Un "Afternoon tea" à l'hôtel Cadogan
De l'utilité de Londres
Londres vit toujours en décalage de l'heure européenne. Mais on y vient pour quoi au juste ? Pour la Tour de Londres, le palais de Buckhingam, l'abbaye de Westminster ou pour ses fameux taxis noirs qui malheureusement se sont métamorphosés pour la plupart en horribles véhicules publicitaires ?
Et si on y venait toujours pour son heure du thé, cette fameuse "cup of tea" incomparable de l'autre côté du channel aux alentours de quatre heures ?
Londres, toujours dix ans d'avance et cent ans de retard. Design et vieilleries. Futurisme et nostalgie. Juppes plisssées, blasons et blazers. Rayures Paul Smith et punktitude. Soho et Belgravia, Kingbridge et Nothing Hill.
Un parfum de suranné et d'excentricité.
Londres à l'heure du thé
Certes, mais mieux vaut rechercher quelque hôtel de charme ou autre palace pour goûter vraiment à un "afternoon tea" bien mérité, comme pour célébrer autant les thés de Ceylan en hommage à Sir Thomas Lipton, l'inventeur du marketing théophile en Grande-Bretagne, et le lait, façon également de mettre à l'honneur les meilleurs vaches des comtés, Sussex, Somerset ou Devon.
Pâtisseries et biscuits écossais sont aussi du festival. D'ailleurs, c'est bien simple, à Londres où trouver le meilleur "afternoon tea" sinon dans un hôtel. Nous ne sommes pas à Paris qui, avec sa multittude de salons de thé, est devenue la capitale du thé en Europe. Londres reste privilégiée pour ses alcôves, ses salons et ses bars à thé au sein même des grands hôtels férquentés avec assiduité autant par les hommes que par les femmes.
Une rénovation confiée au groupe GLA Hotels
L'exemple du Cadogan est particulier. Situé dans le quartier élégant de Knightbridge connu pour sa kyrielle de boutiques de mode (de Gucci à Dior, de Prada à Shangai Tang, de Ferragamo à Todd's), le Cadogan reste un des joyaux de l'hôtellerie londonienne. Surtout qu'il vient de subir sept mois de lourds travaux qui ont redonné à cette vieille dame un peu fanée une nouvelle allure très digne avec quelques touches de modernité, juste ce qu'il fallait.
Car depuis son ouverture en 1888, le Cadogan a traversé des périodes fastes et des péripéties dont le futur Edouard VII, sa maîtresse la comédienne Lillie Langtry ou le poète Oscar Wilde furent les principaux acteurs.
Grace-leo Andrieu, la présidente du groupe GLA Hotels a bien compris l'âme fragile de cet écrin so british. Tout a donc été refait aux normes en respectant l'esprit raffiné, hautement aristocratique de ce petit bijou fait de pierres, de briques et de boiseries.
Style Edouard VII et thé complet
On rejoint le salon pour l'heure du thé en dépassant la réception, magistrale pièce faites de boiseries et de corniches dans le plus pur style manoir Tudor. L'escalier qui rejoint les chambres, est recouvert d'une moquette au motif prince de Galles, assorti à celui des bergères damassées qui ornent l'entrée. Et l'ascenceur tout en boiseries claires vernies est doté d'une grille en fer.
On s'installe confortablement alors dans un des canapés du salon principal ou si l'on préfère dans l'un des fauteuils de style Edouard VII refaits avec un cloutage sur cuir.
Regardez la lumière du jour qui transperce les magnifiques vitraux. Elle irradie les tables basses près des canapés. De jolies fleurs coupées sont rassemblées dans des vases ronds. Il est temps de commander un thé complet.
Sandwiches, pâtisseries, scones et clotted-cream
Le serveur est Français. Dans sa veste blanche, il sert avec style et pose sur une nappe blanche un présentoir en argent où répartis sur trois étages on trouve les petits sandwichs au pain de mie, saumon, volaille, concombre, puis les pâtisseries et les scones tièdes. La clotted-cream et la confiture de fraise indispensable, font partie de la panoplie de l'"afternoon-tea". Nous avons choisi un Earl Grey et un Darjeeling pour notre tête-à-tête. Les feuilles de thé sont jetées dans une théière en argent avant d'être recouvertes d'une eau bien chaude, presque trop chaude, à l'anglaise quoi...
Également, une petite passoire en argent favorise le transvasement dans les tasses blanches en porcelaine, peut-être un peu trop grandes. Mais Christophe Dumeige, le jeune directeur de la restauration, assure que la maison devrait changer la vaisselle et trouver un service encore mieux adapté à la nouvelle image de l'hôtel.
Darjeeling, Ceylan Earl Grey
Darjeeling, Ceylan, Lapsang souchong et Earl Grey sont les thés les plus demandés pendant l'"Afternoon-tea". Et le Cadogan Hotel est devenu un des lieux pour le "tea-time“ les plus fréquentés durant l'année par de nombreuses clientes qui fatiguées par Knighbridge road ou Sloane square, viennent ici se réfugier entre quatre et six heures.
Certaines d'entre elles se rémémorent les récits de leurs mères ou de leurs arrières-grands-mères qui racontaient à mots feutrés les amours interdites d'Oscar Wilde et du jeune Alfred Douglas dans la chambre 118. Aujourd'hui, celle-ci est habillée par murs bleu ciel et les boiseries sont couleur chocolat. L'imposante tête de lit est en velours capitonné gris. Sur le lit une voluptueuse courtepointe rasemble plusieurs bandes de velours dans un camaïeu de gris et de bleu.
Luxe et nécessité
Ces mêmes buveuses de thé parlent aussi de cette actrice britannique Lillie Langtry, que le futur Edouard VII, venait rejoindre alors qu'il n'était que prétendant au trône. Elle a donné aujourd'hui son nom à une suite très buccolique : murs de papier crème et fleuri de motifs de rose (Nina Campbell), plafond à caissons, cheminée, tête de lit en velours et rideaux rose en dentelle de style victorien.
Sans parler de la suite Edouard VII plus ostentatoire... Un papier à lettres reprenant la signature de chacune des personnalités est offert aux clients le temps de leur séjour.
Ainsi au Cadogan, dans ce salon calfeutré on vient goûter à ces heures wildiennes où le temps semble s'écouler plus lentement.
"Qu'on me donne le luxe et que tous les autres aient le nécessaire“, écrivait l'auteur du Portrait de Dorian Gray.
Aller au Cadogan pour la première fois est un luxe. Y retourner est une nécessité.