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Irène Frain : un écrivain dans l'âme

Guidée par son immense curiosité et son envie de mieux connaître l'humanité, Irène Frain a gardé une âme de petite fille. Perfectionniste, elle est capable de jeter par insatisfaction, 300 feuillets de son prochain roman. Passionnée, elle va au bout de ses challenges. Authentique, elle parle sans détour, de ses passions, de ses rêves, de ce qu'elle est. Mariée depuis près de 38 ans avec François Frain, photographe et auteur d'un roman (Peau de fesse), elle a conservé sa fraîcheur de jeune fille, grâce à un regard toujours neuf et plein d'espoir sur la vie. Auteur à succès de nombreux ouvrages dont notamment le Nabab, (1982), Secret de famille (1989), Quai des Indes,  La Maison des Sources, Histoire de Lou et plus récemment Les Hommes etc...Irene Frain a accepté de jouer au jeu des questions pour Luxe-Magazine.

Qui est Irène Frain ?

Avant tout, je suis une femme de mots qui fait confiance aux mots. Pour moi, ils sont créateurs du monde. Née à Lorient en 1950, dans une ville détruite, où la majeure partie des maisons étaient des baraquements en bois, je suis issue de parents de condition modeste, avec quatre frères et sœurs. Ce milieu simple m'a d'ailleurs permis de me structurer.
Mes dix premières année, je les ai vécues dans une maison face à un champ d'avions abattus.
Mon père qui avait passé 5 ans en captivité, avait tenu à ce que nous ayons une véritable maison, où j'ai vécu mes dix premières années. Toutes ces années j'ai eu sous mes yeux une perception troublée du monde. Malgré tout, cette époque d'après-guerre où les gens étaient gais, m'a nourrie et m'a permis de mettre en mots ce que j'avais ressenti.
Je leur ai fait confiance pour illuminer le monde. Et dans les pires situations je m'en remets toujours à la parole qui est mon espoir. Le public perçoit d'ailleurs que je suis une femme pleine d'espérance. Agrégée de lettres, j'étais un professeur assez excentrique. Mon royaume était celui de la fantaisie. Mais une fantaisie pratiquée avec rigueur et une rigueur travaillée avec fantaisie ! J'ai exercé cette profession jusqu'à l'âge de 28 ans, année où j'ai commencé à écrire mon premier roman : "Quand les Bretons peuplaient les mers".
Puis ma vie a basculé et je suis devenue écrivain à part entière.

Pourquoi ce besoin d'écrire ?

J'ai besoin de partir, d'imaginer des vies, de donner naissance à des mots. Mon premier livre ("Quand les Bretons peuplaient les mers") fut publié quand j'avais 29 ans et un chapitre entier est consacré à l'Ile Maurice où je suis allée plusieurs fois. Cette île m'a bouleversée et enchantée. J'ai redécouvert son lagon aux eaux transparentes, ses lumières, ses couleurs, l'Inde, le sari et le curry que j'affectionne plus particulièrement.

Participez-vous beaucoup aux prix littéraires ?

Oui, notamment le Prix Europe 1 de Frédéric Mitterand, le Prix Baie des Anges de la ville de Nice, le Prix du Roman Historique de la ville de Blois et le Prix du Roman d'Amour au PrinceMaurice à l'Ile Maurice. J'ai trouvé l'idée excellente d'avoir créé ce prix, dans cette île qui a connu l'histoire d'amour mythique de "Paul et Virginie". Pour moi, l'hôtel le Prince Maurice est un lieu propice à l'écriture. Il recèle quelque chose d'impalpable. On va y puiser en soi ce que l'on a de plus vrai et de plus précieux

Comment définiriez-vous ce lieu ?

Au Prince Maurice, le luxe a l'élégance de ne pas se laisser voir. On y goûte une forme de lenteur, de silence qui permet d'entrer dans une quatrième dimension, celle de la volupté. De là vient la paix.

Vous parlez de l'angoisse de la feuille blanche ?

Oui, pour moi le pire qui puisse m'arriver c'est d'écrire quelque chose de banal. Qui serait l'équivalent d'une feuille blanche. A mon âge (rires), je ressens de plus en plus cette angoisse. Connaissant les enjeux, je reste lucide. Actuellement je travaille sur un nouveau roman qui m'a beaucoup stressée, mais je crois en voir la fin. Exigeante envers moi-même, j'ai gardé seulement 200 feuillets sur les 500 que j'avais écrits. Je compare souvent l'écriture d'un livre à une grossesse. Parfois, il peut y avoir des grossesses difficiles.

Comment germe l'histoire de vos romans ?

C'est comme une histoire d'amour. Cela vient soudainement, comme un coup de foudre. C'est lui et personne d'autre. C'est une sorte de défi, de jeu avec moi-même.

Y a-t-il eu des romans auto biographiques ?

Oui. Le seul vrai roman à 95% auto biographique est celui de "Histoire de Lou" aux éditions Fayard. Celui de la "Maison de la source" relate mon enfance à Lorient et celui du "Quai des Indes", retrace mon enquête sur Devi.

Pourquoi ce livre "Les Hommes etc..." si loin de vos romans habituels ?

J'avais envie d'écrire un livre sur la société de l'instantanéité, de montrer que les hommes sont esclaves des objets qui l'entourent. J'ai voulu décrire de quelle façon les outils changeaient les hommes et non le contraire.

Quel est votre plus grand plaisir dans la vie ?

De partager la parole avec ceux que j'aime autour de plats que j'ai cuisinés, étant gourmande.
Ecrire et être lu reste aussi l'un de mes autres bonheurs.

Et vos passions ?

Bien entendu, l'écriture et l'humanité. J'aime découvrir ce qu'elle a d'effrayant et me dire également qu'il y a de l'espoir. C'est pourquoi je suis occasionnellement journaliste, cela me permet de rester dans la réalité.

Qu'est ce qui est le plus important dans votre vie ?

L'amour. Je suis une passionnée qui vit intensément. Dans l'amour il n'y a pas de demi-mesure. On aime ou on n'aime pas.

Votre rêve ?

J'ai écrit un jour pour mon petit-fils Paul, un conte "La Fée Chocolat" qui m'a permis d'établir un lien avec lui. J'ai envie d'écrire pour les enfants, leur donner le goût de la lecture et l'envie de devenir écrivain.

Juillet 2005
Par Katya PELLEGRINO
Histoire de Lou aux Editions Fayard : 13,6 €
La maison de la Source aux Editions Fayard : 20 €
Le Quai des Indes : 10,90€