Maison Mary Beyer : le temple du gant sur mesure
Mary Beyer, une femme opiniâtre et passionnée
Derrière ces deuxièmes peaux, se cache un savoir-faire, en passe de s'éteindre, faute de reconnaissance des métiers d'art français.
Maryvonne Moreau Beyer, pour les initiés Mary Beyer, une femme opiniâtre et créative, est l'une de ces artistes du sur mesure qui transforment un accessoire resté à l'écart en objet de rêve et signe d'élégance. Par sa volonté, sa passion et sa ténacité, elle a su restituer à la dernière célèbre maison de ganterie de haute couture à Millau, Lavabre Cadet, son cachet et son savoir-faire.
D'apprentie coiffeuse à mannequin
Née à quelques encablures de Rouen, cette belle Normande, rebelle et indisciplinée dans l'âme, possède déjà le feu sacré, qui lui permettra de franchir tous les obstacles dans sa vie professionnelle. Arrivée à l'âge de 9 ans à Paris, elle entre très tôt dans la vie active. Elle est d'abord apprentie coiffeuse dans un salon fréquenté par les danseuses du Casino de Paris. Son physique avantageux, l'amène rapidement sous les feux de la rampe. Mannequin, elle aborde, les coulisses du sur mesure et de la création.
De Saint-Tropez à l'Aveyron en passant par Ibiza
Pendant les années 70, elle vit la grande époque baba cool de Saint-Tropez à Ibiza et passe des perles de verre à des objets de déco.
A l'aube des années 80, Mary Beyer reprend un second souffle, et décide de s'installer avec toute sa nichée (3, puis 5 enfants !) en Aveyron.
Elle invente des bijoux fantaisie en perles baroques, tout en assurant une série de collaborations avec de grandes maisons de couture. Balmain, Féraud, Givenchy, Lagerfeld Gallery, lui font confiance.
Parallèlement à ces commandes, elle crée des pièces uniques, dans sa galerie ouverte à Nant, - un village de la vallée de la Dourbie - et vend à une clientèle privée.
Le coup de foudre à Millau
C'est Nina Ricci, qui va la faire plonger dans le gant, souhaitant cet accessoire brodé de perles. Mary se rend à Millau, capitale de la "ganterie" et rencontre tout un univers d'excellence et de savoir-faire, notamment chez Lavabre Cadet. C'est le coup de foudre, la découverte du plaisir de toucher et de travailler la peau.
"Il faut savoir qu'en 1963, à Millau, 82 fabricants créaient des gants. En 2001, il n'en restait qu'une poignée" précise cette créatrice passionnée.
"Ce patrimoine artisanal français, synonyme d'excellence, était en train de s'éteindre, faute de reconnaissance et plus prosaïquement de commandes, face à la grande distribution".
Rachat de la ganterie Lavabre Cadet
En l'an 2000, Mary Beyer apprend que la ganterie Lavabre Cadet, le fleuron de la ganterie millavoise depuis sa création en 1946 et fournisseur des maisons les plus prestigieuses, est à vendre. Prise au jeu et amoureuse du gant fait main, elle décide alors, soutenue par sa famille et des investisseurs, de relever le défi. "C'était un vrai challenge pour moi de relancer cette entreprise, unique dans son genre" reconnaît-elle.
Changement radical, pour cette autodidacte. Elle approche alors le gant en le brodant, en l'enrichissant de pierres, de perles et de strass. Une façon de lui redonner ses lettres de noblesse.
Aujourd'hui elle se spécialise dans le gant de chevreau et de matières précieuses (vison, chinchilla, crocodile, pécari...)
Elle n'est pas la seule dans ce cas, car Jean-Louis Costes (qui a donné son nom au célèbre Hôtel et cafés) a également investi dans l'entreprise Gant Causse.
Renaissance et sur mesure
Grâce à sa ténacité elle redonne un second souffle à cet artisana. Elle l'avoue, "sans l'appui des grandes maisons du luxe, j'aurais fermé." C'est une commande de gants en vison pour Louis Vuitton qui lui permettra de ne pas déposer le bilan.
"Nous avons attaqué notre sixième année malgré deux coups durs : la fermeture de YSL Haute Couture et le dépôt de bilan de Torrente, pour qui nous avions réalisé des sacs et bijoux. J'ai ensuite changé de cap et aujourd'hui nous sommes vraiment spécialisés dans le sur mesure, pièce unique personnalisée et séries limitées, qui demandent des jours de labeur".
Le gant, un accessoire indispensable
Tous les Grands de la Haute Couture collaborent avec Mary Beyer, lui reconnaissant ce savoir faire inégalé, qui différencie le sur mesure, de la grande diffusion.
Pour Chantal Thomas, par exemple, "le gant reste la touche finale, le comble du raffinement, un accessoire de mode indispensable, dont on ne saurait se passer".
D'une créativité et d'une originalité sans pareille, les gants de Mary Beyer parent maintenant les mannequins qui défilent pour les plus belles maisons de couture comme Balenciaga, Vuitton, Givenchy, Daniel Swarovski, Carven entre autres.
Pour Mary Beyer, le gant est "un symbole du raffinement "à la française". Il est au
coeur même du mot élégance dans notre langage".
Il habille également de nouveau, stars et anonymes, avec le même faste et la même élégance.
A vos gants, mesdames et messieurs.