Culture


Le sang des Rothschild

"Cette aventure collective ne pourra que vous fasciner." écrit l'académicien et historien Alain Decaux dans sa préface au livre qui vient de sortir aux Editions L'intermédiaire des Chercheurs et des Curieux et intitulé "Le sang des Rotschild". Et un peu plus loin il déclare : "En lisant ce livre, vous irez - comme moi - de surprise en surprise"... Certes ce long et patient travail - quarante quatre ans ! - d'un des maîtres de la généalogie historique ne pouvait que déboucher sur une somme de découvertes et de révélations, mais qu'est-ce qui a donc pu causer un tel étonnement à un historien de cette qualité, au soir de sa vie ?
Une passionnante leçon de sociologie historique

Il s'agit en fait et simplement, apparemment, de la généalogie de Mayer Amschel (1744-1812) et de ses dix enfants, cinq fils et cinq filles.
Mais l'étude ainsi menée, est véritablement exhaustive : un chapitre est consacré à chacun des dix enfants du couple fondateur de la dynastie, donnant l'état précis et détaillé de leur descendance en ligne masculine et féminine. Elle est agrémentée d'une telle somme de notes documentées, de détails et de précisions que c'est à une passionnante leçon d'histoire socio-politique de l'Europe du XVIIIème siècle à nos jours qui est ainsi donnée, à travers la saga de cette famille.
Les Rothschild sont connus dans le monde entier. Depuis des siècles, ils appartiennent au monde de l'économie, de la politique, de l'histoire... Il était donc normal qu'ils en viennent à intéresser les généalogistes. Si, déjà, des études leur ont été consacrées, jamais un travail aussi exhaustif n'avait été réalisé. C'est aujourd'hui chose faite, par le regretté Joseph Valynseele et le Docteur Henri-Claude Mars.

"A l'Ecu Rouge"

Mayer Amschel dit Rothschild, "Ecu rouge", était ainsi nommé comme on se nommait traditionnellement dans la longue Juddengasse de Francfort, dès le XVème siècle, du nom qui distinguait les maisons où l'on habitait : Elefant (l'éléphant), Golner Affe (le singe doré), Grüner Baum (l'arbre vert), zum Grünen Schild (à l'écu vert), etc... Ces noms étaient illustrés par des enseignes métalliques suspendues tout au long de la rue.
Bien que destiné au rabbinat, Mayer Amschel se lança très tôt dans les affaires, entra chez un banquier à Hanovre, puis installa sa propre maison à Francfort et fut chargé de la gestion de la fortune de l'électeur de Hesse. Allié en 1770 à Gutle Schnapper, il laissa dix enfants : cinq fils et cinq filles. Chacun de ses fils est à l'origine d'une branche :
  • la branche de Francfort : issue de l'aîné, Anselm-Salomon (1773-1855), reprise par la descendance de la branche de Naples.
  • la branche de Vienne, issue de Salomon (1774-1855).
  • la branche de Londres, issue de Nathan (1777-1836), naturalisé anglais par le roi George III.
  • la branche de Naples, issue de Cari (1788-1855), dont le fils Cari reprend la banque de Francfort au décès de son oncle Anselm.
  • la branche de Paris, issue de Jacob, dit James (1792-1868), qui se fixe à Paris en 1812 comme consul général de l'Autriche.
    Chaque branche fait l'objet d'un chapitre, ainsi que la descendance des cinq filles.

    Ils suivent le précepte donné de Saint-Hélène par Napoléon

    "Ce qui me frappe, dit Alain Decaux c'est la volonté affichée par les premières générations de souder, par des mariages consanguins, les liens qui les unissaient de nature/.../Curieusement ils suivent le précepte donné de Saint-Hélène par Napoléon : faute de s'allier à des familles de leur rang, il invitait les siens à se marier entre eux."
    Leur immense fortune leur aurait permis les plus belles alliances avec l'aristocratie et, s'ils en ont quelques-unes, ils sont restés fidèles à leur religion et se sont principalement alliés entre eux et avec des familles Israélites.
    Les exceptions à la règle n'en frappent que davantage, remarque Alain Decaux. Là, les alliances sont exemplaires. Pour se limiter aux seules familles ducales françaises, on croise ainsi les Broglie, Gramont, Montebello, Mortemart, Noailles et Wagram. Excusez du peu ! En Grande-Bretagne, on trouve Hannah, fille de Nathan, qui épouse en 1839 l'Honorable Henry FitzRoy, futur député aux Communes, lord de l'Amirauté, sous-secrétaire d'Etat à l'Intérieur. Mais il faudra attendre 1878 pour qu'une autre Hannah, fille du baron Muffy de Rothschild, réitère une telle audace : elle épouse le 5e comte de Rosebery. Les amateurs d'anecdotes noteront le tiercé que s'était fixé ce dernier : devenir Premier Ministre, remporter le Derby et épouser une Rothschild. Le tiercé fut gagné à l'envers, ce qui nous engage à croire que les deux autres vœux ont été facilités par le mariage.

    "De surprise en surprise"

    "A lire les entrelacs et enchevêtrements de cette généalogie, on s'effare", poursuit l'académicien. "Qui s'attendrait à découvrir que Henry Fonda, star éblouissante de Hollywood, s'était allié à une descendante des Rothschild ? A voir confirmé que, pour épouser Edmond de Rothschild, la comédienne Nadine Tallier a dû se convertir au judaïsme ? A apprendre que Jacques Charrier, ex-époux de Brigitte Bardot, s'est remarié à France Louis-Dreyfus, descendante de Jeanette Rothschild ?" Il est ainsi devenu ainsi le cousin germain par alliance de Robert Louis-Dreyfus, le repreneur de la société Adidas et du club de football de l'Olympique de Marseille ? A rencontrer le jockey Freddy Head, qui épousa une descendante directe d'une des cinq filles de Mayer Amschel ?A trouver François Nourissier, l'académicien Concourt, qui a épousé l'arrière-petite-fille du baron Gustave ? A croiser Pierre Rosenberg, ancien président du musée du Louvre, expert à la renommée mondiale, allié à Béatrice de Rothschild ?

    "Nul doute : le Fondateur avait le don"

    Laissons la conclusion au préfacier séduit par cette étude : "Surtout ne vous laissez pas rebuter par l'abondance des barons et des baronnes, ni celle de leurs descendants et de leurs alliés. Prenez en premier lieu connaissance des biographies de Mayer Amschel Rothschild, le Fondateur, et de chacun de ses fils. Vous constaterez alors un tel élan, une telle ardeur, une telle opiniâtreté à parachever la conquête bancaire de l'Europe que cette aventure collective ne pourra que vous fasciner. Dans chaque capitale où règne un Rothschild se dessinent un personnage, un caractère, une intelligence qui prennent leur force de la même inspiration que ses frères tout en démontrant avec eux de remarquables différences. Cette famille a séduit et conquis les princes, les rois, les empereurs et jusqu'aux républiques. Nul doute : le Fondateur avait le don. Vous allez le voir transmis de génération en génération."
  • Septembre 2004
    Par Yves CALMEJANE
    Le sang des Rothschild

    de Joseph Valynseele et Henri-Claude Mars
    Préface d'Alain Decaux de l'Académie Française

    L'INTERMÉDIAIRE DES CHERCHEURS ET CURIEUX
    28, rue Geoffroy-Saint-Hilaire
    75005 Paris
    Tel. : 01 47 07 54 90
    1 vol., 16,5 x 24 cm, 576 pages.
    Prix : 58 € (franco de port).
    De nombreuses notes historiques et généalogiques et un très riche index de plus de 3 600 noms.