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Naturel ou chimique : A quel soin faut-il se vouer ?

Si l'enquête parue en novembre 2005 dans le magazine Que Choisir a fait l'effet d'une bombe, alimentant la méfiance à l'égard des cosmétiques dits de "synthèse", force est de constater que face à une offre pléthorique de soins prometteurs, chimiques, naturels ou bio, le choix s'avère périlleux. Faut-il céder aux promesses réitérées de cures de jouvence motivées par une myriade de termes pseudo-scientifiques obscurs ou opter pour des cosmétiques dits "naturels", dont la garantie d'innocuité reste parfois à prouver ? Comment séparer le bon grain de l'ivraie devant cette surenchère de principes actifs ? Quels risques prenons-nous à appliquer sur notre peau des conservateurs douteux ? A l'heure d'un tout naturel qui ne fait pas l'impasse sur le progrès, un bilan s'impose pour que les cosmétiques ne soient plus nos meilleurs ennemis...

L'ère du bio

Certes la France semblait avoir raté le train du bio, boudant ces produits naturels peu glamour, aux antipodes conceptuelles de la jouissance et du "bon vivant" typiquement hexagonal, accumulant ce faisant son retard face à ses homologues allemands et anglo-saxons. Toutefois, à l'aube du XXIe siècle, il n'en est plus rien. La vague naturelle-bio, dépoussiérée de son image par trop "ringarde", emporte tous les préjugés sur son passage et fait, de surcroît, irruption dans notre salle de bains. Shampooing au karité, crème à l'aloe vera, déodorant à l'amande douce donnent la réplique aux nanosphères, coenzymes et autres AHA... Or, que se cache-t-il derrière ce champ lexical végétal rassurant et ces principes actifs aguichants ? Naturel signifie-t-il inoffensif et scientifique efficace ? La réponse ne peut être tranchée mais, par chance, quelques pistes nous orientent dans notre choix. Le secret ? Apprendre à lire les étiquettes...

Des étiquettes à y perdre son latin !

Pour être honnête, il est probablement plus aisé de déchiffrer l'alphabet cyrillique que de tenter de cerner la réalité qui se profile derrière l'avalanche de termes techniques (aussi charmants que Paraffinum Liquidum, PentasodiumEthylenediamineTetramethylene ...) qui se succèdent sur les étiquettes. Pour identifier aisément les ingrédients douteux des actifs satisfaisants, on ne saurait trop conseiller de se reporter au lexique de Rita Stiens dont l'ouvrage, La vérité sur les cosmétiques, a fini de jeter le discrédit sur une frange de la cosmétique traditionnelle. Un peu alarmante, son enquête pointe du doigt les déviances de nombre de fabricants et nous sensibilise aux risques de certains composants sur notre peau. Prosaïque, son étude nous assène par ailleurs une vérité probablement difficile à entendre : aucune crème ne pourra jamais inverser le processus de vieillissement !

Se soigner nuit gravement à la santé ?

La liste des composants indésirables est longue. Certes, la législation est sévère et les ingrédient avérés dangereux sont, en théorie, bannis. Toutefois, il subsiste toute une série de composants, graduellement suspects, dont les fabricants pourraient volontiers faire l'économie. Si certains sont objectivement peu adaptés à la peau, à l'instar de l'huile de paraffine, ce dérivé du pétrole qui, non content de former un film occlusif sur la peau, est susceptible d'abîmer le foie et le coeur, d'autres se révèlent à l'usage indéniablement douteux.


A titre d'exemple, au royaume des émulsifiants, les PEG et autres Laureth obtenus à partir de gaz extrêmement réactifs et toxiques sont, dans la majorité des cas, étonnamment préférés à des émulsifiants doux. Tristement célèbres, les sels d'aluminium contenus dans les déodorants  se fixent manifestement dans le cerveau et le lait maternel. Certains conservateurs également continuent de défrayer la chronique : en tête de file les parabens retrouvés, d'après une étude, dans les cellules cancéreuses du sein. Le BHT est suspecté, lui, de toxicité sur le foie alors qu'une corrélation entre l'usage de colorants à oxydation et le cancer de la vessie a récemment été mise à jour. On observe d'ailleurs statistiquement une sur-représentation des tumeurs cancéreuses chez les coiffeuses (deux fois plus que le reste de la population !). Quant aux filtres UV, censés nous protéger des méfaits du soleil, ils déclencheraient une activité hormonale et modifieraient les organes reproducteurs. Tout un programme...!


Après une telle énumération, un vague sentiment de panique nous envahit. Pour un peu on se contenterait à l'avenir, pour tout soin, de deux tranches de concombre (de préférence non génétiquement modifié !) et d'un jaune d'œuf. Mais prenons garde, toutes ces données sont à manier avec précaution...

Etudes contre études

Les études se succèdent, les résultats divergent, d'autres faisceaux d'explications interviennent, certains composants sont encore à l'étude etc... il faut donc savoir raison garder. Certes l'aluminium et certains parabens ont pu être repérés dans des cellules cancéreuses du sein, toutefois, les tissus étant richement vascularisés, ils ont alors une tendance accrue à capter les diverses substances contenues dans le sang. De là à certifier un lien de cause à effet entre l'usage d'un déodorant et un cancer du sein, le pas semble un peu vite franchi. Par ailleurs, les ingrédients suspects sont utilisés dans des proportions plus qu'infimes et théoriquement inoffensives à l'usage. En revanche, sans constituer un risque notable pour la santé, les huiles minérales (sombres dérivés de l'industrie pétro-chimiques) n'apportent rien à la peau en termes de nutrition et obstruent les pores ce qui devrait suffire à nous convaincre de les bannir de notre salle de bain. Au final, il faut donc être vigilant sans sombrer dans la paranoïa.


Règle d'or pour une belle peau

Autant se rendre à l'évidence, aucun soin miracle ne remplacera jamais une bonne hygiène de vie et ne nous redonnera nos vingt ans ! Les promesses de lifting immédiat sous caution d'un vocable pseudo-scientifique sont fort séduisantes mais elles reposent sur des principes actifs plus que faiblement dosés. En réalité, la communication inverse les proportions : elle fait l'impasse sur l'excipient (huiles, cires et émulsifiants), soit 90 % du soin, et se concentre uniquement sur les propriétés d'agents actifs aux appellations éminemment farfelues. En réalité, la qualité de l'excipient étant essentielle, il vaut mieux recourir à des huiles végétales qui stimulent les fonctions naturelles de la peau tout en possédant d'excellentes propriétés intrinsèques.

Le bio : Beau et bien ?

Attention, d'une part certaines marques qui se revendiquent "naturelles" le font de manière abusive (Caudalie en tête) et, d'autre part, naturel ne signifie pas systématiquement inoffensif. En effet, nombre de plantes et d'huiles essentielles, à l'état brut, sont allergisantes voire constituent de véritables poisons. Par ailleurs, l'absence de conservateurs ou le recours à des conservateurs "moins durs" n'est pas neutre car la majorité des huiles s'oxydent en un temps record et nécessitent d'être stabilisées. Moralité ?  Il est primordial de veiller à la nature des substances utilisées et à la pureté des matières premières. Les labels du type Ecocert, Bio etc... sont dès lors une aide précieuse pour se repérer dans une offre en perpétuelle croissance.

Faire le bon choix

A moins de signer définitivement pour de l'huile d'onagre, du savon d'Alep et une crème à la rose, l'objectif bien entendu n'est pas de faire table rase sur toutes nos gammes de soins traditionnels et de s'interdire de s'offrir du "rêve en pot". Vigilance oblige, l'idéal est d'apprendre à repérer les substances par trop douteuses et à éviter de les démultiplier au sein d'un même soin puis d'alterner avec des produits naturels plus proches de notre métabolisme. L'enquête de Que choisir est certes édifiante (entre Nivéa, L'Oréal ou Evian, il semblerait que la grande consommation ne soit pas en mesure de nous proposer des produits neutres) mais les études suivent leurs cours. Apprenons en attendant à écouter notre corps car c'est peut-être lui qui s'exprime le mieux...

Estelle Burget
Mai 2006

A lire :


 


La Vérité sur les cosmétiques


de Rita Stiens


LEDUC.S Editions


Prix : 23 €


 


Cosmétiques : mode d'emploi
de Laurence Wittner
LEDUC.S Editions
Prix : 19,90 €


 


A sortir en mai


La Vérité sur les cosmétiques naturels


de Rita Stiens


LEDUC.S Editions


 


Cosmétiques : L'enver du décor


Que Choisir n°431 - novembre 2005

www.quechoisir.fr

A consulter, le guide Cosmetox réalisé par Greenpeace :
www.greenpeace.org/raw/content/france/press/reports/guide-cosmetox-light.pdf