Quand les hôtels se griffent
Bulgari, Armani, Versace, Ferragamo, Brioni, Ferretti, Krizia... Depuis quelques années, les plus grands noms du luxe italien arrivent dans le monde de l'hôtellerie.
C'est Karl Lagerfeld qui a commencé
Il y a une dizaine d'années, le couturier a accepté d'assurer la direction artistique d'un petit hôtel de charme que des amis venaient de racheter dans le quartier résidentiel de Grünewald, le "Neuilly" de Berlin.
La demeure, inspirée du baroque flamboyant du 19ème siècle, avait servi de cadre élégant au mariage de Romy Schneider et Daniel Biasini en 1975. Une griffe discrète et qui devait rester sans lendemain. Car si Karl Lagerfeld a veillé au moindre détail, dessinant les uniformes, la vaisselle et même le logo de l'établissement, il n'a pas apposé son nom à celui du Schlosshotel devenu, depuis, un fleuron de la marque Sofitel du groupe Accor.
le K Club, un bijou d'hôtel
La véritable identification d'une marque de couture avec un hôtel date du milieu des années quatre-vingt dix. A cette époque, Maruccia Mandelli, la créatrice de Krizia, tombe amoureuse d'une minuscule île des Caraïbes : Barbuda.
Petite sœur d'Antigua, cette perle des "îles sous le vent" déploie une quarantaine de kilomètres de plages de sable blond ou rose frangées par des eaux cristallines. Un paradis que la "Sonya Rykiel italienne" a l'idée de faire partager à quelques amis intimes.
Pour cela, elle crée le K Club, un bijou d'hôtel composé d'une trentaine de villas entre le sable et les cocotiers. Cinq kilomètres de plage et une décoration raffinée dans des chambres sans télévision. Parce qu'à Barbuda, le vrai luxe, c'est le silence..."K" pour Krizia, la signature est là, mais légère. Manifestement apposée comme un clin d'œil plutôt que comme une revendication commerciale. La styliste qui a conçu un hôtel retraite pour VIP en quête de calme et d'incognito, n'a pas cherché à capitaliser sur sa marque même si, au K Club, on boit du vin Krizia et un Krizia Brut façon champagne orné de la panthère symbole de la maison.
Le patrimoine immobilier de la famille Ferragamo à Florence
A Florence la famille Ferragamo règne sur un patrimoine immobilier qui en fait le principal acteur touristique dans le haut de gamme.
Lorsque Leonardo Ferragamo décide, en 1996 d'ajouter l'activité hôtelière à la maroquinerie de luxe, il le fait sans bruit. Le long du Borgo San Jacopo, l'hôtel Lungarno auquel il redonne vie ouvre ses fenêtres et terrasses sur le Ponte Vecchio. Un site de choix qui bénéficie d'un design intérieur très aristocratique inspiré par la nuova classicista italienne.
Plusieurs autres adresses tout aussi raffinées et décorées par Michele Bonan naîtront ensuite : Gallery Art Hotel, Lungarno Suites, Hotel Continentale...
Un certain art de vivre très italien chic
De part et d'autre de l'Arno, dans le carré d'or florentin, elles illustrent des atmosphères différentes rattachées cependant à un certain art de vivre très italien chic. Mais là aussi, rien n'indique que l'on dort chez Ferragamo. Un peu parce qu'au début de l'aventure, le maroquinier ne voulait pas prendre le risque de gêner sa marque par un éventuel échec hôtelier. Mais aussi parce que cette initiative n'était pas destinée à créer de la valeur à Ferragamo ainsi que le souligne Fabrizio Gaggio le PDG. "M. Ferragamo pensait qu'en créant des hôtels de charme d'un style nouveau, il pouvait apporter aux voyageurs un peu du savoir-vivre toscan. Après sept ans d'existence et une vraie réussite, nos hôtels ne portent toujours pas notre nom, mais nous sommes fiers de leur réussite."
Le groupe est en pleine expansion
Il le peut : en 2003 Lungarnohotels, la branche hôtelière qui est bénéficiaire a représenté 18 millions d'euros de chiffre d'affaires.
D'une affaire de style de vie on devrait cependant bientôt passer au vrai business. Le groupe est en pleine expansion. Il possède ainsi, toujours à Florence, le Savoy (dont l'exploitation a été confiée à la société de Rocco Forte) ainsi que le Palazzo Capponi qui est loué comme une maison d'hôtes. Il ouvrira mi 2005 un hôtel, Via Condotti à Rome, en plein quartier des boutiques de luxe et un ensemble de villas à la campagne en 2006.
Viendront ensuite des Boutique Hôtels à Venise, Milan, Londres et peut-être Paris...
Versace et Bulgari
Pour Donatella Versace, la discrétion est un vilain défaut. Quand elle se lance dans l'hôtellerie, elle le revendique et son Palazzo Versace présente toutes les exubérances d'un lieu branché. A Brisbane, sur la Gold Coast australienne, ce somptueux établissement sélectionné par les Leading Hotels of the World offre une débauche de marbre, mosaïques et colonnades à l'italienne. Pour les loisirs des clients : la plage sans fin, évidemment, mais aussi un golf, des hors-bord et des 4x4 pour des randonnées dans la nature.
Même volonté de s'imposer dans l'univers des palaces pour Bulgari. Trois ans après son association avec Ritz Carlton, la marque haut de gamme de la puissante chaîne Marriott, le bijoutier vient d'ouvrir au printemps dernier son premier hôtel. Dans un jardin proche de la Scala de Milan, en plein quartier de la mode, le Bulgari Hotel est un petit palace de 52 chambres et 9 suites, une oasis de sérénité chic dessinée par Antonio Citterio. Le premier pas d'une démarche ambitieuse qui devrait comprendre un resort luxueux à Bali et des hôtels dans les grandes villes : Londres, Rome, Tokyo, New York...
Le prestige du nom Bulgari, le professionnalisme de Ritz-Carlton dans le domaine de l'exploitation : l'association est condamnée à la réussite.
"Hôtels et résidences hôtelières de luxe Armani"
Celle que vient de signer Giorgio Armani avec Mohamed Ali Alabbar s'inscrit, elle aussi, dans une volonté de développement international. La société EMAAR Properties, basée à Dubai est le plus grand promoteur immobilier du Moyen Orient.
A elle la construction et la gestion des futurs "hôtels et résidences hôtelières de luxe Armani", à Giorgio Armani responsabilité de l'architecture, du design, de la décoration intérieure.
Un accord qui représente un investissement total de plus d'un milliard de dollars. Les dix établissements dont l'ouverture est programmée dans les sept prochaines années seront bien sûr meublés par Armani Casa, la filiale déco de Giorgio Armani.
Avant Londres, Paris, Milan, New York, Tokyo et Shanghaï, les partenaires ouvriront l'Hôtel Armani de Dubai. Dans le nouveau complexe de Burj Dubai, plus vaste immeuble commercial et résidentiel du monde, l'hôtel offrira 250 suites, un Spa de 40.000 m2 et 150 appartements de luxe conceptualisés et meublés par Armani.
D'autres marques italiennes se positionnent sans trop de bruit
Alors qu'on évoque l'arrivée possible de Cerruti dans l'hôtellerie, d'autres marques italiennes se positionnent sans trop de bruit. Massimo Ferretti a ouvert Carducci 76, une villa balnéaire style années 20 de 38 chambres à Cattolica, sur la côte adriatique, Brioni signe une suite très déco au Four Seasons de Milan et Benetton termine la restauration de l'hôtel Monaco et Grand Canal à Venise. Dans l'ancien palais Dandolo qui abritait au 17ème siècle l'établissement de jeux publics du Ridotto, Benetton a mené une belle opération de réhabilitation qui proposera une centaine de chambres dont certaines avec vue sur le Grand Canal. Quant à Paolo Gerani, le directeur artistique d'Iceberg, c'est un complexe de 32 suites avec Spa (le Riviera Golf Resort) qu'il vient d'ouvrir sur un golf de 18 trous à San Giovanni in Marignano près de Rimini.
Un établissement belge vient de relever le défi
Des initiatives qui pourraient bien un jour donner des idées à d'autres créateurs.
Pour l'instant c'est un établissement belge qui vient de relever le défi. Le Royal Windsor Hôtel Grand Place à Bruxelles vient d'inaugurer ses premières Fashion Rooms. Elles sont signées par quatre stylistes de mode belges : Mademoiselle Lucien, Jean-Paul Knott, Gérard Watelet et Marina Yee.
Et la France dans tout cela ?
Il y a une dizaine d'années, le couturier a accepté d'assurer la direction artistique d'un petit hôtel de charme que des amis venaient de racheter dans le quartier résidentiel de Grünewald, le "Neuilly" de Berlin.
La demeure, inspirée du baroque flamboyant du 19ème siècle, avait servi de cadre élégant au mariage de Romy Schneider et Daniel Biasini en 1975. Une griffe discrète et qui devait rester sans lendemain. Car si Karl Lagerfeld a veillé au moindre détail, dessinant les uniformes, la vaisselle et même le logo de l'établissement, il n'a pas apposé son nom à celui du Schlosshotel devenu, depuis, un fleuron de la marque Sofitel du groupe Accor.
le K Club, un bijou d'hôtel
La véritable identification d'une marque de couture avec un hôtel date du milieu des années quatre-vingt dix. A cette époque, Maruccia Mandelli, la créatrice de Krizia, tombe amoureuse d'une minuscule île des Caraïbes : Barbuda.
Petite sœur d'Antigua, cette perle des "îles sous le vent" déploie une quarantaine de kilomètres de plages de sable blond ou rose frangées par des eaux cristallines. Un paradis que la "Sonya Rykiel italienne" a l'idée de faire partager à quelques amis intimes.
Pour cela, elle crée le K Club, un bijou d'hôtel composé d'une trentaine de villas entre le sable et les cocotiers. Cinq kilomètres de plage et une décoration raffinée dans des chambres sans télévision. Parce qu'à Barbuda, le vrai luxe, c'est le silence..."K" pour Krizia, la signature est là, mais légère. Manifestement apposée comme un clin d'œil plutôt que comme une revendication commerciale. La styliste qui a conçu un hôtel retraite pour VIP en quête de calme et d'incognito, n'a pas cherché à capitaliser sur sa marque même si, au K Club, on boit du vin Krizia et un Krizia Brut façon champagne orné de la panthère symbole de la maison.
Le patrimoine immobilier de la famille Ferragamo à Florence
A Florence la famille Ferragamo règne sur un patrimoine immobilier qui en fait le principal acteur touristique dans le haut de gamme.
Lorsque Leonardo Ferragamo décide, en 1996 d'ajouter l'activité hôtelière à la maroquinerie de luxe, il le fait sans bruit. Le long du Borgo San Jacopo, l'hôtel Lungarno auquel il redonne vie ouvre ses fenêtres et terrasses sur le Ponte Vecchio. Un site de choix qui bénéficie d'un design intérieur très aristocratique inspiré par la nuova classicista italienne.
Plusieurs autres adresses tout aussi raffinées et décorées par Michele Bonan naîtront ensuite : Gallery Art Hotel, Lungarno Suites, Hotel Continentale...
Un certain art de vivre très italien chic
De part et d'autre de l'Arno, dans le carré d'or florentin, elles illustrent des atmosphères différentes rattachées cependant à un certain art de vivre très italien chic. Mais là aussi, rien n'indique que l'on dort chez Ferragamo. Un peu parce qu'au début de l'aventure, le maroquinier ne voulait pas prendre le risque de gêner sa marque par un éventuel échec hôtelier. Mais aussi parce que cette initiative n'était pas destinée à créer de la valeur à Ferragamo ainsi que le souligne Fabrizio Gaggio le PDG. "M. Ferragamo pensait qu'en créant des hôtels de charme d'un style nouveau, il pouvait apporter aux voyageurs un peu du savoir-vivre toscan. Après sept ans d'existence et une vraie réussite, nos hôtels ne portent toujours pas notre nom, mais nous sommes fiers de leur réussite."
Le groupe est en pleine expansion
Il le peut : en 2003 Lungarnohotels, la branche hôtelière qui est bénéficiaire a représenté 18 millions d'euros de chiffre d'affaires.
D'une affaire de style de vie on devrait cependant bientôt passer au vrai business. Le groupe est en pleine expansion. Il possède ainsi, toujours à Florence, le Savoy (dont l'exploitation a été confiée à la société de Rocco Forte) ainsi que le Palazzo Capponi qui est loué comme une maison d'hôtes. Il ouvrira mi 2005 un hôtel, Via Condotti à Rome, en plein quartier des boutiques de luxe et un ensemble de villas à la campagne en 2006.
Viendront ensuite des Boutique Hôtels à Venise, Milan, Londres et peut-être Paris...
Versace et Bulgari
Pour Donatella Versace, la discrétion est un vilain défaut. Quand elle se lance dans l'hôtellerie, elle le revendique et son Palazzo Versace présente toutes les exubérances d'un lieu branché. A Brisbane, sur la Gold Coast australienne, ce somptueux établissement sélectionné par les Leading Hotels of the World offre une débauche de marbre, mosaïques et colonnades à l'italienne. Pour les loisirs des clients : la plage sans fin, évidemment, mais aussi un golf, des hors-bord et des 4x4 pour des randonnées dans la nature.
Même volonté de s'imposer dans l'univers des palaces pour Bulgari. Trois ans après son association avec Ritz Carlton, la marque haut de gamme de la puissante chaîne Marriott, le bijoutier vient d'ouvrir au printemps dernier son premier hôtel. Dans un jardin proche de la Scala de Milan, en plein quartier de la mode, le Bulgari Hotel est un petit palace de 52 chambres et 9 suites, une oasis de sérénité chic dessinée par Antonio Citterio. Le premier pas d'une démarche ambitieuse qui devrait comprendre un resort luxueux à Bali et des hôtels dans les grandes villes : Londres, Rome, Tokyo, New York...
Le prestige du nom Bulgari, le professionnalisme de Ritz-Carlton dans le domaine de l'exploitation : l'association est condamnée à la réussite.
"Hôtels et résidences hôtelières de luxe Armani"
Celle que vient de signer Giorgio Armani avec Mohamed Ali Alabbar s'inscrit, elle aussi, dans une volonté de développement international. La société EMAAR Properties, basée à Dubai est le plus grand promoteur immobilier du Moyen Orient.
A elle la construction et la gestion des futurs "hôtels et résidences hôtelières de luxe Armani", à Giorgio Armani responsabilité de l'architecture, du design, de la décoration intérieure.
Un accord qui représente un investissement total de plus d'un milliard de dollars. Les dix établissements dont l'ouverture est programmée dans les sept prochaines années seront bien sûr meublés par Armani Casa, la filiale déco de Giorgio Armani.
Avant Londres, Paris, Milan, New York, Tokyo et Shanghaï, les partenaires ouvriront l'Hôtel Armani de Dubai. Dans le nouveau complexe de Burj Dubai, plus vaste immeuble commercial et résidentiel du monde, l'hôtel offrira 250 suites, un Spa de 40.000 m2 et 150 appartements de luxe conceptualisés et meublés par Armani.
D'autres marques italiennes se positionnent sans trop de bruit
Alors qu'on évoque l'arrivée possible de Cerruti dans l'hôtellerie, d'autres marques italiennes se positionnent sans trop de bruit. Massimo Ferretti a ouvert Carducci 76, une villa balnéaire style années 20 de 38 chambres à Cattolica, sur la côte adriatique, Brioni signe une suite très déco au Four Seasons de Milan et Benetton termine la restauration de l'hôtel Monaco et Grand Canal à Venise. Dans l'ancien palais Dandolo qui abritait au 17ème siècle l'établissement de jeux publics du Ridotto, Benetton a mené une belle opération de réhabilitation qui proposera une centaine de chambres dont certaines avec vue sur le Grand Canal. Quant à Paolo Gerani, le directeur artistique d'Iceberg, c'est un complexe de 32 suites avec Spa (le Riviera Golf Resort) qu'il vient d'ouvrir sur un golf de 18 trous à San Giovanni in Marignano près de Rimini.
Un établissement belge vient de relever le défi
Des initiatives qui pourraient bien un jour donner des idées à d'autres créateurs.
Pour l'instant c'est un établissement belge qui vient de relever le défi. Le Royal Windsor Hôtel Grand Place à Bruxelles vient d'inaugurer ses premières Fashion Rooms. Elles sont signées par quatre stylistes de mode belges : Mademoiselle Lucien, Jean-Paul Knott, Gérard Watelet et Marina Yee.
Et la France dans tout cela ?
Février 2005
Par Christian-Luc PARISON