Culture


Jacques Weber : ralliez-vous à son panache !

Aux risques de faire croire qu'il n'est le comédien que d'un seul rôle, Jacques Weber a eu envie de présenter une version épurée de Cyrano de Bergerac qui l'a consacré en 1983, et de s'offrir le luxe, le temps d'un été, d'interpréter plusieurs personnages et de se faire plaisir tout simplement.
Dans le petit bar qui jouxte la Gaîté-Montparnasse, Jacques Weber se relaxe en attendant la représentation pour laquelle il veut être en forme afin de pouvoir tout donner aux spectateurs qui viennent le voir. Rien ne l'angoisse plus que de décevoir, les autres ou lui-même. Entretien.

L'adaptation de Christine Weber reprend les moments incontournables de Cyrano ?


C'est surtout une adaptation qui tend à resserrer, à se resserrer autour de l'interprète principal et des trois personnages plus un. A savoir, le trio majeur : Cyrano, Roxane, Christian et puis il y a De Guiche aussi. Cela recouvre les trois façons d'entamer ou d'aborder le problème de la femme, le problème de la séduction.
Ce n'est absolument en aucun cas des très beaux moments mis bout à bout mais de fait ce sont de beaux moments. Car si on s'amuse à re-raconter cette histoire simplement et à oublier les redondances et les tautologies qui étaient dans la version intégrale, on tombe sur les bons moments.


Vous avez choisi une façon simple de raconter l'histoire ?

Je ne vous cacherai pas que j'ai gardé la tirade des nez alors que je trouve que ce n'est pas
le meilleur loin de là dans l'œuvre. Mais si on présente un Cyrano sans la tirade des nez, les gens ne vont pas être contents, c'est un exercice obligé. Mais en dehors de ça je crois qu'on a été surtout mené par le désir de raconter clairement et simplement l'histoire.
En fait la structure de la pièce est constituée par trois acteurs dans un bistro où passe comme dans Cinema Paradiso, un bon film (un film muet) et Cyrano qui décide de raconter l'histoire.
Je crois que c'est très simple. Naturellement cette petite forme aussi bien que la taille du théâtre permet un jeu plus intimiste plus resserré, plus calme. Cela met les spectateurs au plus près de la poésie. On voit les scènes dans leur plus grande simplicité, c'est le but.


On dirait presque un spectacle de rue où les comédiens changent de rôle en changeant à vue de couvre-chef.

Ça a été fait mille fois, pour des raisons économiques souvent mais aussi parce que c'est le propre du comédien. Où je mets un casque de pompier, je suis pompier, ou je mets une couronne et je suis un roi. C'est ça qui est la magie même du théâtre, tout est permis, tout est possible. Bob Wilson s'est mis à jouer Hamlet à lui tout seul. Tout est permis. La fidélité dont on parle, c'est être fidèle d'abord à la perception de l'œuvre. La fidélité n'existe pas du tout, on n'est fidèle qu'à soi-même, c'est tout.


Avez-vous plus de plaisir et moins d'angoisse qu'auparavant ?

On dit toujours que la peur fait partie du plaisir, en fait quand elle est moins là, c'est quand même pas mal. Moi j'ai encore peur, j'ai peur de décevoir, de l'attente qu'on peut avoir et puis j'ai peur de moi-même. De l'attente que j'ai de moi d'abord mais c'est une peur plus sereine parce que avec l'âge on relativise, tout ça n'est pas important.
Une représentation de loupée, n'en déplaise à toute la planète football, ce n'est pas plus important ou c'est tout aussi important qu'un match perdu, voilà.
Là où je suis toujours très peiné c'est quand une représentation n'était pas pour moi à la hauteur et où les gens ont payé le même prix que la veille et que la veille c'était magnifique. Mais ça ils viennent aussi au théâtre parce qu'ils viennent retrouver, reconstruire, reconstituer le rapport accidentel qu'est la représentation.


Reprendre ce texte plus de 20 ans après, vous a-t-il permis de dompter cette œuvre ?

L'œuvre n'est pas un tigre ou un fauve et je ne suis pas un dompteur.
Je crois que dans le hasard de ma vie, il y a eu 1983 qui a été une date très importante puisque je jouais Cyrano dans un grand théâtre qui a été couronné d'un succès absolument rare. C'est vrai que ça marque un individu. Après, c'est normal que Rappeneau ait pensé à moi, dans un premier temps d'abord pour Cyrano puis après pour jouer De Guiche.
J'ai accepté, voilà. Après, quand j'ai eu l'occasion de mettre en scène de très jeunes acteurs, pour leur mettre le pied à l'étrier, je me suis dit qu'ils seraient très contents de jouer Cyrano.
Je l'ai mis en scène au théâtre de Nice avec de jeunes acteurs. D'ailleurs la plupart maintenant sont au Français ou jouent dans de grands théâtres.
Voilà. Après je me suis dit pourquoi pas une petite forme au moment où il y a une grande forme montée à la Comédie Française, très belle, d'ailleurs.
J'ai revisité ce chef d'œuvre comme on peut revisiter Carmen, comme on peut revisiter n'importe quelle grande œuvre avec encore un souci d'épuration, de limpidité et peut-être d'intimité.
Juillet 2006
Par Véronique GUICHARD

Cyrano, d'après Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand avec Jacques Weber, Anne Suarez, Xavier Thiam et Elisabeth Cooper.

Théâtre de la Gaîté Montparnasse
26 rue de la Gaîté - 75014 Paris
Séance à 21h30
Tél. : 01 43 22 16 18
Jusqu'au 19 août