Gastronomie


J'ai fumé le cigare du Roi

Non ce n'était pas à la cour de Juan Carlos mais chez Ledoyen, un soir de décembre, à l'issue d'un dîner concocté par Christian Le Squer (1).
Franck Coste (2), mon amphitryon, m'avait invité à partager un des cigares qu'il avait rapportés d'Espagne. Pour le plaisir. Dans des conditions idéales : temps devant soi et bonne compagnie.
Le caractère fortuit de la découverte imposa d'en parler à chaud, sans repères (à l'aveugle) et de comparer avec des vitoles existantes.
Cousin du Trinidad

Contre toute attente, eu égard à son origine cubaine subodorée, mon cigare démarra plutôt doucement. Sans agressivité aucune. Cependant le poivre dominait d'autres notes végétales plus mâtinées de touches empyreumatiques discrètes. De beurré, le tiers suivant passa au niveau supérieur et délivra une palette complète d'arômes de café, un peu de noisette, des pointes de vanille tranchées de notes animales. Absence de terre et présence permanente des épices toujours dominées par le poivre. Le troisième tiers confirma ces impressions avec constance. Combustion parfaite de bout en bout, cendre fine et moulée. Pas de saturation. Fumée ni trop abondante ni crémeuse.
Loin d'un Hoyo, plus proche d'un Partagas et, pour certains chanceux qui le connaissent, cousin du Trinidad.

Des assemblages tenus secrets

Ce cigare faisait partie des trois ou quatre mille vitoles spéciales de la cour d'Espagne, que le roi réserve à ses invités. Les assemblages uniquement cubains sont tenus secrets. Un seul module - ici un lonsdale - est fabriqué par an. Mais jamais de corona ni de double corona. A la cour on ne fume pas la couronne !


(1) Trois étoiles au Guide Rouge
(2) Vice-président de la division cigare d'Altadis
Juin 2004
Par Jean-Marie PINÇON