Pour faire le portrait... d'un Humain
Exercice délicat que celui du portrait, et qui nécessite certes autant de subtilité et de patience que pour réaliser celui de l’oiseau de Prévert. Patrick Rimond a pris le risque : pari réussi. Sous l’apparence d’une neutralité qu’on dirait quasi « clinique », c’est un fascinant dialogue qui se noue entre le regard du modèle et celui de l’artiste.
Troublant jeu de miroir
On dirait qu’il s’est planté là, qu’il a planté son regard dans l’autre pour l’atteindre dans sa nudité. Patrick Rimond nous livre des portraits sans fard, qui ne sont pas sans évoquer ces plans fixes, troublants face-à-face vus dans « Le Grand Silence » de Philip Gröning. Le summum de l’art n’est-il pas dans le dénuement, dans cette impression de simplicité, de facilité ? Combien de temps pour plonger ainsi au fond d’un regard, aux tréfonds d’un être ? Combien de temps pour la rencontre ?
Le regard de l'autre : un fascinant mystère
De l'Asie à la vieille Europe, itinéraire d'un photographe
Patrick Rimond signe ici un ouvrage qui s’inscrit dans la continuité d’un parcours artistique déjà riche. Du Japon où il a vécu, il rapportait déjà en 2004 de singuliers portraits d’une grande force, personnages croisés dans les rues de la ville – « Urban Beings » -, mais aussi des fragments de poésie urbaine saisissants : bâtiments industriels, autoroutes ou canaux, tous sujets a priori austères voire hostiles, qui nous parlent pourtant d’une invisible mais très prégnante humanité. S’il n’y a rien d’ostensiblement « orientalisant » et démagogique dans le travail de Patrick Rimond, il évoquera sans doute à certains la dialectique du plein et du vide – ce « Vide Médian » dont parle François Cheng. Il faut prendre le temps d’entrer dans ces instants arrêtés, de s’approprier un peu ce regard qui reste, avant tout, une invitation à la rencontre.
Gwenola Lemoine
Septembre 2010