ADL, une estampille à rechercher
ADL c'est Alain de Lavalade... Et c'est, en l'occurence, la signature de caves, cabinets et coffrets créés dans la grande tradition de l'ébénisterie française pour les amateurs de cigares exigeants.
Prévert jubilerait...
Dans l'atelier Les Sycomores à Gambais, Prévert jubilerait. Un nouvel inventaire s'impose. Malles anciennes, commodes, vieux billards, curieux cabinets, coffrets précieux s'entassent dans l'entrée masquant un minuscule bureau. Plus loin deux vastes pièces hébergent outils et réserves de bois. Une troisième, mi-forge, mi-serrurerie, aurait comblé Louis XVI.
Dans une autre remise, non loin d'une réserve où s'exposent des caves à cigares prêtes à l'emploi, il y a un canot emmailloté de papier journal. Il attend sa douzième des treize couches de vernis qui vont lui permettre de regagner sans dommage son plan d'eau pour l'été.
Dans ce faux capharnaüm, le maître des lieux, Alain de Lavalade vaque sans hésitation. Sous la poussière de... bois, il dégote une longue et mince découpe de hêtre piqué (des Italiens ont injecté des teintures successives sous l'écorce durant trente ans), un "essai unique, dont je ferai peut-être des sacs à main numérotés ou une cave à cigares" s'enthousiasme ce diplômé de l'écoleBoulle. Architecte d'intérieur, dès les années 70 il entreprend de restaurer les meubles.
"Avant on réparait, dit-il. La restauration, c'est autre chose. Il faut comprendre la manière dont a été fabriqué l'objet et posséder une réelle connaissance historique." Et de montrer sa réserve de bois anciens (des chutes "classées par siècles" sans lesquels il ne peut y avoir que du rafistolage.
Ensuite que croyez-vous qu'il arrivât ? Les musées consultèrent cet expert. Aujourd'hui, le Louvre, les Arts Déco... font appel à lui pour redonner le lustre d'antan à de nombreuses pièces (parfois uniques) exposées, dont les photos affichées sur les murs du bureau sont autant de témoignages.
La toute première
En 1999, cet amateur de premiums décide de remplacer sa cave à cigares imparfaite par une de sa création. Justement, il dispose d'un couvercle bombé réplique d'un portillon de mazarin en écaille de tortue et cuivre gravé sur fond de feuille d'or. Il le monte sur un coffret toutes faces du même style Louis XIII, aménage trois casiers intérieurs à séparation et fait tourner quatre pieds en bronze doré à l'or fin. Cent trente cigares peuvent s'y conserver.
Le pas était franchi et, depuis cette première, Alain de Lavalade a fabriqué quelque quinze cents caves, toutes plus ingénieuses et jolies les unes que les autres.
C'est vers lui qu'Altadis (ancienne Seita) se tourne lorsqu'il s'agit d'imaginer une cave/exposition proposée aux bars des grands hôtels et aux grands restaurants. Alors il s'équipe pour travailler en série. Mais ne renonce jamais à la commande unitaire "la plus amusante", celle qui demande à l'artiste de prendre en compte la personnalité du client.
"Tenez regardez celle-là, parmi la trentaine d'essences que j'utilise, j'ai choisi un chêne des marais, issu des tourbières de la vallée du Rhin. La partie supérieure (la plus claire) a environ cinq cents ans. La plus basse, mille ans !" L'effet d'oxydation est splendide.
Galuchat verni ou non, palmier à filet d'ivoire, Montouchy, Amourette, loupe de frêne, bois serpent, ébène verte, cœur dehors (la liste est longue de noms chantants) parent caves et cabinets aux formes multiples. L'ébénisterie au service du cigare.
"Et tous les intérieurs sont en cèdre du Honduras massif, je n'en veux pas d'autre." Alain de Lavalade n'aime pas seulement sa subtile fragrance, comme tous les amateurs de cigares il sait qu'il n'y en a pas de meilleur pour leur conservation.
D'une caresse quasi sensuelle, le maître des Sycomores ausculte sa dernière création. Aucune aspérité, aucune griffure parasite, une fermeture sans faille.
Il ne lui reste plus qu'à recevoir l'estampille ADL, un sceau de garantie désormais reconnu dans le monde entier.
Janvier 2005
Par Jean-Marie PINÇON