Mode & Beauté


Daniele di Montezemolo

De la famille Montezemolo le grand public connaît surtout Luca, éminence grise et président de Ferrari. Comme lui, son frère Daniele a la réputation d'aller au bout de ses passions, et a choisi de le faire dans l'univers de la mode. 

Vous êtes à l'origine de la ligne de vêtements et d'accessoires de mode P Zéro, inspirée du pneu Pirelli, qui est une aventure complètement atypique dans le monde de la mode. Comment avez-vous conçu une idée aussi insolite ?

Au départ, c'était comme un jeu. Je ne suis pas styliste et mon expérience dans le marketing me pousse continuellement à relever des défis, en premier lieu avec moi-même. Celui-ci en était un, et je dois admettre que nous avons remporté un véritable succès. Maintenant, certes : faire un bracelet de montre qui a l'aspect d'un pneu... c'était un challenge un peu fou, reconnaissons-le !

Sur quel projet travaillez-vous à présent ?

Sur Twin, l'une de mes créations préférées. Nous venons d'élargir les investissements financiers et une nouvelle aventure nous attend. Dans ce cas précis, le parcours a été inversé: il n'y avait pas un target particulier à séduire, mais un marché qui n'était pas apte à combler mes nécessités personnelles. En fait, j'ai tout simplement répondu à mes besoins... Twin est réservé à une clientèle internationale, toujours en voyage, prête à swicher sa tenue vestimentaire d'une minute à l'autre, avec la plus grande aisance possible. Aussi les créations sont-elles “double face” : par exemple le modèle “deux et demi” est une saharienne côté verso, avec de nombreuses poches internes, et elle devient classique lorsqu'on la retourne, avec des détails raffinés dans les finitions. Très pratique pour le scooter, sobre si la situation l'exige... Harrod's nous a sollicités pour avoir une “special version”, de couleur verte bien entendu... Nous avons des points de distribution dans le monde entier, la France et l'Italie étant les marchés les plus difficiles à percer parce qu'ayant chacun une tradition bien ancrée.

Comment concevez-vous l'élégance ?

Etre élégant c'est avoir une tenue et une attitude adéquate en fonction de la circonstance pour que chaque personne se sente à l'aise. Leur rôle est aussi fondamental que la voix et les gestes, il doit être à peine perceptible, enveloppé de naturel. L'inverse est vulgaire : étaler une marque d'une façon tapageuse et arrogante me déplaît. Ce qui n'a rien à voir avec l'exagération, qui est bienvenue si la situation le permet.

Peut-on vous définir comme un néo-dandy ?

Pourquoi pas ? Je fuis tout ce qui est homologué et préfère aller dans la direction opposée sans trop me faire remarquer. Il y a souvent une touche d'ironie sous-jacente dans mes choix, même dans les moments qui demandent du sérieux. Avoir de beaux échanges avec tous types de personnes, c'est une valeur que m'a transmis mon père, il a toujours tenu à ce que nous sachions communiquer avec la terre entière, comprendre pourquoi les autres sont différents, ce qu'ils ont à nous dire et partager des instants avec eux.

Quelle différence faites-vous entre mode et élégance ?

La mode est liée au business, qui est de plus en plus difficile :
les collections se multiplient à vitesse grand V, les créateurs sont bousculés par ce rythme... C'est le tempo de l'argent : produire sans relâche, optimiser au maximum les investissements. Seul les grands groupes s'en sortent, les autres sont déstabilisés. L'élégance appartient à un autre domaine, celui de la recherche personnelle, elle a son propre parcours. J'apprécie particulièrement le style anglais, et en France également, il y a des hommes fort élégants, qui sont originaux et ne ressemblent pas au chic italien, classique dans son histoire. Le secret est de mélanger les choses avec goût, ou de rester dans la simplicité si on ne sait pas le faire.

Aimeriez-vous collaborer avec un artiste que vous appréciez particulièrement ?

Bien sûr ! J'adore Gino Marotta, il a un talent illimité. La barre est haute, mais je suis comme Diogène, à la recherche de l'individu capable de
m'émouvoir. Pas forcément quelqu'un de connu, mais irrésistible par son talent.

Le fait de vivre à Milan a-t-il eu un impact particulier sur votre parcours ?

Je pense que oui. Milan est hyperactive, c'est le noyau de l'édition, le poumon de la finance, l'hyperbole de la mode. La compétitivité y est puissante, c'est plutôt dur, mais cela convient parfaitement aux natures curieuses comme la mienne ! Je m'amuse à explorer les ressources de la ville, les gens du monde entier passent par Milan, et ayant vécu un peu partout, j'y suis dans mon élément.


Par Sandra Mylène MARZILLI.

Juin 2007

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