Evasion


Nous irons tous au Paradis

Le paradis était un mythe... jusqu'à la création de certaines îles disséminées dans le Pacifique Sud, entre Amérique et Australie. Parmi elles, les îles Fidji et les îles Cook, baignées dans un camaïeu de bleu, océan et cieux confondus.
J'ai suivi le conseil des spécialistes de l'lnsulinde et de l'Australasie, et je me suis envolé vers les îles Fidji

Yves Robert était un ami. Dans ses grandes années de collaboration avec Jean-Loup Dabadie, scénariste, il avait tourné deux comédies particulièrement accomplies que l'on reverra toujours avec une tendre nostalgie, Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis.
À deux reprises, effectivement, le quatuor Rochefort-Brasseur-Lanoux-Bedos nous a menés au septième ciel du septième art. Yves Robert a disparu au terme d'une existence étonnamment fertile : lui qui aimait le spectacle et l'amitié, il la leur a consacrée. Le paradis? Il le gageait sur cette terre, il en connaissait une convaincante version dans son moulin de la Guéville. Cependant, il en est d'autres ici-bas, et ce sera une gageure que de proscrire désormais les clichés inexcusables qui vous assaillent dès que l'on évoque les îles du Pacifique Sud. Nous préparions ce numéro estival de Senso dévolu aux ailleurs, réels ou imaginés : "De port en port". La formule résonne comme un refrain, ce demi-octosyllabe appelle au départ. J'ai regardé la carte du monde, il n'était pas concevable d'en oublier cette partie, les mers chaudes de l'autre hémisphère qui, de tout temps, attisèrent le désir des voyageurs.

Semée d'îles aux noms de fantasmes

L'immense étendue sise entre Amérique et Australie, semée d'îles aux noms de fantasmes, Touamotou, Samoa, Kiribati, Tonga, sans parler de ces sous-ensembles dont on serait bien en peine de citer les composantes, Mélanésie, Polynésie, Micronésie. J'ai suivile conseil de spécialistes de l'Insulinde et de l'Australasie - admirables termes de géographie désuets et évocateurs comme un poème de Larbaud - et je me suis envolé vers les Fidji, qui n'est pas seulement le nom d'un parfum et d'une équipe de rugby, mais bien celui d'un État indépendant. À partir de l'instant où l'on y parvient, ce ne sont pas seulement les expressions toutes faites qu'il faut abolir, "paradis terrestre", "pureté inviolée", "eau cristalline", "blancheur immaculée", mais aussi, autant qu'on le peut, les automatismes corporels. Il ne faut pas plus de vingt-quatre heures pour accéder à Nadi, principal aéroport des Fidji, le corps s'égare dans les fuseaux horaires, la nuit ne s'oppose plus au jour, non plus que la veille au sommeil. À trois heures du matin, heure locale, j'entrai dans la moiteur océane.

la couleur bleue rétablit son règne millénaire

On roule à gauche aux Fidji, où les Indiens sont presque aussi nombreux que les Mélanésiens : tout comme aux Antilles et à Maurice, les Anglais ont importé de la main-d'œuvre indienne pour travailler dans les plantations de canne à sucre. Elle a fait souche, moyennant quoi un temple hindou orne la petite ville de Nadi, tout comme le portrait de la reine Élizabeth les pièces et les billets des Fidji. Aux premières heures, un petit hydravion blanc m'emporte vers l'îlot de Vatulele, où on me dit que rien jamais ne change. Effarante perspective, malgré des "beauté, luxe, calme et volupté" incontestables. Mais,dans la nuit tropicale,le bruit de la pluie sur le toit de mon bungalow se mêle à celui du ressac. Vatulele, avec ses banyans et ses cocotiers, connaît aussi de frêles intempéries, la mer et le ciel peuvent un moment s'obscurcir. Mais bientôt la couleur bleue rétablit son règne millénaire. Des Fidji, il faut trois heures pour arriver aux îles Cook, seconde étape de cette plongée dans le "Down Under", "là-bas au fond", comme disent plaisamment les Australiens et les Néo-Zélandais. Ce n'est rien, à un détail près. Car entre les deux archipels passe la fameuse ligne de changement de jour : quittant Nadi un mercredi après-midi, je me posai... la veille à Rarotonga, île principale des Cook, soit le mardi soir. On a beau s'être fait expliquer cette nécessaire subtilité calendaire, il n'est pas si facile de l'assimiler. Tandis que dans l'autre sens, chacun peut, comme je l'ai fait, lire le vendredi le journal du samedi : C'est arrivé demain, disait René Clair. État associé à la Nouvelle-Zélande, les Cook aiment le rugby, comme tous les pays maoris, exception faite de la Polynésie française. Question de colonisation. À l'aéroport m'attendait Miss Cook Islands 2002, la très ravissante Donna Tuara, vingt ans, collaboratrice de l'office de tourisme local. Dans le couchant, le ciel resterait rosé encore un moment, j'étais juste au-dessus du tropique du Capricorne. Comment ne pas penser à Henry Miller au moins autant qu'à Stevenson ?

Les fruits mûrissent et tombent des arbres à point

L'île-capitale des Cook, ma guide entendait me la montrer dans son pourtour, qui se parcourt en trente-cinq minutes. Ce qui compte ici n'est pas ce que l'on voit - la culture maorie ne s'exprime guère dans la construction mais ce que l'on éprouve. En l'occurrence, oui, à coup sûr, la douceur de l'existence, celle-là même à laquelle aspirait l'Alexandre le Bienheureux d'Yves Robert, existe un rythme polynésien, "élémentaire" et séduisant, que la nature encourage de sa générosité. Les fruits mûrissent et tombent des arbres à point, banane, noix de coco, goyave, et bien d'autres, des volailles picorent en liberté, sans autre propriétaire que celui qui les capture. Donna m'emmena visiter le musée et l'auditorium - rudimentaires - mais aussi la prison. Ce n'est pas dans tous les pays qu'on montre cette institution au visiteur. Elle fit bien : Teariki Teina, le responsable de la sécurité, est un homme passionné, qui se bat pour améliorer le sort et la formation de ses trente pensionnaires : à Rarotong on peut "louer" un détenu à la journée, pour tous traavaux rémunérés dix dollars, cinq pour la prison, cinq pour l'intéressé.

On y passe la journée entière à prier, à danser, à pique-niquer

Au restaurant Ambala, sur une colline boisée qui domine l'une des nombreuses criques de l'île, j'ai entendu en fond sonore une singulière version de la Mer, avec orchestration tzigane et ukulélé, l'instrument de musique emblème de la région avec le paréo. Les églises blanche d'une bonne demi-douzaine de cultes venus d'Angleterre et de Nouvelle-Zélande sont bourrées le dimanche, on y passe la journée entière à prier, à danser, à pique-niquer. Mais les commerces, eux, sont fermés. Je retournai à l'aéroport pour embarquer vers une autre des Cook, Aitutaki. Survol de l'océan que sa couleur unit au ciel, atterrissage sur un modeste aérodrome à une seule piste, envahie d'herbes folles. Personne ne m'attendait, contrairement à ce qui m'avait été annoncé. "Ray arrive, m'indiqua une hôtesse, il est un peu en retard." Près du golf râpé qui termine là son parcours, un homme aux cheveux gris m'a abordé. Il s'est présenté, un Australien du Queensland qui a vu cent quarante pays, mais qui revient tous les ans à Aitutaki, qu'il juge plus chaleureuse, plus authentique que Rarotonga, sans parler de Tahiti voisine. "Ici, on ne peut s'installer et faire des affaires que si on épouse une fille du cru, la terre appartient aux familles qui s'accommodent bien des liens avec la Nouvelle-Zélande et même avec la Grande-Bretagne. L'an dernier, j'ai offert un nouvel Union Jack, le drapeau anglais, aux boy-scouts d'Aitutaki. Le leur datait de 1954 et partait en lambeaux. Je n'aurais pas été mieux accueilli si j'avais été le roi d'Angleterre !"
Dans un tourbillon de poussière, et de musique, j'ai vu arriver Ray Puapii, le chaleureux et pittoresque représentant local du Cook Islands Tourism Board. En short et tee-shirt, bâti comme un lanceur de poids ou mieux un deuxième ligne de rugby : on l'imagine bien entonner le haka, ce chant de guerre maori rendu célèbre par les All Blacks.

La petite île dont il connaît chacun des mille deux cents habitants

Et nous voilà partis, non pas à l'hôtel, Ray a mieux à faire que de m'y emmener, mais pour une exploration de la petite île dont il connaît chacun des mille deux cents habitants. On s'arrête partout, chez le charpentier car Ray se fait construire une maison ; au collège ouvert et très anglais d'Araura où il a enseigné et où un prof néo-zélandais me reproche amèrement la victoire du Quinze de France sur la Nouvelle-Zélande en demi-finale de la dernière Coupe du monde ; à l'hôpital, impeccable et vide de malades, où nous saluons le médecin-chef; dans un restaurant tout simple, où Ray me présente l'une de ses "épouses" ; chez son pote Clinton le graveur sur bois. Je commence à entrevoir pourquoi Gauguin et Brel ont tellement rêvé aux îles de Polynésie. De mon bungalow de luxe sur le lagon, j'aperçois à gauche la barre de l'océan, à droite d'autres îles boisées. Des poissons volants jaillissent des flots, la nuit tombe et le ciel noir brille d'étoiles que je ne sais pas reconnaître. Je demanderai à Ray. L'Éden, et après est le beau titre d'un film de Robbe-Grillet.

Escale à One Foot Island

Les Cook, m'apprend Ray, n'ont pas été ainsi dénommées par le fameux capitaine. C'est un cartographe russe, Krusenstern, qui leur a donné ce nom d'hommage. Et c'est un navigateur russe aussi, Lazarev, qui a baptisé l'une des Cook du nom étrange de Suwarrow, d'après celui de son propre navire, le Souvarov. Un Néo-Zélandais un peu fêlé, Tom Neale, y a vécu vingt-cinq ans absolument seul, pour y écrire un grand livre, An Island To Oneself...
À bord d'un petit bateau à moteur piloté par "Capitaine Marvelous", j'ai parcouru le lagon. Des poissons multicolores affleurent, l'eau n'a pas de profondeur. Escale à One Foot Island où le capitaine se mue en mastroquet postier : il orne mon passeport du rare cachet de l'île ! À Aitutaki, les gens sont accueillants et gais, on élève volontiers les enfants des amis et des voisins si ces derniers en sont empêchés, contrat de travail par exemple en Nouvelle-Zélande ou en Australie. Pour Ray, les Cook en général, Aitutaki en particulier, forment le plus beau pays du monde, chacun rêve d'y revenir. Le dernier jour, il m'a offert un savoureux curry de chèvre au café Tu-puna, à l'autre bout de l'île, que l'on atteint en dix minutes. Tupuna elle-même était aux fourneaux. Elle a confirmé l'opinion de Ray. Ils ont bien raison.


Cet article est paru dans
SENSO
Juin 2004
Par Olivier BARROT
  • Les îles Fidji
    Composée de petites îles, îlots et atolls, dont une centaine seulement sont habités, la république des Fidji se situe au nord de la Nouvelle-Zélande, entre la Nouvelle-Calédonie, à l'est, et les Samoa occidentales, à l'ouest. C'est le Britannique Bligh qui découvrit véritablement l'archipel en 1789. La meilleure saison pour explorer ces contrées fabuleuses va de mai à décembre.
  • Le tour-opérateur îles du Monde propose des séjours dans quatre îles privées des Fidji. Un petit nombre de résidents, le souci constant de préserver la nature, un service attentif et raffiné : tels sont les atouts majeurs de ces destinations de rêve. Pour une atmosphère plus animée, la petite île toute
    ronde de Treasure Island est hautement recommandée. Enfin, combinables avec un séjour dans l'une de ces îles, des croisières dans les Yasawa qui permettent de découvrir, à bord de yachts somptueux, un archipel encore très peu connu. À partir de 2005 € de Paris à Paris.

    TURTLE ISLAND
    Dans l'archipel des Yasawa, au nord des Fidji, Turtle est une grande île privée, avec quatorze plages de sable blanc pulvérulent, et seulement quatorze "bures", de luxueux bungalows fidjiens construits en bois des îles et bambou et couverts de palmes. Sept nuits sur place, à partir de 6.800 € de Paris à Paris.

    VATULELE ISLAND
    Une île-lagon à la végétation encore vierge située au sud de Viti Levu, l'île principale de l'archipel fidjien. En bordure de plage, dix-sept cottages en bois, couverts de chaume, accueillent les VIP en quête de tranquillité : ici, pas de téléphone, de télévision, ni de journaux! Sept nuits sur place, à partir de 6.220 € de Paris à Paris.

    NUKUBATI ISLAND
    Au nord des Fidji, à une heure de Labassa, Nukubati ne possède que sept bungalows, bâtis dans le style colonial, au cœur d'une cocoteraie. Charme et élégance caractérisent ce lieu paradisiaque. Sept nuits sur place, à partir de 4.645€ de Paris à Paris.

    YASAWA ISLAND LODGE
    C'est la seule île du parc naturel autorisée à accueillir des visiteurs. Longue bande de sable corallien, 22 km de long et seulement 1 km de large. Chacun des seize bungalows possède sa propre hutte de plage. Sept nuits sur place, à partir de 4.825 € de Paris à Paris.

    TREASURE ISLAND
    Dans l'archipel des Mamanuka, au nord de la grande île des Fidji, Viti Levu, Treasure Island est entourée d'une plage de sable blanc. Le récif intérieur, tout proche, ravira les amateurs de plongée avec tuba. Trente-cinq "bures" au cœur de l'île ou au bord de la plage. Sept nuits sur place, à partir de 2.675€ de Paris à Paris.

    COMMENT REJOINDRE LES ÎLES FIDJI DE PARIS
  • Aller
    Vol Paris-Londres-LosAng Nadi.
    Départs de Paris le mardi ou le jeudi dans la matinée. Arrivée à Nadi le surlendemain aux aurores, puis transfert sur les îles privées.
  • Retour
    Vol Nadi-Los Angeles-Londres-Paris.
    Départs de Nadi le mardi ou l jeudi en fin de soirée. Arrivée en milieu de journée à Paris.

  • Les îles Cook
    Découvertes en 1777 par le capitaine Cook, ces îles paradisiaques du Pacifique Sud sont au nombre de quinze. Situé entre les îles Samoa et Tahiti, l'archipel, territoire autonome d'outre-mer associé à la Nouvelle-Zélande, couvre plus de 2 millions de km2, soit l'équivalent de l'Europe sans la Russie! La saison idéale pour s'y rendre s'étend d'avril à octobre.
  • îles du Monde propose de combiner un séjour entre Ra-rotonga, l'"île fleurie" où abondent hibiscus, frangipa-niers et autres fleurs éclatantes, et Aitutaki, à 220 km au nord, une île magique dont le lagon fait k5 km de ' diamètre ! L'attrait de ces îles tient aussi au charme de ses habitants, authentiques Maoris aux coutumes légendaires encore très vivaces.

    RAROTONGA
    - Le Manuia Beach Resort est un petit hôtel de charme de vingt bungalows, situés sous les cocotiers, dans un grand jardin tropical, au bord d'une belle plage de sable fin. Atmosphère intime et chaleureuse.
    - Le Pacific Resort, situé au sud-ouest de l'île, sur la plus belle plage, Mûri, au bord du lagon, possède quarante-six grands bungalows au décor polynésien.
    - îles du Monde propose un mini-séjour au Manuia Beach ou au Pacific Resort avant de rejoindre Aitutaki.
    - Une adresse à Rarotonga : Ambala - Garden and café Galerie d'art, fleuriste et café, l'Ambala est un endroit délicieux où l'on sert du café bio. Tél. : 26 486.

    AITUTAKI (À 45 MN DE VOL DE RAROTONGA)
    - Aitutaki Lagoon Resort Sur un îlot de sable corallien relié à l'île principale par une chaussée, l'Aitutaki Lagoon Resort dispose de vingt-cinq bungalows en bois, avec terrasse et toit de palmes. Ambiance feutrée et décontractée. Pour quatre nuits au Manuia et cinq nuits à Aitutaki, à partir de 3380 € de Paris à Paris.
    - Une adresse à Aitutaki : Café Tupuna Restaurant local où il fait bon dîner. Ouvert tous les jours de 17 h 30 à 21 h 30. Tél. : 31 678.

    COMMENT REJOINDRE LES ÎLES COOK DE PARIS
  • Aller
    Vol Paris-Londres-Los Angeles-Rarotonga. Départs,de Paris les mardi, mercredi ou samedi dans la matinée. Arrivée à Rarotonga le lendemain matin.
  • Retour
    Vol Rarotonga-Los Angeles-Londres-Paris. Départs de Rarotonga les mardi ou samedi vers 1 h du matin. Arrivée le lendemain en milieu de journée à Paris.

    COMBINER UN SÉJOUR AUX ÎLES FIDJI ET AUX ÎLES COOK
    Départ de Nadi (Fidji) le mardi, mercredi ou samedi en milieu d'après-midi. Arrivée la veille au soir à Rarotonga (à cause de la ligne de changement de date).
    TARIFS
    Les prix comprennent les vols, les transferts, l'hébergement,
    certains repas ou la totalité (en fonction des hôtels). En sus : pourboires, taxes d'aéroport, certaines excursions et activités, assurance voyage.

    îles du monde
    7, rue Cochin
    75005 Paris
    Tél. : 01 43 26 68 68
    Fax : 01 43 29 10 00
    www.ilesdumonde.com

    A LIRE
    Rolf Weijburg, Mes carnets des îles, Flammarion 2002, 23 €.