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Yannick Alleno sous les ors du Meurice

La salle à manger de l'hôtel Meurice, très "Grand siècle" avec ses marbres, ses plafonds peints, ses parterres de mosaïques et ses miroirs, serait-elle la plus belle de Paris ? Si cela peut se discuter, en tout cas elle est la plus convoitée du moment.
On s'y précipite pour y déjeuner. Hommes d'affaires et même hommes politiques - Nicolas Sarkozy aimerait y venir plus souvent - l'ont adoptée.
Le soir, elle devient un écrin distingué qui sous la houlette du jeune Alexandre Gaudelet (27 ans) prend des airs d'opéra. Sans tomber dans le cliché, les aficionados y succombent car pour eux tout ici est n'est que "luxe, calme et volupté".
Le Crillon n'a qu'à bien se tenir !


La révolution technique s'associe à la révolution gastronomique


Car depuis septembre 2003, le Meurice, palace entièrement refait de fond en comble il y a quatre ans, a accueilli un chef en passe de devenir une star de la restauration, Yannick Alleno (35 ans), à qui le Guide Michelin vient de décerner ainsi qu'à toute sa brigade, deux macarons. Ce natif de Lozère, venu des "Muses", le restaurant troglodyte de l'hôtel Scribe (où il avait obtenu également deux macarons, qui viennent d'être perdus), semble renaître dans la cuisine du sous-sol de 450 m 2. Elle a été réaménagée pour l'équivalent d'un million de francs, avec l'acquisition notamment de fours de cuisson très performants et une broche qui n'existait pas avant. Ainsi la révolution technique s'associe à la révolution gastronomique.

b>Une brigade de 72 personnes au total


Avec comme modèle Paul Bocuse (le premier chef à l'avoir félicité pour sa récompense au Michelin), Yannick Alleno, qui a épinglé sa photo dans son bureau, se dit être un "homme heureux". S'empressant d'ajouter, le sourire aux lèvres : "Depuis mon arrivée, je me sens de mieux en mieux.". Il vient de recruter un nouveau pâtissier Camille Lesecq - rôdé à la rigueur de Christophe Felder, l'ancien chef pâtissier de l'hôtel de Crillon - en lui donnant une chance inouïe à vingt-trois ans, celle de diriger la partie sucrée d'un des plus grands palaces de la capitale avec tout ce que cela comporte de joies mais aussi de servitudes. Car ici le room service, le restaurant "Le Jardin d'hiver", comme le gastro et les banquets, génèrent un esprit d'entreprise et une méthode des plus performantes. Pas moins de soixante-douze personnes travaillent autour d'Alleno. Entouré de son chef adjoint, Stéphane Meunier, et de son premier sous-chef, Philippe Mille, le chef des cuisines s'est jeté des défis de perfection étonnants. Rendez-vous dans l'assiette.

Oursin, flammekuche, côte de veau...


Entre quarante et cinquante couverts peuvent être servis sous les lambris du restaurant. D'emblée, en choisissant le "Menu dégustation", on se soumet à un festival de parfums et à une ascension chromatique dans la subtilité des saveurs et des cuissons.
La gelée de bouillabaisse servie dans une jolie coque d'oursin, accompagnée d'une sauce anisée et de beignets de langues d'oursin décorées de fines feuilles de basilic séchées, est un pur délice.

La roussette de Savoie "Marestel" 2002 de chez Jean Perrier et fils, d'une infinie douceur, légèrement sucrée, accompagne avec brio les saveurs iodées de l'oursin. Le dos de saumon Balik, légèrement fumé, juste épais comme il faut, est surmonté d'une croûte de pomme de terre étonnante ; il est servi avec une crème de poireau aux grains de caviar d'Aquitaine. On admire alors le croquant-craquant de cette couche fine de pomme de terre, associé au moelleux du saumon.
La côte des Monts Damnés, sancerre blanc 2002 s'harmonise par des notes suaves et rafraîchissantes à ce plat distingué et exceptionnel.

L'enchaînement de la tarte "flammekuche" truffée, cœur de salade à la crème, jus perlé à l'huile de noix, dégustée sur un clos Royer, côtes de Beaune 2001 (Michel Mallard), opulent et généreux en bouche, donne toute la mesure du talent de la cuisine Yannick Alleno.

Rien de tel pour goûter au saint-pierre épais persillé au gingembre et ses lentilles vertes et bigorneaux en civet (un régal de délicatesse et de puissance), que de l'associer à un Chassagne-Montrachet "Le Clos Saint Jean" 95 (Nieillon). Enfin, le Crozes-Hermitage 2002 de chez Alain Grillot, tout en fruit et en épices, rend encore plus touchante l'opulente côte de veau élevé sous la mère et cuite à la broche.

Pour certains fromages de chez "Quatrehomme", David Rétif choisit le poiré 2002d'Éric Bordelet, au goût d'abricot confit mêlé à des notes épicées.

Côté desserts, comment ne pas terminer par les fraises des bois d'Andalousie juste sucrées sur une feuillantine croustillante glacée à la crème brûlée avec un passito, proche des pinots charentais. D'autres valeurs sûres vous attendent comme la mandarine confite entière, glace au thym, ou encore la dacquoise et ganache tendre au chocolat guanaja, crème et plissé aux fruits de la passion.

Le rideau peut bien tomber sur ces trouvailles et autres expressions de saison !
Juillet 2004
Par Gilles BROCHARD
Hôtel Meurice
228, rue de Rivoli, Paris 1er. Tél :( 33) 01 44 58 10 55.
Fermé samedi à déjeuner et en août. Voiturier.
www.meuricehotel.com
Menu "déjeuner en liberté" à 60 euros. Menu dégustation au dîner, 170 euros.
Vins en accord avec le menu dégustation (130 euros). Carte : 120-150 euros.