Paris renoue avec l'Egyptomanie IMA
Partagez le regard d’Art en Thèmes sur l’exposition « Bonaparte et l’Egypte » à l’IMA, revivez une épopée napoléonienne haute en couleur.
Au sortir de l’hiver 1797-98, Bonaparte écrivait à Bourienne, son secrétaire particulier : « tout s’use ici. Je n’ai déjà plus de gloire, cette petite Europe n’en fournit pas assez. Il faut partir en Orient. ». Il partit très vite,enrôlant dans son expédition d’Egypte de 1798 pas moins de 54 000 hommes dont 21 mathématiciens, 13 naturalistes et géographes, 17 ingénieurs, 3 astronomes, 4 architectes, 8 dessinateurs. « Soldats, vous allez entreprendre une conquête dont les effets sur la civilisation et le commerce du monde sont incalculables » harangue-t-il ses troupes à bord du navire qui les conduit à Alexandrie.
Du fiasco militaire à la gloire scientifique
Faute de victoire éclatante, l’armée rapporta en France de précieuses informations. Vivant Denon, de retour de l’expédition, publia un véritable « best-seller » traduit dans la plupart des pays européens. Avec brio, Bonaparte transformait un fiasco militaire en gloire scientifique. Et permettait à la France de renouer avec une égyptomanie qui s’enracinait très profondément en Gaule.
Lors de la conquête de la Gaule en 52 avant JC, les romains importèrent le culte de la déesse Isis que certains légionnaires avaient adopté en Egypte. La légende conte que l’origine même du nom Paris dériverait d’Isis (par Isis). Plusieurs cryptes dans Paris auraient été dédiées à cette déesse égyptienne. La Renaissance renoua avec cette tradition dont quelques traces subsistent encore au château de Fontainebleau.
L’égyptomanie au siècle des Lumières
Plus tard, à la cour de Louis XIV, Molière citait les colosses de Memnon tandis que Lully dédiait un opéra à Isis. Le Globe terrestre réalisé par Coronelli (en exposition permanente à la Bibliothèque nationale) et offert à Louis XIV, plaçait en plein cœur de l’Afrique une pyramide aux proportions hasardeuses.
Marie Antoinette reine de France encourageait cette vogue en commandant un mobilier « dans le goût égyptien ». La mode se propageait en Europe. En 1791 Mozart ouvrait son opéra « la flûte enchantée » par le chœur des prêtres d’Isis et Osiris. En ce siècle des Lumières, l’égyptomanie répondait au spirituel…
Un face à face
Bonaparte relança cette mode jusqu’alors nourrie des récits romanesques et quelque peu fantaisistes des voyageurs. Cette frénésie d’études dévoila alors une Egypte réelle et non plus fantasmée.
L’Institut du Monde Arabe retrace, à travers plus de 300 œuvres, l’histoire de cette fascination réciproque : peintures de Gérome immortalisant Bonaparte - et bientôt Napoléon - devant le Caire, de Lejeune et de Gros décrivant la bataille d’Aboukir. Cartes, planches en couleurs, relevés d’architecture, copies de hiéroglyphes qui permettront plus tard le déchiffrement par Champollion de la pierre de Rosette. Et, fleurons de cette mode « à l’égyptienne » qui gagne toute l’Europe, la vaisselle en porcelaine de Sèvres réalisée pour Joséphine, le mobilier…
En Egypte, ce face à face déterminera des avancées technologiques considérables. Ainsi de l’installation d’une Imprimerie nationale publiant en deux langues (français et arabe) documents administratifs, affiches et les deux premiers périodiques édités en Egypte.
Le creusement du canal de Suez (1859-69), plus tard, resserra encore ces liens ancestraux…
Octobre 2008
Par Damienne Schilton