Merveilleux Pantanal, de fleurs et d'eau
Irisant de bleu et de vert les plateaux de l'Ouest brésilien, le Pantanal est considéré comme la plus grande zone humide au monde. Découverte avec Luxe-magazine.com.
Il est à peine 6h du matin...
Il a le visage buriné par le vent, une démarche chaloupée et une gueule d’ange sortie tout droit d’un film de SergioLeone. Prenant appui sur ses étriers, la main gauche sur sa cuisse, caressant de la droite son étalon, CarlosRamonSanchez, notre guide, scrute la rivière sous un ciel rose-orangé, montrant du doigt une famille de singes hurleurs qui jouent à cache-cache dans les branches tandis que deux rapaces se lancent dans un ballet acrobatique ponctué de piqués vertigineux vers les eaux grouillantes de vie.
Protéger en payant
«Bienvenue au Pantanal !» s’écrie Carlos qui aurait certainement été fermier s’il n’avait croisé la route d’André Thuronyi, un ancien homme d’affaires d’origine hongroise qui, frappé par la beauté des lieux, se lança dans l’écotourisme il y a une dizaine d’années. Coiffé d’un chapeau à la « crocodile dundee », l’homme est parvenu à conscientiser la population locale sur la nécessité de préserver cet immense territoire gorgé de vie. Il nous accueille à bras ouverts au retour de notre première sortie chahutée par la pluie. «J’ai commencé par rémunérer les habitants de la région pour qu'il n'y ait plus de braconnage sur mes terres, explique-t-il en sirotant son café noir. Ils ont ensuite compris que la protection de la faune et de la flore pouvaient leur rapporter de l’argent. Les hommes ont alors arrêté de faire brûler la végétation et de chasser à tout va». S’en est suivie la construction de l’Araras Eco Lodge qu’André Thuronyi a construit de ses propres mains et dans lequel ont trouvé refuge de nombreuses espèces d’oiseaux dont les magnifiques aras bleus au plumage bleu électrique.
Un tableau vivant
C’est que la région est menacée par l’activité humaine et en particulier par les planteurs de soja et les éleveurs de bovins qui défigurent la plaine en déboisant les bords des marais et des étangs. Difficile d’ailleurs de balayer du regard le paysage sans tomber sur l’une ou l’autre machine agricole aux dents redoutables et acérées. Une véritable épine dans le pied du Pantanal qui abrite une faune et une flore exceptionnelle en raison de son climat et de sa situation géographique si particulière. En été, d’octobre à mars, la région est inondée tandis qu’en hiver, les eaux baissent et la terre réapparaît, laissant place à un nombre incalculable de petites mares et d’étangs.
Des milliers d’espèces
Un véritable paradis naturel qui abrite près de 230 espèces de poissons alors que sur les branches et dans le ciel tournoient ibis, aigrettes, perruches, faucons et autres cigognes. «Nous avons aussi des jaguars, des pumas, des fourmiliers et beaucoup d’autres mammifères», se réjouit André Thuronyi qui voit ici ses efforts récompensés. Un miracle quand on sait que dans les années soixante, plusieurs routes ont été construites dont la très célèbre Transpantaneira le long de laquelle se sont installés près de 6000 fermiers dont les plus riches détiennent jusqu'à 100 000 hectares de terre arrachées au Pantanal. Dans cette région, l’écotourisme devrait permettre de préserver une partie du territoire et de limiter la déforestation, mais il faudrait des dizaines d’André Thuronyi pour conserver une infime chance de voir, dans les décennies à venir, des jaguars chasser le cerf ou des aras bleus se livrer, dès la tombée du jour, à d’incroyables démonstrations de vol synchronisé.
Cédric Evrard