Florence Coiffard, une jeune femme dans le vin
A 28 ans, Florence Coiffard décide de créer son entreprise en tant qu'agent commercial pour des petits domaines viticoles de grande qualité. A l'aube de ses 30 ans, elle témoigne. "Mon métier me rend heureuse".
Une jeune femme dans le vin...
L'apparence de cette jeune femme à l'élégance sobre et soignée peut laisser penser qu'elle n'a pas dû entrer facilement dans ce monde aux ceps noueux et aux caves obscures... Erreur : "Je n'ai pas le sentiment qu'être une femme dans le vin puisse être une difficulté. Je ne pense pas non plus qu'il soit un atout. Aujourd'hui, de nombreuses femmes ont fait leur place dans le monde du vin, qu'il s'agisse de le production ou de la vente. Peut-être, était-il plus difficle de s'imposer dans le monde de la production il y a quelques années, mais aujourd'hui, les femmes aussi ont prouvé leur talent de vigneron ! Quant à la vente, je ne suis pas la première, loin de là! Je pense notamment à deux grandes dames du vin, Françoise Vade-Felon et Danièle Gérault : elles sont aussi agents et oeuvrent depuis des années pour la mise en valeur de vins de qualité.
On communique peut-être davantage en ce moment sur les femmes et le vin mais je ne pense pas qu'il s'agisse d'un simple phénomène de mode."
La culture du bon vivre
Florence Coiffard a mis le pied dans le monde du vin en 1994 en préparant un BTS technico-commercial Vins & Spiritueux dans le val de Loire, puis a reçu une formation en logistique internationale, complétée plus tard par un diplôme de Gestion à l'ESCP Sup de Co Paris.
"On peut dire que le choix du vin a été très personnel à l'époque. Aucune hérédité sociale ne me prédestinait à ce secteur, mais plutôt à celui du cuir, peut-être de la maroquinerie de luxe. J'ai choisi le vin par goût. La seule influence familiale serait peut-être la culture du bon vivre, des repas de famille, et mon parrain vivant en Angleterre, collectionneur de grands vins de Bordeaux. Petit à petit, j'ai découvert un monde passionnant qui réunit les personnes de tout horizon."
Mettre en scène le vin
Un parcours professionnel assez atypique mais toujours fidèle au monde du vin. Depuis 1997, elle a travaillé dans différentes entreprises à des postes très variés, allant de la logistique d'importation en Allemagne, au marketing produit, à l'événementiel, en passant par le traiteur de luxe, pour atteindre le développement de marchés à l'export.
"Je suis ravie d'être revenue à des choses plus simples, plus vraies me semble-t-il, même si cela peut paraître réducteur d'avoir aujourd'hui une vision franco-française ! L'export à quelque chose d'enivrant, tous ces voyages, ces aéroports, ces cultures, ces rencontres, mais cela me paraît plus superficiel en terme de rapports humains. Et lorsque l'on gère des contrats importants, on peut très vite oublier le produit, et ne s'en tenir qu'à des considérations purement mercantiles.
Aujourd'hui, j'ai le sentiment d'entretenir avec mes clients des relations plus humaines, plus simples, et de mettre véritablement le produit et le producteur en avant. Et tout mon plaisir est là : Mettre en scène le vin.
C'est ce qui manque parfois au marché français et aux petits producteurs qui n'ont pas nécessairement les bons réflexes de communication. Pour revenir à l'étranger, je ne dis pas que je ne développerai pas un jour mon activité vers les vins étrangers, mais j'aurai alors la même approche et je travaillerai avec des petites structures, à taille humaine, des petits producteurs qualitatifs, en cohérence avec la taille de ma minuscule structure! "
"Un produit de luxe ne se mesure pas à son prix mais à son authenticité"
Aujourd'hui, ses efforts se concentrent sur les produits français, dont elle a envie de porter haut les couleurs. "Ils méritent toute notre attention. Je suis fière de représenter des vignerons passionnés et vrais, qui réalisent chaque année une petite production pointue et qui régale nos clients".
Parmi plusieurs souvenirs professionnels, Florence retient celui-ci : "Un de mes plus beaux souvenirs professionnels reste l'organisation d'une vente aux enchères à Monaco en présence du Prince Albert, des cognacs Guy Lhéraud. Cette famille me fascine. J'ai appris à leurs côtés, et surtout au côtés de Madame Lhéraud, une femme extraordinaire, qu'un produit haut de gamme dit de luxe ne se mesure pas à son prix mais à son authenticité, à son histoire, à l'émotion qu'il procure. Je suis très heureuse que la maison Lhéraud m'ait confié la distribution de leurs merveilleux cognacs sur le marché parisien."
Le choix de "ses" vins
La force de cette jeune femme passionnée est de laisser jouer son intuition et ses sentiments lorsqu'elle choisit "ses" vins, qu'elle représente à Paris. "Au tout début, j'ai pris ma décision sur un coup de coeur avec les vins de la Coume del Mas, vinifiés par Philippe Gard. Il n'avait aucune distribution sur Paris. Je suis descendu à Banyuls pour gouter l'ensemble de sa production en Collioure et Banyuls et bien entendu pour rencontrer l'homme. Ensuite, j'ai eu cette même démarche pour compléter ma gamme sur d'autres vignobles de France pour arriver aujourd'hui à 11 domaines sur 7 régions viticoles.
L'exception reste les Cognac Lhéraud que je connais depuis 1998. La représentation sur Paris s'est imposée comme une évidence, j'entretiens avec toute la famille une amitié profonde.
Pour les "nouveaux", je m'impose une procédure, qui finalement est tout à fait naturelle : tout d'abord goûter sur échantillon, une ou deux fois si possible, et si le vin me plaît, discuter avec le vigneron pour en savoir plus sur sa vision des choses, sa situation commerciale sur le marché parisien et ses objectifs. Puis je descends le rencontrer."
"L'humilité du vigneron face à son travail m'émeut"
C'est peut-être là le plus déterminant, il est essentiel de créer une rencontre sur le lieu de production, c'est là que l'on mesure toute la dimension du vin produit.
Il faut toujours le remettre dans son contexte, connaître le parcours du vigneron, l'entendre exprimer ses convictions, ses doutes. Je regarde les gestes, les attitudes. J'écoute les paroles. L'humilité du vigneron face à son travail m'émeut, il suffit parfois de peu de mots mais des mots justes, qui transpirent le vrai, pour que j'ai envie de défendre son travail, ses vins.
Je demande aussi à aller faire un tour dans les vignes, c'est bien souvent là que le vigneron se dévoile. Et pour le connaissance du vin, le discours futur auprès du client, c'est essentiel.
Une "découvreuse"
Florence Coiffard a la conviction qu'il y aura toujours une place pour les vins de qualité, les vins de petits propriétaires, les vins qui trouvent leurs place dans la différence. Elle recherche non seulement la qualité du vin mais aussi celle des hommes, qui sont toujours en correspondance : "Je réalise que le choix est souvent un choix humain, et vice versa, je suppose, pour le vigneron, car il faut qu'une vraie relation de confiance s'installe dès le début. J'aime travailler avec les personnes saines d'esprit. J'ai refusé de nombreuses propositions, soit parce que les vins ne répondaient pas à mes attentes, soit parce qu'humainement, il ne semblait pas y avoir une appréciation réciproque, une vision commune, ni une confiance mutuelle.
L'autre constat dans l'analyse de mes choix, est que je préfère prendre en charge la représentation d'un domaine qui n'est pas encore connu ou peu sur le marché parisien. Certes, la tâche est moins aisée, mais le challenge tellement intéressant."