Guy Martin : autodidacte et poète dans l'âme
Guy Martin, chef étoilé du Grand Véfour et virtuose des fourneaux, a toujours rêvé d'associer l'art de la cuisine et celui de la peinture. Face à certaines toiles, l'inspiration est immédiate. « Un mouvement, une ébauche de couleur, confirme-t-il, m'évoquent un produit ou un plat. »
La peinture, une évasion nécessaire à sa créativité
Ses peintres préférés : De Staël, Magritte, Boticelli, Gauguin, sans oublier Manet qui lui a permis de découvrir, à l'âge de 13 ans, les Impressionnistes et la peinture. Une forme d'évasion nécessaire à sa créativité, un besoin au quotidien. "Aller dans les musées m'est indispensable. C'est une bouffée d'oxygène, une plage de liberté et d'expression qui me permet de concevoir une harmonie, d'aller à l'essentiel. Ainsi, "La "Femme à l'Ombrelle" de Manet m'a suggéré un légume, le "Bain Turc" d'Ingres, m'a donné l'envie de mitonner une lotte à la vapeur d'essence de pin...
Un chef, loin des parcours fléchés
Il s'est fait à la force du poignet et s'est élevé par sa seule volonté. Né en 1957, à Bourg Saint Maurice, au cœur de la Savoie, "les skis aux pieds", Guy Martin est un enfant éduqué librement, sans interdits, avec malgré tout, un côté écorché vif et rebelle à l'ordre établi. Ce qui explique ses absences en classe et certainement son ascension dans le monde de la cuisine, par un apprentissage en solo, loin des parcours fléchés de tout grand chef étoilé. "La transmission de la connaissance par un professeur m'a toujours un peu gêné confesse-t-il."
Il est loin le fils de montagnard, le fan aux cheveux longs des Rolling Stones, s'imaginant déjà sur scène à 14 ans, dévalant les pistes en ski, et passant son baccalauréat en candidat libre à 18 ans.
Un destin qui bascule avec le livre de recettes d'Ali Bab
Pour gagner sa vie, Guy Martin accepte un poste de pizzaïolo en 1976. Sa voie était peut-être tracée, mais le destin en décide autrement. "Cette année là, je tombe par hasard, sur un livre de recettes du monde entier d'Ali Bab, et je découvre un univers qui me fascine. Pour moi, ce sera la révélation."
Pourtant il connaissait déjà les plaisirs de la table. Pendant toute son enfance, il verra sa mère, - qui recevait beaucoup - , cuisiner des mets mariant fantaisie et générosité, en utilisant exclusivement les légumes du jardin.
Qu'à cela ne tienne, il deviendra chef. Chef dans un hôtel trois étoiles. Voilà l'objectif qu'il se fixe!
"D'avoir vécu une vie de partage et d'amour avec mes parents, s'est avéré décisif dans ma trajectoire", confirme Guy Martin.
La récompense au bout du chemin
Pour atteindre son objectif, Guy ne rechigne pas à la besogne. Pizzaïolo le jour, il se met au fourneau le soir, en travaillant chaque recette, par ordre alphabétique, en la réinterprétant, en tâtonnant. "J'avais trouvé ma voie et pour moi, seul le travail comptait. J'en ai passé des nuits, à travailler, sans dormir." La récompense sera au bout du chemin. Pour cet autodidacte dans l'âme, tout s'accélère subitement. Après une brève incursion dans un restaurant d'Annecy, il va remplacer un ami au Château de Coudray. Ce Relais & Château sera la première marche qui le propulsera au firmament. De château en château, il intègre celui de Divonne (un autre Relais & Château) où il deviendra à 26 ans, Directeur et chef de cuisine (1983/1991). Six mois après son arrivée, il décroche sa première étoile, la seconde, six ans après.
Le firmament avec le Grand Véfour
La consécration arrive avec son entrée au Grand Véfour, un Relais Gourmand, qui appartient à la famille Taittinger. Grâce à sa cuisine qui s'exprime sans tabou, et met en avant la sobriété, à la manière des jardins zen japonais, le Grand Véfour retrouve son faste et sa gloire, avec une troisième étoile en l'an 2000.
Un homme de plume
Passionné de voyages au long court, plus particulièrement du Japon et de sa culture où il va régulièrement, amateur de cigares, Guy Martin est aussi un homme de plume, qui aime partager et transmettre. D'où ses nombreux livres de cuisine, son implication dans les nouveaux menus sur la Premièred'Air France
Mais les étoiles ne lui tournent pas la tête.
Homme serein, la place qu'il préfère : le Grand Véfour
Homme de mesure et serein, il est loin de l'image traditionnelle des grands chefs. Sûr de lui, tout en remettant en cause à chaque service, sa cuisine, il est bien dans sa tête. Il n'aime ni les compétitions, ni les querelles et se gausse des coteries. Un visage d'ange, mais derrière, de la détermination et de la volonté. Malgré tout un écorché vif, qui a besoin de décompresser et de se retrouver en famille. Avec la douceur, on obtient presque tout de lui. Son besoin d'espace et de liberté reste toujours aussi présent mais il sait s'en accommoder. Aux frissons et à l'adrénaline du ski de l'extrême où il s'est fait plusieurs fois très peur, il préfère maintenant le dressage de chevaux, une autre de ses passions. C'est beaucoup d'écoute et beaucoup de patience. Le lieu qu'il préfère, "le Grand Véfour". Là est ma place et je m'y sens chez moi. »