Portraits


Dominique Desseigne, PDG du groupe Barrière : un nouveau souffle

Regard bleu azur, Dominique Desseigne, PDG du groupe Barrière (GLB* et SFCMC*), un des plus grands groupes de casinos, hôtels, bars et restaurants en France, est toujours aussi énergique et affûté.
Comme il l’exprime lui-même, il a la chance de pouvoir diriger un groupe familial, créé il y a près de 110 ans, propriétaire de presque tous ses actifs. Le chiffre d’affaires de l’ensemble des deux entités, 33 casinos, 1 club de jeux, 18 hôtels de luxe, plus de 140 restaurants & bars s’élèvent pour l’exercice clos du 31 octobre 2018 à 1,2 milliards.
Le terrible accident de son épouse l’a amené à codiriger le Groupe depuis 1997, qui sous sa houlette depuis 2001, continue à se moderniser et a même gagné le titre de Palace pour son établissement à Courchevel.
Aujourd’hui il explique sa vision et les nouveaux enjeux auxquels est confronté le Groupe.
Entretien à bâtons rompus avec Katya Pellegrino.

Pouvons-nous revenir un peu sur votre parcours avant 1997 ?


Après des études de droit à Paris, je deviens notaire en 1980.
Je quitte la profession en 97, deux ans après le terrible accident de ma femme, pour m’occuper du Groupe à ses côtés. Ma formation m’aide beaucoup, particulièrement dans un métier comme le nôtre qui nécessite beaucoup de compétences juridiques.

Qu’est-ce qui fut le plus difficile pour vous lorsque vous codirigez le Groupe en 1997 ?

Hôtel Barrière Le Fouquet's - © Groupe Barrière

Je n’ai pas vraiment eu le temps de me poser la question.
La seule qui résonnait en moi était de savoir si j’allais y arriver et surtout être au niveau des attentes du Groupe !
Heureusement j’ai beaucoup travaillé avec mon beau-père sur les actifs et je connaissais le Groupe. Lui-même ardéchois d’origine, était un homme de la nature, authentique et loin des mondanités. Grâce à son oncle, François André, un homme exceptionnel, il a trouvé sa voie.
Il avait toujours une attitude bien élevée, mais n’avait pas le compliment facile alors lorsqu’il en faisait c’était le bonheur !

Vous avez reçu le 12 avril 2018 l’autorisation d’ouvrir un club de jeu, situé juste en face du Fouquet’s, cette ouverture est-elle le prélude à d’autres ?

Le-Club - © GROUPE BARRIERE
Le Club - © Groupe Barrière

Comme vous le savez, les casinos étaient interdits depuis 1920 dans un rayon de 100 km autour de Paris et Enghien-Les-Bains était le seul autorisé. Depuis janvier 2018, une nouvelle loi autorise les clubs de jeux. Nous sommes d’ailleurs le 5ème à ouvrir. La première question qui s’est tout d’abord posée consistait à savoir si nous y allions ou pas ! Puis trouver le lieu car nous souhaitions le faire dans de bonnes conditions et celui que nous avons pris est vraiment un très bon choix, puisque nous nous situons en face du Fouquet 's, au 104 av des Champs-Elysées, avec 1300 m² d’espace !
Il nous a fallu 2 ans entre l’idée et la réalisation, mais nous sommes contents car il a du succès.
Ce Club est un bon complément au Casino d’Enghien. Il enrichit bien la palette de nos jeux et propose une offre complémentaire à nos clients.

Vous avez pris comme partenaire pour vos événementiels Benjamin Patou, créateur du groupe Moma depuis 2016. Que vous apporte-t-il ?

Benjamin Patou est un visionnaire dans le loisir, un créatif qui déborde d’énergie. Le groupe Moma est d’ailleurs une belle réussite ! Je l’appelle « mon buffle » car il avance avec détermination… (sourire)
En prenant 49% du capital de Moma nous avons réussi un partenariat où tout le monde est gagnant.
Nous y puisons chacun une bonne énergie et Benjamin trouve dans notre Groupe tout à la fois de la rigueur et la possibilité de s’adosser à notre entreprise.
En fait cela nous fait bouger tous les deux.

Vous avez orchestré depuis quelques temps, une modernisation permanente avec des chantiers de rénovations comme Deauville, La Baule, Cannes ainsi que des ouvertures à Courchevel, le Carl Gustaf à St Barth, une transition numérique, quels sont les prochains chantiers ?

Courchevel - © GROUPE BARRIERE

Lorsque l’on dirige un Groupe créé il y a près de 110 ans dans un secteur porteur, on sait qu’il faut s’adapter en permanence, moderniser mais ne jamais perdre ce qui fait la spécificité et l’âme du Groupe. C’est ce à quoi je m’attache au quotidien avec nos équipes et désormais avec mon plus grand bonheur, mon fils Alexandre qui a rejoint le Groupe il y a près plus de cinq ans. C’est lui qui pilote la transformation du Groupe avec la fougue de la jeunesse et son talent. Il est aussi en charge de la Direction générale opérationnelle Hôtellerie et Restauration.
Notre objectif est d’identifier et de développer des initiatives innovantes afin de préparer le Groupe aux enjeux de demain.
Si nous résistons aussi bien à la concurrence notamment dans nos Hôtels et restaurants et continuons d’attirer une clientèle en France et à l’international de plus en plus exigeante, c’est que nous sommes très attentifs à la qualité du service et l’accueil aux clients et avons toujours considéré que nos équipes étaient les clés de notre succès. Pour autant, il faut en faire plus…
Nous avons créé Campus Barrière, une plateforme interne de formation et nous proposons un accélérateur de start-up afin d’insuffler dynamique et innovation à l’ensemble du Groupe et de pouvoir bénéficier directement des nouvelles technologies développées.
J’ai aussi la chance d’avoir un associé, Fimalac, soutien actif de notre stratégie depuis 20011, qui a une vision très pointue et moderne de nos métiers. Dans tous les secteurs que ce soit la finance, le digital ou l’entertainment…, il a fait la preuve de ses talents de visionnaire et gestionnaire. 

Quelle est la chose dont vous êtes le plus fier ?

Salon - © GROUPE BARRIERE

Fier de voir nos collaborateurs aussi impliqués et motivés. Leur fierté est la mienne !
Fier d’avoir fait grandir le Groupe en lui conservant l’esprit d’origine et en lui garantissant son indépendance.
A titre symbolique, je suis par exemple fier d’avoir racheté le West (Westminster au Touquet) qui appartenait à mon beau-père et qu’il a revendu lorsque la clientèle anglaise a déserté le Touquet et son casino pour retourner en Angleterre lorsque les clubs de jeux ont ouvert.
Enfin très fier, des successions de fidélité de la part de notre clientèle. Nous apprécions cette fidélité. Elle est notre luxe à nous ! 

Avez-vous un hôtel préféré ?

Suite Hôtel Barrière Le Fouquet's - © Groupe Barrière

En fait c’est toujours le dernier que je visite (sourire).

Combien de temps passez-vous dans vos hôtels ?

Suite signature - © Groupe Barrière

J’y vais fréquemment, cela me permet de voir ce qu’il s’y passe et j’en profite aussi pour regarder ce que fait la concurrence.

Quel est votre regard sur l’hôtellerie actuelle ?

Dominique Desseigne - © DSC

Il faut apporter du festif mais aussi du sens au client, de la connexion, lui faire déguster les produits locaux et découvrir la destination.
Grâce à notre partenariat avec Moma, notre offre s’est sensiblement élargie.
Un homme qui me bluffe en tout et notamment dans sa réussite hôtelière, c’est Bernard Arnault qui, dans les années 80, travaillait dans l’immobilier et qui a eu la réussite qu’on lui connaît dans un tout autre domaine et notamment dans le luxe et l’hôtellerie.

Comment êtes-vous arrivé à travailler avec Pierre Gagnaire ?

Pierre Gagnaire

Je l’ai rencontré lors d’un Festival à Dinard, et nous avons eu immédiatement de la sympathie l’un pour l’autre. C’est une belle personne, généreuse et humaine.
A vos yeux, qu’est ce qui a le plus changé dans l’hôtellerie
Ce métier est en constante évolution. La concurrence s’est beaucoup accrue. A l’époque par exemple à Marrakech il y a 10 ans, il n’y avait que 3 à 4 beaux hôtels, maintenant il y en a pléthore…
La même chose arrive à Paris.

Comment voyez-vous l’hôtellerie dans 10 ans ?

A mes yeux, l’humain restera toujours au cœur du métier. Nous avons la chance d’être un Groupe familial qui a près de 110 ans (4 générations) et 3 générations de collaborateurs, ce qui est pour nous la meilleure récompense !
C’est aussi la raison pour laquelle nous sommes attentifs à nos collaborateurs comme à nos clients.
Et de toute façon, le client aura toujours besoin d’un lit et d’un accueil privilégié (sourire) !

Si je vous demande quel est l’ADN du groupe ?

Suite - © GROUPE BARRIERE

L’amour du client et des collaborateurs.

Quelle est votre vision du luxe dans 10 ans

Le client se tourne de plus en plus vers l’authenticité, que cela soit en termes d’expériences, de contacts, de lieux et bien entendu de restauration avec une mise en avant de produits locaux.
Nous continuons également à lutter pour le développement durable et nous sommes très engagés pour l’insertion des travailleurs en situation de handicap.

Vos projets ?

Le concept Fouquet’s qui existe déjà dans 9 destinations, ouvrira au début de l’année 2020 à Abu Dhabi dans le musée du Louvre. Et Le Carl Gustaf à St Barth, après un chantier assez conséquent, rouvrira en février 2020, également avec une offre Fouquet’s. Certains clients ont déjà réservé leur chambre.

Quelle est votre définition du luxe ?

Penthouse of Courchevel - © GROUPE BARRIERE

J’aime le luxe convivial et authentique, loin des clichés et des standards du luxe.
J’aime les maisons chaleureuses, avec une ambiance cosy et confortable.
Je n’aime pas être prisonnier des codes et soumis aux modes éphémères !

Votre comble du luxe ?

Spa de l'hôtel Barrière Les Neiges à Courchevel - © Marc Berenguer

M’habiller comme je veux et comme j’en ai envie (sourire)

Et le luxe dont vous ne sauriez-vous passer ?

Dominique Desseigne - © DSC

La vie m’a appris que l’on pouvait se passer de tout ou presque !
Bien qu’ayant tout, je m’adapte vite. Par exemple, j’aime flâner dans Paris et prendre le temps de regarder les vitrines des boutiques.
En fait je trouve du bonheur dans les petites choses.
Février 2020
Par Katya PELLEGRINO