'à promouvoir la rareté il doit choisir l'exception gustative. Dans le cas contraire, il risque de perdre son aura auprès des initiés. Il en est de nombreux à fréquenter les palaces.
"Posséder sans jouir n'est rien" écrivait déjà Esope au 6e siècle avant J.-C. Et il n'est pas de jouissance sans goûter pleinement le plaisir.
La part de rêve est comblée. Mais du point de vue purement gustatif...
Moins apparente mais appréciable par les connaisseurs, la différence entre un beluga et les autres caviars traditionnels relève du même constat. Il est de notoriété que la rareté et la taille des œufs du plus gros des esturgeons (Huso huso) expliquent sa cherté sur le marché. Pourtant, ils sont les plus fragiles car leur membrane très fine éclate plus facilement que celles des œufs des autres variétés d'esturgeons.
Evidemment, si l'on considère comme luxueuse l'acquisition d'un bien très rare, le caviar blanc est un sommet du genre. La part de rêve est comblée. Mais du point de vue purement gustatif, le plaisir -cet autre aspect du luxe- n'a pas son compte.
En la matière, plus que tout autre, un chef est LE guide. Tant qu'à promouvoir la rareté il doit choisir l'exception gustative. Dans le cas contraire, il risque de perdre son aura auprès des initiés. Il en est de nombreux à fréquenter les palaces.
"Posséder sans jouir n'est rien" écrivait déjà Esope au 6e siècle avant J.-C. Et il n'est pas de jouissance sans goûter pleinement le plaisir.
Juin 2004
Par Jean-Marie PINÇON