Guillaume Chansarel, un artiste dans la ville
L’artiste parisien Guillaume Chansarel appartient à cette catégorie de plus en plus rare d’habitants des grandes villes : celle du citadin heureux. Vous ne l’entendrez pas se plaindre de la pollution, du trafic ou du stress des grandes villes : pour lui, le bonheur est dans le chaos urbain !
A l’image de Tokyo : « Là-bas, il y a au moins une dizaine d’autoroutes en plein centre ville, superposées au-dessus de nos têtes, serpentant entre les gratte-ciel ! » s’émerveille-t-il. Là où d’autres verraient un enfer, Guillaume Chansarel voit une inépuisable source d’étonnement et d’inspiration. Ses paysages urbains, peints sur des pages de livres anciens, nous conduisent de Hong Kong à New York, nous plongeant à chaque fois dans l’atmosphère du lieu et l’émotion de l’instant. Comment l’artiste parvient-il à saisir son sujet avec autant de justesse ? Sans doute parce qu’il sait mieux que tout autre faire corps avec son environnement, jusqu’à adopter le rythme propre à chacune des villes qu’il parcourt. C’est ce qu’il vient de faire avec son dernier projet, Drawing Avenue* : descendre les 22 kilomètres de Broadway Avenue en 7 jours en s’arrêtant à chaque coin de rue pour réaliser un croquis !
Allez savoir pourquoi c’est au cœur des grandes villes que je me sens le mieux, le plus vivant, le plus moi-même ! Plus la ville est démentiellement immense et moderne, plus je suis comme un poisson dans l’eau. L’architecture semble être mon milieu naturel. J’adore, dans une mégalopole telle que Tokyo, ressentir partout l’agitation. Là-bas, ça grouille dans tous les sens, ça fourmille sous terre, ça court sur les trottoirs, ça fonce dans les airs!
Un paysage urbain est un sujet d’inspiration sans fin. Il y a bien évidemment le cadrage et la lumière pour sublimer un bâtiment, mais il y a surtout la surprise. On avance dans une perspective et là, paf !, une architecture apparait. Une porte, une arche, une vitrine, un gratte-ciel, que sais-je encore ? On reprend la même rue en sens inverse et on se rend compte que c’est précisément cette architecture qui fait toute la force de la perspective ! On peut aussi rentrer dans un bâtiment et changer totalement sa perception de la ville. Et qui sait ce qu’on pourrait découvrir en grimpant sur le toit ? Une mégalopole c’est une machine à créer.
Lorsque je pars découvrir une nouvelle ville je veux être le plus neutre possible. Juste un coup d’œil rapide sur le plan général : l’aéroport est là, mon hôtel est là, basta. Il faut que je sois comme un explorateur qui part à la découverte d’un nouveau monde.
Mon mode de travail se décompose en plusieurs étapes : d’abord le dessin. Toujours. Que ce soit une prise de note très rapide ou un croquis plus construit, je dessine toujours mon sujet pour pouvoir me l’approprier. Ensuite, en fonction de la manière dont je vais traiter mon tableau, je peux compléter avec des photos. Je vais photographier un bâtiment ou une construction pour en faire une fiche technique. Matériaux, détails, ornementation… Il m’arrive également de filmer, lorsque je juge important de me replonger dans une atmosphère.
Lorsque je reproduis mes dessins sur de grandes toiles, je fais une mise au carreau afin de reconstruire fidèlement la perspective. Mon but est toujours d’être au plus près de la réalité. Encre de chine et acrylique sont mes techniques de prédilection.
J’ai toujours fait des carnets de voyage, des carnets de vie, et j’adore changer de support. Un jour, il y a bientôt 20 ans, au marché du livre ancien, je suis tombé sur un ouvrage de 1856 au papier jauni et patiné. Je l’ai acheté et j’ai dessiné directement sur les caractères d’imprimerie. Une fois encrés et rehaussés de couleurs, ces croquis prirent un relief et une matière étonnants, Imprévus. Bien vite, j’ai découpé ce livre pour maroufler les pages sur des grands formats, et depuis je ne cesse de faire évoluer cette technique.
Aujourd’hui, au-delà du simple aspect technique, cette méthode de travail prend une autre dimension : à l’heure où chacun annonce la fin programmée de l’édition, moi je lui donne une nouvelle vie !
Ca, c’est le petit plus que l’on peut ressentir devant certains tableaux. Quelqu’un m’avait raconté lors d’une exposition qu’il avait accroché l’un de mes tableaux devant son lit - une perspective de voies de chemin de fer avec une succession de ponts métalliques - et qu’il entendait tous les soirs le tac-tac des rails en éteignant sa lampe de chevet. Ca, ça fait sacrément plaisir ! Mais ce que je recherche avant tout à travers ma peinture, c’est happer le regard. Que l’émotion soit soudaine et immédiate.
New York, c’est la vie, le bruit, le métal, les vrombissements, les sirènes, les cris, les gyrophares… impossible de retranscrire tout ça en un seul dessin. Et puis je voulais pouvoir revivre, et surtout pouvoir partager cette expérience. On tourne les pages et on progresse dans Manhattan comme j’avançais sur place de bloc en bloc… Petit à petit, les gratte-ciel se dressent à l’horizon. Ce bouquin c’est un interminable travelling à travers la ville.
Partir à New York sur un coup de tête et une fois sur place, décider d’en faire un livre. :-)
Pourquoi cet intérêt exclusif pour les grandes métropoles ?
Allez savoir pourquoi c’est au cœur des grandes villes que je me sens le mieux, le plus vivant, le plus moi-même ! Plus la ville est démentiellement immense et moderne, plus je suis comme un poisson dans l’eau. L’architecture semble être mon milieu naturel. J’adore, dans une mégalopole telle que Tokyo, ressentir partout l’agitation. Là-bas, ça grouille dans tous les sens, ça fourmille sous terre, ça court sur les trottoirs, ça fonce dans les airs!
Quelles qualités recherchez-vous dans un paysage urbain ?
Un paysage urbain est un sujet d’inspiration sans fin. Il y a bien évidemment le cadrage et la lumière pour sublimer un bâtiment, mais il y a surtout la surprise. On avance dans une perspective et là, paf !, une architecture apparait. Une porte, une arche, une vitrine, un gratte-ciel, que sais-je encore ? On reprend la même rue en sens inverse et on se rend compte que c’est précisément cette architecture qui fait toute la force de la perspective ! On peut aussi rentrer dans un bâtiment et changer totalement sa perception de la ville. Et qui sait ce qu’on pourrait découvrir en grimpant sur le toit ? Une mégalopole c’est une machine à créer.
En tant qu’artiste, comment appréhendez-vous une nouvelle ville ?
Lorsque je pars découvrir une nouvelle ville je veux être le plus neutre possible. Juste un coup d’œil rapide sur le plan général : l’aéroport est là, mon hôtel est là, basta. Il faut que je sois comme un explorateur qui part à la découverte d’un nouveau monde.
Dans ce rapport à la ville, y a-t-il d’autres artistes qui vous ont particulièrement influencés ?
Difficile de ne pas être influencé par Hopper car il a su mieux que personne peindre l’âme des villes. Une fenêtre à New York ou un pont à Paris, on y est. C’est fou ! Je pourrais aussi évidemment citer Marquet, Szafran, ou encore Caillebotte, notamment pour son fameux « Paris, temps de pluie », de la construction du dessin jusqu’aux pavés mouillés. Je suis resté des heures devant ce tableau à Chicago. Il y a également les photos de Berenice Abbott pour ses clichés historiques, Paul Faure ou Christophe Jacrot aujourd’hui… Et puis, très récemment, je trouve que Cédric Klapish a su filmer New York comme nul autre dans « Casse-tête chinois ».Comment travaillez-vous : à partir de photos ou sur le motif ?
Mon mode de travail se décompose en plusieurs étapes : d’abord le dessin. Toujours. Que ce soit une prise de note très rapide ou un croquis plus construit, je dessine toujours mon sujet pour pouvoir me l’approprier. Ensuite, en fonction de la manière dont je vais traiter mon tableau, je peux compléter avec des photos. Je vais photographier un bâtiment ou une construction pour en faire une fiche technique. Matériaux, détails, ornementation… Il m’arrive également de filmer, lorsque je juge important de me replonger dans une atmosphère.
Lorsque je reproduis mes dessins sur de grandes toiles, je fais une mise au carreau afin de reconstruire fidèlement la perspective. Mon but est toujours d’être au plus près de la réalité. Encre de chine et acrylique sont mes techniques de prédilection.
Vous peignez sur des pages de livres anciens que vous ramenez de vos voyages. Qu'est-ce qui vous a conduit à ce support?
J’ai toujours fait des carnets de voyage, des carnets de vie, et j’adore changer de support. Un jour, il y a bientôt 20 ans, au marché du livre ancien, je suis tombé sur un ouvrage de 1856 au papier jauni et patiné. Je l’ai acheté et j’ai dessiné directement sur les caractères d’imprimerie. Une fois encrés et rehaussés de couleurs, ces croquis prirent un relief et une matière étonnants, Imprévus. Bien vite, j’ai découpé ce livre pour maroufler les pages sur des grands formats, et depuis je ne cesse de faire évoluer cette technique.
Aujourd’hui, au-delà du simple aspect technique, cette méthode de travail prend une autre dimension : à l’heure où chacun annonce la fin programmée de l’édition, moi je lui donne une nouvelle vie !
Est-ce que vous cherchez une résonance entre le sujet du tableau et le texte sur lequel il est peint?
Le thème du livre sur lequel je peins n’a guère d’importance. Ce qui est intéressant à mon sens, c’est d’avoir réuni sur un même support le dessin et l’écriture. Les deux modes de communication graphique inventés par l’homme.Vous avez une formation de scénographe. Composez-vous vos tableaux comme des décors où le spectateur va pouvoir projeter ses propres histoires ?
Ca, c’est le petit plus que l’on peut ressentir devant certains tableaux. Quelqu’un m’avait raconté lors d’une exposition qu’il avait accroché l’un de mes tableaux devant son lit - une perspective de voies de chemin de fer avec une succession de ponts métalliques - et qu’il entendait tous les soirs le tac-tac des rails en éteignant sa lampe de chevet. Ca, ça fait sacrément plaisir ! Mais ce que je recherche avant tout à travers ma peinture, c’est happer le regard. Que l’émotion soit soudaine et immédiate.
Quel est votre dernier projet / projet le plus récent ?
Mon dernier projet est justement une déclaration d’amour à New York… enfin, à Manhattan pour être exact. J’ai descendu à pied toute la mythique avenue de Broadway, du nord au sud, sur ses 22 km. Carnet de croquis sous le bras, à chaque angle de rue, je m’arrêtais pour faire un dessin sur le vif : architecture, escaliers de secours, mobilier urbain, taxis jaunes, trucks… tout ce qui me passait sous les yeux. J’ai fait en tout 247 dessins. Le premier depuis le pont qui relie le Bronx à Manhattan, le dernier depuis le ferry qui mène à Staten Island. Et pour être en parfaite harmonie avec la ville qui ne dort jamais, j’ai réalisé tout ça en sept jours.Pourquoi en avoir fait un livre ?
New York, c’est la vie, le bruit, le métal, les vrombissements, les sirènes, les cris, les gyrophares… impossible de retranscrire tout ça en un seul dessin. Et puis je voulais pouvoir revivre, et surtout pouvoir partager cette expérience. On tourne les pages et on progresse dans Manhattan comme j’avançais sur place de bloc en bloc… Petit à petit, les gratte-ciel se dressent à l’horizon. Ce bouquin c’est un interminable travelling à travers la ville.
Quelle est votre définition du luxe ?
Mon luxe c’est de pouvoir créer. Ce qui me porte, ce qui me meut, c’est la création. Avoir en permanence non seulement le désir, mais la possibilité de créer. Le luxe pour moi ce n’est pas d’atteindre l’inaccessible, le luxe c’est de faire ce que l’on a décidé de faire.Le luxe dont vous ne sauriez vous passer ?
Partir à New York sur un coup de tête et une fois sur place, décider d’en faire un livre. :-)
Novembre 2018