Jean François Piège, chef Haute Couture et créateur d'émotions
Un parcours royal !
Enfant, sa passion du jardinage le conduit à aimer la cuisine. De là un stage chez le Chef Jacques Manière le marque définitivement, puis ce sera l'école hôtelière à Tain l'Hermitage. Enfin des rencontres essentielles jalonnent sa carrière : De Bruno Cirino (chef du Château Eza à Eze) à Christian Constant (Crillon) en passant par Alain Ducasse ( de 1992 à 2004). Il sera chef d'Alain Ducasse au Louis XV (Monaco) puis toujours son chef au Relais du Parc , enfin au Plaza Athénée ( 3 étoiles en 2001), puis 2004 le verra arriver aux commandes du restaurant "Les Ambassadeurs" à l'hôtel Crillon (2 étoiles).
Il est consacré chef de l'année aussi bien par les guides Pudlo et Champérard en 2005 que par le Gault Millau en 2007. La télé s'empare de lui en 2008 avec, "un dîner presque parfait" sur M6, suivi de l'ouverture de la Brasserie Thoumieux. Enfin Top Chef en 2010, élu chef de l'année par ses pairs (6000 chefs) et couronné de 2 étoiles en 2011 pour son restaurant Jean-François Piège (Thoumieux) !
Un parcours presque parfait !
Vous avez travaillé entre autres, au Plaza Athénée, au Crillon, puis vous avez fait le choix de suivre votre propre chemin en créant votre "MaisonThoumieux" en 2009. Qu'est-ce qui vous a poussé à tourner le dos aux Palaces ?
Ces expériences dans les palaces m'ont formé, mais ma cuisine est une expression de ma liberté et de mon ADN. Cuisiner, c'est le ressenti d'un instant "T". C'est pourquoi à un moment j'ai voulu me libérer pour pouvoir m'exprimer sans contrainte. C'est ainsi qu'en 2009, j' ai décidé de choisir un autre chemin en reprenant avec Thierry Coste la Brasserie Thoumieux (l'ancien Bouillon Chartier) racheté par Martial Thoumieux en 1923. Je cherchais un endroit à taille humaine, une maison où recevoir chez soi.
C'est ainsi que je me suis lancé dans cette aventure mûrement réfléchie (en accord avec mon épouse Elodie) afin de créer non plus une cuisine de palace mais une cuisine d'auteur. Exprimer sa propre cuisine, c'est une responsabilité , la capacité à agir directement sur ce que l'on a envie de produire. Ce que j'appellerais "le circuit court" et non le court-circuit (rire !)
Qu'est ce qui est fondamental pour vous ?
En premier, aimer les autres pour savoir donner à mes clients. Puis être attentif à la qualité du produit que l'on choisit. Sélectionner tous les ingrédients auprès des petits producteurs français.
Enfin partager sa passion. Savoir qu'il n'y a jamais de fin, qu'il faille se renouveler sans cesse, en étant à la recherche constante de la qualité est mon moteur.
En quoi votre devise "pour que rien ne change, il faut que tout change" (tiré du film le Guépard) vous booste-t-elle ?
C'est l'état d'esprit dans lequel j'aime être ainsi que celui de mes collaborateurs. Ma certitude c'est que pour réussir, il faut toujours douter.
Comme nous proposons une cuisine d'auteur, il faut de la constance et surtout prendre du plaisir. Se remettre en cause c'est mon credo ! Rien n'est jamais acquis, on peut toujours faire mieux !
Que souhaitez vous apporter à votre maison ?
Tout d'abord je voulais apporter un concept différent avec une cuisine d'auteur. Avec une cuisine ouverte sur la salle à manger qui favorise l'instantanéité de la préparation, le partage et le lien avec les clients.
Créer un lieu où l'on se sente comme chez soi. Un endroit confortable et cosy, conçu comme un appartement chic, plutôt que comme un restaurant. Au départ je souhaitais trouver une maison à la campagne, finalement ce fut la campagne à Paris. Pour le décor, j'ai fait appel à India Madhavi, une experte en mixage des styles et des couleurs, qui est dans le confort visuel et travaille avec des artisans français. Une architecte avec qui je me sens en osmose et qui a compris mon idée. Pour le restaurant, nous avons choisi le style des années 40, notes claires, vert céladon, touches d'or mat, mobilier aux lignes pures.
Enfin je voulais, en accueillant les clients, des tables sans nappe au départ, souhaitant donner une vision d'une maison où je reçois chez moi. Ainsi nous ne rentrons pas dans un restaurant mais chez des amis.
Et quel est le langage de votre cuisine ?
N'oublions pas que chaque lieu a son histoire et sa cuisine. Je ne voulais plus tenir un langage de palace, avoir une posture, mais tenir mes propos. Avoir une cuisine d'auteur tout en servant le meilleur au meilleur prix, avec des propositions différentes , sans avoir de plats uniques, n'étant pas à l'aise dans cette formule.
Ainsi je suggère 6 produits du jour, qui n'engagent que moi, que je cuisine ensuite devant mes clients. Noix de St Jacques de plongée, langoustines vivantes, bar de ligne, riz de veau, bœuf .... Des produits exclusivement français bien sûr !
Dès que le client est assis, pour réduire le temps d'attente, je propose des "grignotages" qui remplacent le pain servi habituellement au début de repas. A savoir des bouchées détournées où l'on retrouve pourtant toutes les saveurs des produits, puis des hors-d'œuvre, les plats , fromage et desserts (4).
En quoi marquez-vous votre différence ?
Pour moi le concept Thoumieux est un endroit de vie, de rencontres, une destination plaisir. Je construis ma façon de penser, de cuisiner, en suivant les difficultés de l'auteur. Car recevoir chez soi se façonne avec le temps et les rencontres. Nous souhaitons surprendre les clients en leur créant des surprises. C'est pour cela que j'organise et orchestre le repas à ma façon pour apporter de l'émotion, un ton juste et un équilibre.
Ce qui explique les grignotages dès leur arrivée, puis le choix entre les 6 produits, enfin les hors-d'œuvre..
Comme j'accompagne le client tout au long au long du repas, je peux avoir des plats plus "punchy et équilibrés", ensuite vient le billot sur lequel je pose des fromages uniques et différents de François Bourdon enfin le feu d'artifice avec 4 desserts ! Le tout servi par des serveurs habillés de jeans baskets Lanvin, attentifs mais décontractés.
Vos plats sont comme des tableaux, délicats, colorés et gais . On dirait de la dentelle ! D'où vous vient l'inspiration ?
Je pars d'une façon de manger ou d'une rencontre. Car la créativité vient en me nourrissant de toutes les façons possibles. J'aime me mettre en danger en ne me servant pas de ma technique, mais en me mettant en phase de création.
Pourquoi avoir choisi de participer à Top Chef ?
En 2007 j'ai commencé à participer à "un Dîner presque parfait" (M6) qui a eu beaucoup d'audience. Ce fut fun et j'ai aimé ce principe. Lorsque j'ai été approché par Master Chef, j'ai finalement choisi Top Chef, qui se passait également sur M6. Nous avons 2 jours de tournage, pour l'ensemble des émissions. Nous ne morcelons donc pas nos interventions, tout est minutieusement préparé.
Sur place, je pars très peu d'une recette, plutôt d'un moment, de la localisation d'un produit. En fait, ce qui m'anime c'est la passion de vivre la cuisine !
Vous avez eu 2 étoiles en 2011 pour votre restaurant gastronomique. Qu'est ce que cela a changé pour vous ?
Ce fut un vrai bonheur ! C'est aussi une récompense pour les collaborateurs . Ces 2 étoiles consacrent les hommes dans une maison et cela définit ce que l'on vient chercher chez nous.
Y a-t-il des "pièges" dans votre cuisine ?
Oui, mais uniquement pour servir les propos du plaisir et de l'émotion. Je ne suis plus dans la posture mais dans l'histoire !
Quels sont vos projets ?
Ma fameuse boîte à œufs conçue avec l'ébéniste de la rue St Dominique, qui me la crée en 10 exemplaires numérotés. Elle est destinée à servir de la crème aux œufs à la bergamote, avec des pots d'une finesse incroyable du vaisselier belge Pieter Stockmans et 4 cuillères du céramiste Jars, une fiole d'extrait de bergamote et la fameuse recette. Le coût sera environ de 1500 €. J'ai aussi l'ouverture d'une pâtisserie, qui sera conçue de la même façon que mes grignotages, avec des produits retravaillés.