Essai Auto - Range Rover TDV8 Souverain
Le marché du 4x4 se porte bien. Dans un pays où le conducteur rapide encourt plus de sanctions que le petit délinquant, il offre une dimension automobile différente, et incite moins à la vitesse qu'une berline silencieuse ou une voiture sportive. Quoi que les modèles les plus en vue, dopés par les prestations de moteurs V8 performants et des comportements routiers exemplaires, tendent à lisser la différence entre les deux univers. De ce premier point de vue déjà, le Range Rover s'est toujours distingué de ses concurrents : alors que les qualités d'un X5, d'un Cayenne ou d'un Touareg, tendent à gommer toute impression de vitesse, la définition du Range l'a toujours tenu à l'écart des excès. Sans doute d'abord parce que l'engin n'incite pas à rouler le pied lourd. Anglais jusqu'au bout des chromes, il s'apparente plutôt à une Jaguar ou une Rolls des 4x4, et invite à cruiser plutôt qu'à tomber des moyennes. Son altitude, son comportement tranquille et son confort ouaté, font mieux que s'accommoder d'une conduite coulée : ils la suscitent.
Jusqu'à cet automne pourtant, le navire amiral de Land Rover souffrait d'une grave lacune : son unique moteur diesel, souvenir du passage de la marque dans le giron germanique, était un 6 cylindres 3.0 litres d'origine BMW, et ne brillait ni par sa puissance ni par son insonorisation. Développé dans le plus grand secret, le TDV8 fait aujourd'hui son entrée sous le capot du Range, avant de se glisser ultérieurement sous celui de la Jaguar XJ.
Un diesel qui marche comme un essence
Complètement nouveau, le TDV8 est annoncé comme l'un des moteurs diesel "les plus souples, les plus raffinés et les plus silencieux au monde". Dans tous les secteurs du jeu sauf un, il fait (beaucoup) mieux que le TDV6 précédent : 54% de puissance en plus avec 272 ch, 64% de couple supplémentaire avec 640 Nm, 32% plus rapide en accélération et 75% plus silencieux. Il n'y a guère qu'en consommation qu'il fait jeu égal avec son aîné, avec une valeur normalisée de 11,3 l/100. La boîte de vitesse automatique ZF à 6 rapports est celle des modèles V8 essence et le TDV8 emprunte ses freins Brembo au Supercharged de 395 ch.
Sur le papier, on croit rêver. Reste à confronter ces caractéristiques alléchantes au verdict d'un essai in situ, que Land Rover nous a permis d'effectuer dans la région de Barcelone, juste avant le Mondial de l'Auto.
Un sommet du luxe automobile
Plus encore que les autres 4x4, le Range Rover offre une position dominante à son conducteur et ses passagers, et l'impression de sécurité qui en découle est évidente. Les portes se ferment sur ce bruit mat caractéristique des voitures de luxe et isolent les passagers de l'environnement extérieur. A l'intérieur, le cru 2007 s'accompagne de nouvelles attentions qui poussent plus avant le luxe de l'habitacle. Notons les sièges (avant et arrière) chauffants et rafraîchissants, de nouveaux espaces de rangement, une climatisation revue et corrigée qui améliore le flux d'air et diminue le bruit de la ventilation (de 5dbA, plus qu'un détail lorsque l'on sait qu'un écart de 3db donne l'impression subjective d'un niveau sonore double ! ), un système hifi Bose, des écrans vidéo dans les appuis-tête, de nouveaux éclairages d'ambiance indirects...
Insonorisation exemplaire
L'insonorisation des véhicules haut de gamme étant aujourd'hui très poussée, nous avons voulu écouter de l'extérieur le démarrage de ce moteur annoncé si silencieux. Et force est de reconnaître que le ronronnement qu'émet le V8 au démarrage peut induire en erreur. Curieusement, alors que chez les concurrents ce sont les tout premiers instants les plus caractéristiques, ici l'inévitable claquement des moteurs de ce bon vieux Rudolf se devine au bout de quelques instants - mais reste extrêmement discret, à tel point qu'une oreille non avertie ne fera pas la différence. Vécu de l'intérieur, le même est presque inaudible : bravo, voilà un exploit que nous n'avons encore rencontré chez aucun concurrent.
Au volant, le Range reste égal à lui-même : étonnant. Bardé d'aides électroniques en tous genres, ce mastodonte de 2,5 tonnes se conduit comme une petite voiture. Le couple formidable du V8 double turbo (640 Nm à partir de 2000 trs ! ) offre à l'auto une souplesse extraordinaire et permet de rouler sur un filet de gaz, sans à-coups - un bonheur. La boîte auto 6 ZF est une vieille connaissance, dont nous pouvons apprécier les bonnes manières chez Jaguar et sur les Range à essence : irréprochable.
Les mots, cependant, sont un peu limités pour décrire l'atmosphère et les sensations à bord d'un Range Rover, tant le véhicule est différent de tout ce que l'on rencontre par ailleurs. Il en va de même dans une Rolls Phantom ou n'importe quelle supercar, d'ailleurs, mais les tarifs sont tout autres... Quoi qu'il en soit, sauf à être un inconditionnel des sensations fortes pro-
pres aux 4x4 germaniques de pointe, il est difficile de résister aux qualités du Range TDV8 : son luxe cossu et son confort enveloppent ses passagers dans un cocon douillet, et si ses performances sont largement suffisantes pour affoler les radars, ses bonnes manières contagieuses amènent naturellement - et sans effort ! - le conducteur à adopter un rythme coulé, compatible avec la conservation des points de permis. Un avantage, pourrait-on me rétorquer, que partagent les Range V8 et Supercharged. C'est vrai, mais au prix de consommations moyennes de l'ordre de (ou supérieures à) 20 l/100. Là où le TDV8 modère son appétit à une douzaine de litres en usage mixte ville-route.
Les gens de Land Rover ne s'y trompent d'ailleurs pas : ils escomptent vendre 85% de TDV8 en Europe, et 95% en France. Situés dans les plus hautes sphères de la catégorie, ses tarifs le confrontent aux modèles haut de gamme de la concurrence, ce qui n'est pas pour inquiéter la marque qui sait pouvoir compter sur une clientèle aisée et fidèle véhiculant avec elle
l'image d'une marque extrêmement classieuse, et qui ajoute aujourd'hui à son offre une économie d'utilisation sans concurrence à ce niveau. Remarquable !
Yves Denis