La Portugaise d'IWC
Qu'ont donc en commun Jean Réno, John Malkovitch, Sophie Marceau et Kate Blanchett ? Cherchez bien, ce n'est pas facile. Réponse : leur IWC Portugaise. Le modèle culte de la maison suisse, qui a largement contribué à la vogue des montres de grande taille, est plus que jamais à la mode. Retour sur un phénomène de notre temps.
"La Portugaise, pour moi, c'est d'abord évidemment le modèle emblématique de la marque, qu'elle est devenue de façon naturelle, indique François-Xavier Palvin, Directeur Général d'IWC France. C'est une montre sobre et intemporelle, et néanmoins originale, et au-delà de ça sa personnalité tient à la grande ouverture de sa lunette, qui en fait une montre que l'on peut qualifier de grande, même si aujourd'hui 41,5 mm tend à devenir une taille standard. Mais ce diamètre est perçu visuellement comme plus important à cause de la finesse de la lunette et du réhaut très visible, intégré au cadran, qui se confond avec celui-ci d'où l'impression visuelle d'une montre de 43 ou 44 mm. Et puis, sa crédibilité suprême, c'est que la grande ouverture qui est aujourd'hui tendance, n'est pas ici un artifice marketing". Il est vrai que la Portugaise n'a pas adopté la vogue des grandes montres, mais l'a initiée, ou y a à tout le moins largement participé.
La petite histoire d'une grande montre
C'est en 1993 que, pour commémorer les 125 ans de la manufacture, IWC relance ce modèle dont les origines remontent à la fin des années 30. À cette époque deux marchands de montres portugais se rendent à Schaffausen pour y demander la création d'une montre bracelet présentant les mêmes qualités qu'un chronomètre de marine. Les maîtres horlogers de la maison se mettent au travail, et décident finalement de détourner le calibre d'une montre de poche pour l'installer dans une montre bracelet, qui sera ipso facto de grande taille. La Portugaise est née, elle prend complètement à contre-courant la tendance des petites montres Art déco de l'époque.
Le modèle réapparaît plus de cinquante ans après pour entamer une seconde carrière. Lancée en édition limitée en 1993, la Portugaise commencera à être déclinée deux ans plus tard, pour constituer au bout du compte la collection complète que nous connaissons aujourd'hui : Rattrapante et Répétition Minutes en 95, Chrono en 97, Calendrier Perpétuel à double phase de lune en 2003, Répétition Minutes Squelette et Automatic en 2004, modèle commémoratif F.A. Jones en 2005, et cette année enfin Calendrier Perpétuel avec fonction exclusive countdown indiquant le nombre de jours restant avant la prochaine pleine lune, et Calendrier Perpétuel simple face de lune. 2006 sera également l'année de l'édition limitée Chrono-Automatic Lauréus, une version bleu nuit (cadran et bracelet croco) de toute beauté dédiée à la Lauréus World Sports Academy qui s'attache à démultiplier l'utilité du sport face au malheur dans le monde. Deux mille exemplaires seulement en seront produits.
Le millésime 2006 marque également la nette progression de l'or blanc, les modèles Chrono et Tourbillon étant désormais proposés dans ce métal, assortis d'un cadran ardoise.
Une vedette à part entière
Outre son statut de montre à la mode, la Portugaise présente la singulière particularité d'être une montre d'homme qui plait aux femmes. "Et il ne s'agit pas ici d'un vœu pieux mais d'une réalité, précise encore François-Xavier Palvin : elle a été élue Montre Femme de l'Année dans plusieurs pays européens en 2001". Dont acte ; avec la Harley vantée par ailleurs dans ce numéro par Beppe Ambrosini et la Portugaise présentée ici par F.X. Palvin, nous voici armés pour toutes les conquêtes ! Dans cet ordre d'idée, il convient d'ailleurs de souligner que la Portugaise est la première montre à avoir tenu un vrai rôle au cinéma : dans l'excellent Antony Zimmer, sorti l'année dernière, la montre de Sophie Marceau fait partie du scénario : c'est un personnage de l'histoire !
Une histoire entre Boston et Schaffhausen
L'histoire d'IWC se distingue de celles des autres marques de haute horlogerie en ceci que les origines de la maison ne se trouvent pas en Europe, mais outre-Atlantique. C'est parce qu'il souhaite profiter d'une main d'œuvre meilleur marché que celle des Etats-Unis que Florentine Ariosto Jones (F.A. Jones pour les intimes), 27 ans, quitte Boston pour la Suisse en 1868. Les Etats-Unis, qui sortent à peine de la Guerre de Sécession (1861-1865) sont avides de marchandises, et la Nouvelle Angleterre d'où il est originaire, dispose alors d'une solide industrie horlogère, alors que celle de la vieille Europe, est le fait de nombreux petits fabricants qui sous-traitent une partie de leur fabrication à des ouvriers en chambre. Horloger formé chez Howard Watch et John P. Reed, Jones entend adapter en Europe les méthodes de production américaines, introduire sur le vieux continent la fabrication en série qui fait les beaux jours des industriels du Nouveau Monde, et bénéficier de salaires sensiblement inférieurs à ceux pratiqués aux USA. Il abandonne son idée initiale de s'établir dans le Jura au profit de la Suisse, où la main d'œuvre est la plus qualifiée. Son intention est de fabriquer au meilleur coût des montres pour le marché américain, et il a dans cette perspective ouvert avant son départ un point de vente à New York. La chance lui sourit dès son arrivée en la personne de l'industriel Johann Heinrich Moser, qui lui propose de bénéficier de l'énergie de l'usine hydro-électrique qu'il vient de construire sur les bords du Rhin, dans une petite ville proche de la frontière germano-suisse.
Ce sera donc Schaffhausen. Jones y loue des bureaux à Moser le temps que la construction de sa propre usine soit achevée, et fonde l'International Watch Company : "IWC". La maison a aujourd'hui encore son siège dans ce bâtiment, restauré il y a quelques années.
Très rapidement, IWC produit ses premiers calibres et ses premières montres, mais le succès escompté n'est pas au rendez-vous : soucieux du développement de leur industrie intérieure, les Etats-Unis viennent de mettre en place une politique commerciale ouvertement protectionniste, imposent des droits de douane exorbitants sur tous les produits d'importation et proclament haut et fort la devise "Achetez américain !". Le marché qu'avait imaginé F.A. Jones se ferme avant même de s'être ouvert à lui. Dès lors IWC se concentre sur le marché européen, où les produits hauts de gamme (l'entrepreneur a toujours tenu à ce positionnement, sur lequel il pensait établir sa réputation outre-Atlantique) de ce que l'on appelle ici "la fabrique de montres américaine" se forgent rapidement une réputation d'excellence. Néanmoins, le marché européen n'est pas comparable à celui des Etats-Unis, et F.A. Jones n'atteindra jamais la production annuelle de 10.000 pièces dont il a besoin pour assurer la pérennité de son entreprise. Il en perd rapidement le contrôle : lorsque IWC est transformé en société anonyme en 1874, il n'en est plus le propriétaire, mais le Président Directeur-Général. Découragé, il jette l'éponge en 1878 et regagne Boston, où il fabriquera des minuteries jusqu'à sa mort, en 1916.
Reprise par des propriétaires suisses puis par le groupe Richemont, IWC réussira par la suite à conquérir le marché mondial, et la maison a rendu hommage à son père fondateur l'année dernière avec la Portugaise F.A. Jones, une édition limitée produite à 4500 exemplaires.
Cet article est paru dans DANDY n°12
La petite histoire d'une grande montre
C'est en 1993 que, pour commémorer les 125 ans de la manufacture, IWC relance ce modèle dont les origines remontent à la fin des années 30. À cette époque deux marchands de montres portugais se rendent à Schaffausen pour y demander la création d'une montre bracelet présentant les mêmes qualités qu'un chronomètre de marine. Les maîtres horlogers de la maison se mettent au travail, et décident finalement de détourner le calibre d'une montre de poche pour l'installer dans une montre bracelet, qui sera ipso facto de grande taille. La Portugaise est née, elle prend complètement à contre-courant la tendance des petites montres Art déco de l'époque.
Le modèle réapparaît plus de cinquante ans après pour entamer une seconde carrière. Lancée en édition limitée en 1993, la Portugaise commencera à être déclinée deux ans plus tard, pour constituer au bout du compte la collection complète que nous connaissons aujourd'hui : Rattrapante et Répétition Minutes en 95, Chrono en 97, Calendrier Perpétuel à double phase de lune en 2003, Répétition Minutes Squelette et Automatic en 2004, modèle commémoratif F.A. Jones en 2005, et cette année enfin Calendrier Perpétuel avec fonction exclusive countdown indiquant le nombre de jours restant avant la prochaine pleine lune, et Calendrier Perpétuel simple face de lune. 2006 sera également l'année de l'édition limitée Chrono-Automatic Lauréus, une version bleu nuit (cadran et bracelet croco) de toute beauté dédiée à la Lauréus World Sports Academy qui s'attache à démultiplier l'utilité du sport face au malheur dans le monde. Deux mille exemplaires seulement en seront produits.
Le millésime 2006 marque également la nette progression de l'or blanc, les modèles Chrono et Tourbillon étant désormais proposés dans ce métal, assortis d'un cadran ardoise.
Une vedette à part entière
Outre son statut de montre à la mode, la Portugaise présente la singulière particularité d'être une montre d'homme qui plait aux femmes. "Et il ne s'agit pas ici d'un vœu pieux mais d'une réalité, précise encore François-Xavier Palvin : elle a été élue Montre Femme de l'Année dans plusieurs pays européens en 2001". Dont acte ; avec la Harley vantée par ailleurs dans ce numéro par Beppe Ambrosini et la Portugaise présentée ici par F.X. Palvin, nous voici armés pour toutes les conquêtes ! Dans cet ordre d'idée, il convient d'ailleurs de souligner que la Portugaise est la première montre à avoir tenu un vrai rôle au cinéma : dans l'excellent Antony Zimmer, sorti l'année dernière, la montre de Sophie Marceau fait partie du scénario : c'est un personnage de l'histoire !
Une histoire entre Boston et Schaffhausen
L'histoire d'IWC se distingue de celles des autres marques de haute horlogerie en ceci que les origines de la maison ne se trouvent pas en Europe, mais outre-Atlantique. C'est parce qu'il souhaite profiter d'une main d'œuvre meilleur marché que celle des Etats-Unis que Florentine Ariosto Jones (F.A. Jones pour les intimes), 27 ans, quitte Boston pour la Suisse en 1868. Les Etats-Unis, qui sortent à peine de la Guerre de Sécession (1861-1865) sont avides de marchandises, et la Nouvelle Angleterre d'où il est originaire, dispose alors d'une solide industrie horlogère, alors que celle de la vieille Europe, est le fait de nombreux petits fabricants qui sous-traitent une partie de leur fabrication à des ouvriers en chambre. Horloger formé chez Howard Watch et John P. Reed, Jones entend adapter en Europe les méthodes de production américaines, introduire sur le vieux continent la fabrication en série qui fait les beaux jours des industriels du Nouveau Monde, et bénéficier de salaires sensiblement inférieurs à ceux pratiqués aux USA. Il abandonne son idée initiale de s'établir dans le Jura au profit de la Suisse, où la main d'œuvre est la plus qualifiée. Son intention est de fabriquer au meilleur coût des montres pour le marché américain, et il a dans cette perspective ouvert avant son départ un point de vente à New York. La chance lui sourit dès son arrivée en la personne de l'industriel Johann Heinrich Moser, qui lui propose de bénéficier de l'énergie de l'usine hydro-électrique qu'il vient de construire sur les bords du Rhin, dans une petite ville proche de la frontière germano-suisse.
Ce sera donc Schaffhausen. Jones y loue des bureaux à Moser le temps que la construction de sa propre usine soit achevée, et fonde l'International Watch Company : "IWC". La maison a aujourd'hui encore son siège dans ce bâtiment, restauré il y a quelques années.
Très rapidement, IWC produit ses premiers calibres et ses premières montres, mais le succès escompté n'est pas au rendez-vous : soucieux du développement de leur industrie intérieure, les Etats-Unis viennent de mettre en place une politique commerciale ouvertement protectionniste, imposent des droits de douane exorbitants sur tous les produits d'importation et proclament haut et fort la devise "Achetez américain !". Le marché qu'avait imaginé F.A. Jones se ferme avant même de s'être ouvert à lui. Dès lors IWC se concentre sur le marché européen, où les produits hauts de gamme (l'entrepreneur a toujours tenu à ce positionnement, sur lequel il pensait établir sa réputation outre-Atlantique) de ce que l'on appelle ici "la fabrique de montres américaine" se forgent rapidement une réputation d'excellence. Néanmoins, le marché européen n'est pas comparable à celui des Etats-Unis, et F.A. Jones n'atteindra jamais la production annuelle de 10.000 pièces dont il a besoin pour assurer la pérennité de son entreprise. Il en perd rapidement le contrôle : lorsque IWC est transformé en société anonyme en 1874, il n'en est plus le propriétaire, mais le Président Directeur-Général. Découragé, il jette l'éponge en 1878 et regagne Boston, où il fabriquera des minuteries jusqu'à sa mort, en 1916.
Reprise par des propriétaires suisses puis par le groupe Richemont, IWC réussira par la suite à conquérir le marché mondial, et la maison a rendu hommage à son père fondateur l'année dernière avec la Portugaise F.A. Jones, une édition limitée produite à 4500 exemplaires.
Cet article est paru dans DANDY n°12
Septembre 2006