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Michel Gardel, un PDG hédoniste chez Toyota

Toyota a le triomphe modeste. La société vient de ravir la première place de constructeur automobile mondial à son concurrent américain, Général Motors. Un titre que la firme de Detroit détenait depuis plus de soixante-quinze ans. S'il en est ravi, Michel Gardel, le PDG français de Toyota et de Lexus France, offre le même profil, discret et mesuré. Rencontre.

Un hédoniste, ouvert sur le monde

Un féroce appétit de vivre, une courtoisie de bon aloi, un contact direct et simple, Michel Gardel croque la vie. Véritable hédoniste, il avoue faire partie des optimistes. Son ami Antoine Hébrard (propriétaire du célèbre annuaire Who's Who et du Bottin Mondain) le qualifie de bon soldat, fidèle en amitié et surtout, qualité rare, de personne fiable. Précurseur dans sa démarche professionnelle, ayant eu très tôt conscience de la mondialisation, Michel Gardel a compris, dès ses débuts, qu'il fallait travailler hors de l'Europe.
Selon lui, c'est Ford, qui l'a forgé aux grandes règles du marketing.

Expériences et savoir-faire au service de Toyota

Son parcours professionnel est révélateur de son ouverture d'esprit. De Ford à Jaguar France (dont il sera directeur général) en passant par BMW (directeur général commercial), RoverFrance SA (Président du Directoire) au sein du groupe BMW, pour arriver chez Fiat France en tant qu'Administrateur délégué et Président, il entre chez Toyota en 2002 au poste de Vice-président directeur Général. Depuis, il a encore gravi un échelon et a été nommé Président Directeur Général de Toyota France et de Lexus.


Pourquoi avoir choisi une carrière dans l'automobile ?

Avant d'arriver dans l'automobile, je suis d'abord passé par la finance, (Société Générale). N'ayant pas été élevé au sein d'une culture automobile, je n'avais pas de prédilection particulière dans ce domaine. 
Mon intérêt pour l'automobile date de mon arrivée chez Ford (80/87). Cette marque a représenté pour moi une grande école de marketing, dont j'ai retenu deux préceptes essentiels. Le premier : "le talent prime". On fait confiance aux jeunes. Peu importe d'où vous venez, seules vos capacités comptent.
L'autre : le "one to two ratio". En clair, une action marketing qui coûte 1 $ doit en rapporter deux.
Deux principes que je me suis toujours efforcé d'appliquer.

Toyota est devenu n°1 mondial, devant Général Motors. En dehors de sa puissance, qu'est-ce qui caractérise la marque aujourd'hui ? Est-ce l'innovation avec les moteurs hybrides et propres, le respect de l'environnement, la sécurité de vos voitures...?

Tout d'abord, je dirais la qualité, puis l'innovation, enfin la philosophie de Toyota, le "Toyota Way". Celle-ci repose sur deux principes culturels, qui sont ce que j'appellerais les deux axes majeurs de l'entreprise : le kaizen, qui signifie  "amélioration continue", avec une recherche sans cesse grandissante de qualité. Et le respect à 360°, vis-à-vis des clients, des employés, des fournisseurs et de toute la communauté en général. Toyota ne néglige aucun détail. Nous avons, par exemple, créé ici au siège de Vaucresson notre "Université Toyota" qui veille à ce que ces principes soient bien compris par l'ensemble de notre réseau.

A quoi attribuez-vous la première place actuelle de Toyota ?

Entreprise de métiers à tisser, à l'origine, donc à manufacturier, Toyota a su en un demi-siècle s'imposer dans le monde entier grâce à des méthodes industrielles et commerciales. Le "zéro défaut",  le "zéro stock" et le "juste-à-temps", ont été inventés par elle. Ses secrets : la valeur travail, l'obsession de la qualité et la persévérance.
Chez Toyota, le "team member" (ouvrier) est valorisé, ses propositions sont écoutées, on favorise son autonomie. Toyota passe d'ailleurs pour le système de production le plus performant à l'heure actuelle. C'est une société qui vise toujours le long terme. Et le fil conducteur tout au long du processus de fabrication, reste la seule satisfaction du client et la qualité intégrante du process.


Vous avez été l'un des premiers à lancer la voiture hybride. Politiquement, allez-vous généraliser cette production ?

Bien entendu. Ces dernières années, nous avons marqué des points supplémentaires en nous forgeant une image " écologique " grâce à notre audacieuse technologie hybride (moteurs thermique et électrique). Il faut savoir que nous avons été les premiers à lancer la voiture de série en 97, et que nous travaillons depuis 1965 sur l'hybride au Japon.Toyota a vendu plus de 300.000 véhicules hybrides l'an passé, alors que la plupart de nos rivaux n'en sont qu'aux balbutiements. La demande est telle qu'à l'heure actuelle, le client doit patienter quelques mois avant d'être livré.
Grâce à la voiture hybride, on diminue la consommation énergétique, les rejets polluants, et les émissions de CO2 .
Ainsi la " Prius " est la voiture la plus propre du monde.

Quels sont, à votre avis, les paramètres clés sur lesquels vont se jouer la prédominance des constructeurs de demain ?

Tout va se jouer sur la maîtrise des coûts et sur la capacité à innover. Il faut limiter les coûts parce que les clients ont des arbitrages multipolaires (enfants, sports, vacances, activités) avec des budgets plus serrés pour l'automobile.
L'innovation est indiscutablement un facteur clé de succès. Enfin, la satisfaction du client est essentielle : celui-ci ne supporte plus les contraintes et souhaite voir se résoudre son problème dans l'immédiat.


Qu'est-ce que le luxe pour Lexus ?

C'est tout sauf l'ostentatoire. Avoir une Lexus, c'est appartenir à un milieu de connaisseurs. Il n'est donc pas nécessaire de s'afficher. Lexus cherche de nouveaux codes plus modernes. Nous proposons un luxe de bon aloi, élégant, raffiné, s'adressant à une clientèle qui n'achète pas une voiture pour l'apparence mais pour ses qualités substantielles et en harmonie avec le corps social, s'agissant de la protection de l'environnement.

En tant que Français est-il difficile de travailler pour un groupe japonais ?

Le mot juste serait "complexe". Il faut savoir connaître les tenants et les aboutissants pour pouvoir naviguer.
Les Japonais ne sont pas spontanément prévisibles -comme nous ne le sommes pas non plus pour eux-, mais ils sont ouverts, pragmatiques et respectent la parole donnée et les délais. Nous travaillons en parfaite intelligence.

Un dernier mot sur Toyota?

La portée de cette pôle position sur le marché automobile mondial va dépasser de loin le seul secteur de l'automobile. Le monopole de l'industrie qui fut d'abord européen au 19ème siècle, puis américain au 20ème siècle, sera sans conteste asiatique au 21ème siècle.







Juin 2007
Par Katya PELLEGRINO
Avec ses marques Toyota, Scion, Lexus, Hino, Daihatsu, le groupe de Nagoya a produit 2,37 millions au premier trimestre 2007 et a en commercialisé 2,35 millions.


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