Balenciaga magicien de la dentelle
Plein succès et prolongation pour l’exposition « Balenciaga magicien de la dentelle ». Encore à Calais jusqu’au 27 septembre, elle sera reprise en Espagne d’avril à septembre 2016 au musée Balenciaga situé à Getaria, joli port de la côte basque espagnole où est né Cristobal Balenciaga.
Cité internationale de la dentelle et de la mode de Calais
Thème inédit
L'expo joue les prolongations jusqu'au 27 septembre
Balenciaga et la dentelle : une longue histoire que la Cité internationale de la dentelle et de la mode de Calais se plait à mettre en vedette le temps d’une très belle exposition initiée à l’occasion des 120 ans de la naissance du grand couturier Cristobal Balenciaga.
La scénographie de cette exposition intelligente et didactique mise en place par Catherine Join-Diéterle, développe un thème qui n’avait jamais été abordé : la place de la dentelle dans l’œuvre du couturier d’origine espagnole. Celle-ci est grande : Cristobal Balenciaga (1895-1972) a voué tout au long de sa vie, une véritable passion à la dentelle.
Cristobal Balenciaga dans sa maison de couture à Paris
Cette exposition au thème inédit réunit des pièces parisiennes, mais aussi, et c’est un de ses points forts, de nombreuses tenues créées dans ses trois maisons espagnoles de Saint-Sébastien, Madrid et Barcelone. Les 18 pièces concernées sont griffées EISA Costura en référence au nom de sa mère Martina Eisaguri. En effet le couturier avait l’habitude de choisir dans sa production parisienne, des toiles que réalisaient ensuite ces trois maisons.
On retrouve dans cette exposition les grandes caractéristiques de l’art du couturier salué dès sa première collection parisienne en 1937 : rigueur, perfection du travail, coupe magistrale, sens des couleurs vives ou nuancées mais différentes de celles employées alors en France et une certaine théâtralité qui relie sa création à l’Espagne.
Un parcours tout en dentelle
Le cheminement de vitrines en vitrines à la fois chronologique et thématique permet de découvrir 75 tenues, des accessoires ainsi que des photographies et des croquis d’atelier.
Trois pièces rares faites en Espagne avant l’arrivée du couturier à Paris en 1936, ouvrent l’exposition. La plus ancienne, jamais exposée en France, est une robe courte du soir datée de 1927 environ, qui illustre l’influence de deux grands noms de la couture française de l’époque sur le jeune espagnol ; la technique du tulle plein rappelle le travail de Madeleine Vionnet et le volume les robes de style de Jeanne Lanvin.
Robe du soir 1927. Le tulle surpiqué , les plis inversés rappellent des modèles de Madeleine Vionnet.
Loin d’être cantonnée à la lingerie, comme c’est plutôt le cas aujourd’hui, la dentelle de Calais est utilisée par Balenciaga pour des tenues allant du matin au soir, montrant des types de dentelles que l’on ne connaît plus : dentelle de laine, dentelle « créponnée », tissage d’entre-deux fronçés de Valenciennes. Dans les années 30, la mode en matière de dentelle est aux motifs « vermicelles » très fins.
Robe de cérémonie à col tailleur d 'inspiration espagnole. 1947
Dans les années 50, Balenciaga crée d’exceptionnelles robes gitane. Les broderies en relief d’inspiration torero (1947) apportent une note différente dans ces robes du soir courtes qui remettent à l’honneur un style de robe tant appréciée dans les années 20, de sorte qu’il est parfois difficile de les différencier de la tenue de cocktail. Quant aux cérémonies, elles sont représentées par deux modèles. L’un court, fait en Espagne, est en soie recouverte de dentelle bleue brodée. L’autre est une robe longue où chaque bouquet de roses est encadré de plis en relief : les plis détachés formant un cadre mouvant aux bouquets de fleurs stylisés.Deux robes de mariées sont l’apothéose de ces tenues d’exception.
Le couturier aimait la forme tunique assortie ici, d'un panty évoquant le pantalon d'un torero.
Combiner avec bonheur les textiles à la dentelle
Balenciaga qui aimait les robes droites, crée aussi des tuniques qui laissent dépasser un panty évoquant également la tenue du torero.
L’originalité du couturier tient aussi à la façon dont il souligne la transparence et la légèreté de la dentelle : l’effet vaporeux et mousseux a un charme fou. Parfois, au contraire, il emploie une dentelle à larges motifs rebrodés qui, en perdant sa transparence, rappelle la dentelle dite « duchesse » fort prisée à la fin du 19 ème siècle.
Les manches et les plastrons mettant la dentelle en délicat écran sur la peau nue sont aussi très présents avec, sur certains modèles, des effets à transformation : écharpes en dentelles qui cachent à demi les épaules mais sont rattachées au corsage pour libérer les mains.
Rien n’est alors plus gracieux que ces pans librement drapés en bordure du décolleté et qui accompagnent avec légèreté les mouvements. Cela va jusqu’à la manche amovible ou même le châle manche mantille qu’il utilisa entre 1939 et 1949.
Charme des baby dolls
La baby-doll créée pour la première fois en 1957, sera très prisée dans les années 60.
Très souvent les dentelles sont retravaillées. Au cours des années 50, elles sont peintes à la main, brodées de fils de couleurs, de cordonnets ou de fins rubans dites « comètes », de strass et de perles, parfois même de paille et de rafia.
Les robes de cocktails à tunique cèdent la place dans les années 60/65 au style petite fille avec de ravissantes robes baby-doll. C’est en 1957 que Balenciaga conçoit sa première robe baby-doll qu’il reprend 7 ans plus tard. Elle peut avoir des manches ballons ou, au contraire, être bustier mais elle se termine toujours pas un haut volant.
Il est difficile d’imaginer le rôle joué avant 1968 par la robe noire dans la garde-robe féminine. Taillées dans la dentelle, ces tenues acquièrent alors une grâce incomparable. En outre, le couturier s’emploie à créer un noir profond défini souvent comme «espagnol».
Le fond en soie de cette robe de cocktail est terminé par deux volants et recouvert par une tunique.1967.
Vêtements bijoux
Au tournant des années 50/60, vestes et boléros rencontrent un grand succès. Leurs broderies les transforment en vêtements bijoux portés avec des robes du soir très simples. Le brodeur Lesage a imaginé pour l’un deux une composition en bandes horizontales à motifs de guirlandes de fleurs sur fond de soie alternant avec des feuilles de vigne et des grappes de raisin brodées sur le tulle noir, d’une construction si légère que les raisins semblent flotter. La princesse de Monaco et la comtesse Mona von Bismarck ont rendu célèbre ce magnifique boléro crée en 1959, moins typé « espagnol » que les modèles des années 40.
célèbre boléro du soir brodé par Lesage. 1959.
Huit robes de gala ou de grand soir mettent en valeur l’art consommé de la coupe dont faisait preuve Balenciaga avec plusieurs modèles à la taille basculée qui créent une silhouette aussi belle que dynamique en rehaussant la taille devant et en la descendant légèrement dans le dos, obtenant ainsi une courbe au profil doux et très élégant.
L’exposition s’achève par une série de sept pièces des années 60, extraordinaires, non par leur coupe somme toute assez simple, mais par leurs broderies.
Bustier d'une robe du soir mi-longue, tulle rosé brodé de paillettes roses, rubis et plumes d'autruche blanches. 1953.
L’âge d’or de la dentelle de Calais
Ainsi pendant plus de 20 ans, de l’après-guerre à la fermeture de ses maisons en 1978, les clientes du couturier, parisiennes mais aussi européennes et américaines, sont elles revêtues de dentelle de Calais réalisées sur d’énormes métiers à tisser portant le nom de leur inventeur, l’anglais Leavers.
Robe du soir en dentelle. Photographie de Henry Clarke pour Vogue en 1951.
Ils passeront la Manche à partir de 1816, donnant naissance à une activité dentellière florissante. Nombre de modèles arborent des dentelles de la célèbre maison Marescot, un des plus réputés denteliers de la place de Calais de l’après-guerre, mais aussi Dognin ou Brivet. Ce savoir-faire reconnu se poursuit jusqu’à aujourd’hui : les mètres de dentelle de la robe de mariée de Kate Middleton, duchesse de Cambridge, ont été tissé sur de tels métiers par la maison Sophie Halette.
Pari réussi donc, pour la Cité internationale de la Dentelle et de la Mode de Calais qui s’illustre avec brio dans sa mission première, à savoir rendre compte des liens unissant la dentelle et la mode au-delà de nos frontières. Comme le prouve encore la suite puisque l’exposition sera reprise au musée Balenciaga de Getaria, petit port du pays basque espagnol où le couturier est né et repose à jamais, d’avril à septembre 2016, selon une configuration identique, à l’exception d’une quinzaine de pièces jugées trop fragiles pour affronter à nouveau quelques mois d’exposition ; sans dommage pour les visiteurs car le fond très riche du musée ouvert depuis 2011 permettra de proposer d’autres modèles illustrant cette même passion du créateur pour la dentelle.
Musée Balenciaga à Getaria
Thème inédit
L'expo joue les prolongations jusqu'au 27 septembre
Balenciaga et la dentelle : une longue histoire que la Cité internationale de la dentelle et de la mode de Calais se plait à mettre en vedette le temps d’une très belle exposition initiée à l’occasion des 120 ans de la naissance du grand couturier Cristobal Balenciaga.
La scénographie de cette exposition intelligente et didactique mise en place par Catherine Join-Diéterle, développe un thème qui n’avait jamais été abordé : la place de la dentelle dans l’œuvre du couturier d’origine espagnole. Celle-ci est grande : Cristobal Balenciaga (1895-1972) a voué tout au long de sa vie, une véritable passion à la dentelle.
Cristobal Balenciaga dans sa maison de couture à Paris
Cette exposition au thème inédit réunit des pièces parisiennes, mais aussi, et c’est un de ses points forts, de nombreuses tenues créées dans ses trois maisons espagnoles de Saint-Sébastien, Madrid et Barcelone. Les 18 pièces concernées sont griffées EISA Costura en référence au nom de sa mère Martina Eisaguri. En effet le couturier avait l’habitude de choisir dans sa production parisienne, des toiles que réalisaient ensuite ces trois maisons.
On retrouve dans cette exposition les grandes caractéristiques de l’art du couturier salué dès sa première collection parisienne en 1937 : rigueur, perfection du travail, coupe magistrale, sens des couleurs vives ou nuancées mais différentes de celles employées alors en France et une certaine théâtralité qui relie sa création à l’Espagne.
Un parcours tout en dentelle
Le cheminement de vitrines en vitrines à la fois chronologique et thématique permet de découvrir 75 tenues, des accessoires ainsi que des photographies et des croquis d’atelier.
Trois pièces rares faites en Espagne avant l’arrivée du couturier à Paris en 1936, ouvrent l’exposition. La plus ancienne, jamais exposée en France, est une robe courte du soir datée de 1927 environ, qui illustre l’influence de deux grands noms de la couture française de l’époque sur le jeune espagnol ; la technique du tulle plein rappelle le travail de Madeleine Vionnet et le volume les robes de style de Jeanne Lanvin.
Robe du soir 1927. Le tulle surpiqué , les plis inversés rappellent des modèles de Madeleine Vionnet.
Loin d’être cantonnée à la lingerie, comme c’est plutôt le cas aujourd’hui, la dentelle de Calais est utilisée par Balenciaga pour des tenues allant du matin au soir, montrant des types de dentelles que l’on ne connaît plus : dentelle de laine, dentelle « créponnée », tissage d’entre-deux fronçés de Valenciennes. Dans les années 30, la mode en matière de dentelle est aux motifs « vermicelles » très fins.
Robe de cérémonie à col tailleur d 'inspiration espagnole. 1947
Dans les années 50, Balenciaga crée d’exceptionnelles robes gitane. Les broderies en relief d’inspiration torero (1947) apportent une note différente dans ces robes du soir courtes qui remettent à l’honneur un style de robe tant appréciée dans les années 20, de sorte qu’il est parfois difficile de les différencier de la tenue de cocktail. Quant aux cérémonies, elles sont représentées par deux modèles. L’un court, fait en Espagne, est en soie recouverte de dentelle bleue brodée. L’autre est une robe longue où chaque bouquet de roses est encadré de plis en relief : les plis détachés formant un cadre mouvant aux bouquets de fleurs stylisés.Deux robes de mariées sont l’apothéose de ces tenues d’exception.
Le couturier aimait la forme tunique assortie ici, d'un panty évoquant le pantalon d'un torero.
Combiner avec bonheur les textiles à la dentelle
Balenciaga qui aimait les robes droites, crée aussi des tuniques qui laissent dépasser un panty évoquant également la tenue du torero.
L’originalité du couturier tient aussi à la façon dont il souligne la transparence et la légèreté de la dentelle : l’effet vaporeux et mousseux a un charme fou. Parfois, au contraire, il emploie une dentelle à larges motifs rebrodés qui, en perdant sa transparence, rappelle la dentelle dite « duchesse » fort prisée à la fin du 19 ème siècle.
Les manches et les plastrons mettant la dentelle en délicat écran sur la peau nue sont aussi très présents avec, sur certains modèles, des effets à transformation : écharpes en dentelles qui cachent à demi les épaules mais sont rattachées au corsage pour libérer les mains.
Rien n’est alors plus gracieux que ces pans librement drapés en bordure du décolleté et qui accompagnent avec légèreté les mouvements. Cela va jusqu’à la manche amovible ou même le châle manche mantille qu’il utilisa entre 1939 et 1949.
Charme des baby dolls
La baby-doll créée pour la première fois en 1957, sera très prisée dans les années 60.
Très souvent les dentelles sont retravaillées. Au cours des années 50, elles sont peintes à la main, brodées de fils de couleurs, de cordonnets ou de fins rubans dites « comètes », de strass et de perles, parfois même de paille et de rafia.
Les robes de cocktails à tunique cèdent la place dans les années 60/65 au style petite fille avec de ravissantes robes baby-doll. C’est en 1957 que Balenciaga conçoit sa première robe baby-doll qu’il reprend 7 ans plus tard. Elle peut avoir des manches ballons ou, au contraire, être bustier mais elle se termine toujours pas un haut volant.
Il est difficile d’imaginer le rôle joué avant 1968 par la robe noire dans la garde-robe féminine. Taillées dans la dentelle, ces tenues acquièrent alors une grâce incomparable. En outre, le couturier s’emploie à créer un noir profond défini souvent comme «espagnol».
Le fond en soie de cette robe de cocktail est terminé par deux volants et recouvert par une tunique.1967.
Vêtements bijoux
Au tournant des années 50/60, vestes et boléros rencontrent un grand succès. Leurs broderies les transforment en vêtements bijoux portés avec des robes du soir très simples. Le brodeur Lesage a imaginé pour l’un deux une composition en bandes horizontales à motifs de guirlandes de fleurs sur fond de soie alternant avec des feuilles de vigne et des grappes de raisin brodées sur le tulle noir, d’une construction si légère que les raisins semblent flotter. La princesse de Monaco et la comtesse Mona von Bismarck ont rendu célèbre ce magnifique boléro crée en 1959, moins typé « espagnol » que les modèles des années 40.
célèbre boléro du soir brodé par Lesage. 1959.
Huit robes de gala ou de grand soir mettent en valeur l’art consommé de la coupe dont faisait preuve Balenciaga avec plusieurs modèles à la taille basculée qui créent une silhouette aussi belle que dynamique en rehaussant la taille devant et en la descendant légèrement dans le dos, obtenant ainsi une courbe au profil doux et très élégant.
L’exposition s’achève par une série de sept pièces des années 60, extraordinaires, non par leur coupe somme toute assez simple, mais par leurs broderies.
Bustier d'une robe du soir mi-longue, tulle rosé brodé de paillettes roses, rubis et plumes d'autruche blanches. 1953.
L’âge d’or de la dentelle de Calais
Ainsi pendant plus de 20 ans, de l’après-guerre à la fermeture de ses maisons en 1978, les clientes du couturier, parisiennes mais aussi européennes et américaines, sont elles revêtues de dentelle de Calais réalisées sur d’énormes métiers à tisser portant le nom de leur inventeur, l’anglais Leavers.
Robe du soir en dentelle. Photographie de Henry Clarke pour Vogue en 1951.
Ils passeront la Manche à partir de 1816, donnant naissance à une activité dentellière florissante. Nombre de modèles arborent des dentelles de la célèbre maison Marescot, un des plus réputés denteliers de la place de Calais de l’après-guerre, mais aussi Dognin ou Brivet. Ce savoir-faire reconnu se poursuit jusqu’à aujourd’hui : les mètres de dentelle de la robe de mariée de Kate Middleton, duchesse de Cambridge, ont été tissé sur de tels métiers par la maison Sophie Halette.
Pari réussi donc, pour la Cité internationale de la Dentelle et de la Mode de Calais qui s’illustre avec brio dans sa mission première, à savoir rendre compte des liens unissant la dentelle et la mode au-delà de nos frontières. Comme le prouve encore la suite puisque l’exposition sera reprise au musée Balenciaga de Getaria, petit port du pays basque espagnol où le couturier est né et repose à jamais, d’avril à septembre 2016, selon une configuration identique, à l’exception d’une quinzaine de pièces jugées trop fragiles pour affronter à nouveau quelques mois d’exposition ; sans dommage pour les visiteurs car le fond très riche du musée ouvert depuis 2011 permettra de proposer d’autres modèles illustrant cette même passion du créateur pour la dentelle.
Musée Balenciaga à Getaria
Septembre 2015
Par Claire CAYLA