Tendances


Dubourdieu : 200 ans d'histoire, aux confins de la légende

L'entreprise "Dubourdieu 1800" est née en 2000 quand Emmanuel et Béatrice Martin, 65 ans à eux deux, ont racheté le chantier qui en 200 ans était passé de la construction des "tilloles" de pêcheurs aux superbes "Classic express" des plaisanciers. Un beau défi fut ainsi relevé qui permet à une superbe histoire de charpentiers de marine de continuer, pour le bonheur des amateurs de beaux bateaux.
En 1800, un jeune charpentier du nom de Louis Dubourdieu...

C'est en 1800, qu'un jeune charpentier du nom de Louis Dubourdieu fonda un chantier de construction de " tilloles ", mot ancien désignant des bateaux de pêche à rames. Le premier livre de comptes ne débutant qu'en juillet 1885, il ne reste du chantier du XlXème que le souvenir forcément imparfait transmis par la tradition orale, et quelques plans.
Ces derniers ne portent pas de mention de taille, mais il existait au moins deux modèles de "tilloles", la "Petite" et la "Grande". Ces bateaux de pêche à rames étaient déjà construits à l'unité selon les demandes spécifiques de chaque "patron". Vers 1890, les "tilloles" apparaissent dans le livre de compte avec un gréement complet. Le chantier naval Dubourdieu a donc construit quelques bateaux à voile, mais sur une très courte durée. Trois générations, en descendance directe, traversent le siècle aux commandes d'un chantier naval à la réputation croissante, d'où sortent chaque année entre 12 et 16 bateaux.

Les premiers bateaux à pétrole

A l'aube du XXème siècle, Emile Dubourdieu, 4ème du nom, insuffle au chantier le souffle de la révolution industrielle en construisant les premiers bateaux à pétrole. C'est en 1900 environ qu'apparaît le nom de "pinasse", dont l'origine est controversée. Pour certains, il viendrait du pin, bois souvent utilisé dans leur fabrication. Pour d'autres, il viendrait du droit de "pinasse" perçu par les seigneurs testerins sur toute pêche effectuée sur le bassin, et abolie à la fin du XVlllème par décret royal. Toujours est-il que c'est aux alentours de cette date que les livres de compte du chantier Dubourdieu font état de "pinasses" à pétrole. L'appellation "Tillole" survivra jusqu'à la première guerre mondiale, uniquement utilisée pour les commandes de clients locaux. En 1918, la Marine Nationale passe ses premières commandes au chantier qui livre 6 canots de débarquement entre 8 et Il mètres. Des unités à pétrole, embarcations de travail, pêche ou ostréiculture, toujours construites sur mesure, seront "exportées" jusqu'en Bretagne, et leur taille peut atteindre les 16 mètres. Le chantier naval Dubourdieu a trouvé dès lors un nouveau débouché et fabrique des pinasses, sardinières et chalutiers qui pendant l'entre deux guerres seront vendues dans toute la France.

La pinasse de Monsieur

Au début des Années Folles, le Bassin d'Arcachon devient un lieu de villégiature très coté. Gabrielle d'Annunzio y côtoie Jean Cocteau, et les riches négociants bordelais se font ériger des "folies" dans la Ville d'Hiver. Les distractions étant rares et les bains de mer quelque peu frais, ces touristes avant l'heure se tournent vers la mer et découvrent les joies de la navigation. A la demande de cette clientèle spéciale, le chantier naval Dubourdieu, devenu "Emile Dubourdieu et fils" va faire évoluer sa pinasse de travail en petit bijou de plaisance: bois précieux vernis, cuivre et laiton polis, moteurs à pétrole dès 1909, puis à essence à partir de 1922, jusqu'à la transmission qui, à crémaillère pour l'ostréiculture, passe en ligne d'arbre directe ( à "talon") pour la plaisance. Ces "pinasses de Monsieur" étaient pilotées par des marins du Bassin d'Arcachon, petits pêcheurs qui se louaient pour une saison. On organisait des pique-niques très fins, avec les messieurs en canotiers et les dames en robes légères de lin clair. devient le spécialiste des pinasses automobiles.

L'avènement de la plaisance

En 1930, le moteur à essence règne en maître, et plusieurs constructeurs, originaires du Bassin, inventent le moteur marin : Chevillet, Castelnau, Couach, sont en passe de devenir des grands noms du motonautisme de plaisance. Dès lors, lentement, la part des bateaux de plaisance dans la production du chantier devient de plus en plus importante, pour être majoritaire dès les années 50. En 1931, Emile se retire, laissant le chantier à ses fils, Guillaume et Pierre. Le chantier s'appellera désormais "Dubourdieu Frères". En 1947, le fils de Pierre, Jean-Pierre, fait son apprentissage au chantier. Il reprend l'affaire avec son père lorsque Guillaume part à la retraite en 1961, et commence à dessiner les modèles. C'est à Jean-Pierre que les pinasses actuelles doivent leurs lignes élégantes. Seul maître à bord depuis 1974, c'est encore Jean-Pierre qui "invente" en 1981 les "Classic Express", pinasses de la nouvelle génération, lignes classiques et construction moderne en bois stratifié. De 1981 à 1999, une quinzaine de ses Classic Express sera mise à l'eau, ainsi que des créations sur mesure pour une clientèle de plus en plus prestigieuse, dont Philippe Stark.

Parés pour le deuxième millénaire

Après 6 générations de Dubourdieu, le chantier se retrouvait sans successeur. L'aventure aurait pu s'arrêter là. Mais laisser mourir un tel savoir-faire était inconcevable. C'eût été mettre en péril la survie d'un patrimoine, d'un métier, d'une race à part de bateaux. Emmanuel et Béatrice Martin, 65 ans à eux deux, ont relevé le défi et racheté le chantier en septembre 2000. Désormais "Dubourdieu 1800", l'entreprise se modernise et internationalise ses ventes, portée par le phénomène d'engouement pour les bateaux de caractère, mis au goût du jour par les Italiens, et pourtant fabriqués depuis plus de 200 ans à Gujan-Mestras ! OEnologue de formation, titulaire d'un Master de Gestion, bilingue, Emmanuel Martin est un enfant du pays. Né et élevé sur le Bassin d'Arcachon, il a goûté très tôt aux plaisirs de la navigation, pratiquant le Windsurf en compétition de haut niveau. Passionné de voitures anciennes, la restauration automobile occupa ses loisirs au point qu'il envisagea un temps de s'y consacrer à part entière. Toutefois, ses débuts en oenologie le conduisirent à gérer des propriétés viticoles pour le compte d'un grand groupe financier, où il pratiquait, avec brio, le mariage délicat des tours de mains ancestraux avec les technologies d'avant garde. L'élevage d'un grand cru requiert en effet les mêmes exigences que la construction d'un bon navire: tenir compte des contraintes de la nature et les sublimer de la main de l'homme. L'envie d'être maître de son destin, la passion pour la belle ouvrage et peut-être la nostalgie de l'extraordinaire qualité de vie de ce coin d'océan enchâssé dans ses dunes blondes eurent raison de la vie rangée de ce jeune cadre supérieur. Béatrice, sa femme, partageait son temps entre la direction d'une agence de voyages spécialisée dans la conception sur mesure de voyages haut de gamme et l'éducation de deux jeunes enfants. Sportive accomplie, et meneuse d'équipe, elle avait envie de concevoir du sur-mesure tout aussi prestigieux mais plus tangible. Leur parcours a donc croisé celui de Jean-Pierre Dubourdieu qui cédait son affaire à plus de 70 ans, et leurs expériences conjuguées de la gestion, de la création et de la technologie a convaincu ce dernier: les pinasses ne mourront pas, elles vont connaître une nouvelle vie.
Juillet 2004
Texte et photo dubourdieu.fr
www.dubourdieu.fr