Dans la peau de David Lynch
Libre interprétation...
On aurait presque souhaité quitter la Fondation Quartier avec en main quelques clefs pour éclairer le sibyllin Inland Empire et mettre un terme à toutes nos spéculations psychopatho-lynchiennes pour tenter de, osons le dire, rationaliser... L'idée ? Comprendre et codifier une fois pour toutes ce cinéaste fascinant. Car à peine esquisse-t-on un ersatz de théorie que celui-ci s'effondre devant une avalanche d'images incandescentes. Et pourtant, Lynch nous parle et nous rassure. La scène tant commentée des lapins, en forme de méta film, n'a de cesse de nous le crier : à défaut de rire de tout, on peut rire de rien et tout interpréter à loisir, le film est ouvert. Place aux échos inconscients et au plaisir !
David Lynch hors-champ
Rares sont les cinéastes à puiser leurs racines dans la peinture. Pour autant, en s'affranchissant bien souvent des codes de la narration classique, leur préférant une imagerie forte et chargée de sens, le cinéma de David Lynch s'impose d'emblée comme pictural. Il n'était donc guère surprenant d'apprendre qu'il avait à son actif une carrière de plus de 40 années de peintures et de photos. Un travail quotidien, une vision déroutante qui s'appréhende spontanément à travers le prisme de son parcours cinématographique dont on peine à se détacher. Ici les corps déformés résonnent avec Elephant Man, là le rouge à lèvres brûlant convoque Laura Dern... Qu'il griffonne sur une serviette ou une boîte d'allumettes, qu'il distorde des images de nus ou capture des paysages industriels, l'univers plastique et visuel émerge, dans toute sa violence et son incongruité.
David Lynch par lui-même
Une scénographie en apparence déstructurée, des tableaux suspendus à de grands portants métalliques surplombant des bâches massives, des films d'animation diffusés dans une salle de cinéma miniature... c'est bien David Lynch himself qui a imaginé et réalisé la mise en scène de The Air is on Fire. Après tout on n'est jamais mieux compris que par soi-même et seul le cinéaste prodige pouvait donner vie à un tel univers fait de peurs et de fantasmes mais allégé par un immense rire salvateur. Que l'on navigue entre les tableaux sombres aux textures organiques ou les clichés saisissant l'archétype de la femme "lynchienne", l'expérience est à coup sûr troublante. Pari donc gagné pour le cinéaste. A quand le premier livre signé David Lynch ?
E.B