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Un peuple souriant et accueillant

L’arrivée en avion à Siem Reap, se vit comme un rêve. Enfin fouler ce pays si martyrisé et son peuple si souriant. Un véritable défi pour nous autres européens, de voir des gens aussi doux, sans rancune aucune vous accueillant avec extrême gentillesse, le sourire aux lèvres. C’est aussi le pays de cœur décrit par Marguerite Duras, dans son livre « Un barrage contre le Pacifique », un roman autobiographique, où elle raconte la vie de sa mère sur une concession inutilisable.
Une voiture vintage, une Citroën cabriolet de 1930, attendant patiemment à l’aéroport, nous conduit, cheveux au vent sur les chemins cahoteux pour rejoindre l’Hôtel Victoria, au sein de Siem Reap.

Un esprit colonial

A l’hôtel Victoria, où que se porte le regard, le teck est omniprésent et l’ensemble dégage un esprit colonial au charme un peu désuet, palpable dès l’entrée. Meubles en teck, rotin, ventilateurs aux larges pales, paravents en toile de coton beige s’éparpillent sur les trois niveaux de l’établissement.
Une atmosphère fin de siècle défie ici les rides du quotidien en distillant au gré des heures une douce nostalgie.
Dans le lobby, conçu comme un patioà ciel ouvert, de nombreux espaces aménagés offrent des moments de détente, nécessaires par cette chaleur. Grâce à son ouverture de part et d’autre, l’air circule, propagant une bise bienfaisante dans la moiteur du jour. A l’autre bout du lobby, une volée de marches amène à un immense bassin où la nature se donne en spectacle. Dans le jardin tropical, qui l’entoure, formant un écrin végétal, la piscine semble vouloir capter la course de quelques nuages fuyant au loin.
De chaque côté du lobby, de grands bassins rectangulaires traversés de ponts en pierre symbolisant le passage de l’humain au divin, d’où émergent des arbres de vie,  longent les portes donnant sur chambres et suites.

Des ambiances différentes pour chambres et suites

Celles-ci dispersées sur 3 niveaux, sont accessibles par un antique ascenseur en fer forgé et de grands escaliers en bois sombre. Les suites, dévolues chacune à une personnalité déroulent une ambiance différente. Leurs souvenirs s’accrochent aux meubles, tableaux, canapés, paravents sculptés. D’une chambre à l’autre, elles trament des histoires sans cesse renouvelées. La suite Amiral, offre un style marin accentué avec ses coffres de voyage, son immense maquette en bois d’un bateau en tête de lit, ses estampes marines….
La suite dédiée à Pierre Loti, (qui effectua un voyage en 1910 au Cambodge) reflète une ambiance plus orientale, avec ses belles portes sculptées délimitant le salon de la chambre, ses estampes marocaines,  son parquet luisant reliant la chambre à la salle de bain tout en longueur, et son lit habité par la grâce d’une moustiquaire. Chacune possède des fenêtres ouvertes sur un long balcon, où il fait bon se poser en fin de journée lorsque la chaleur s’estompe. Ces vastes varangues assurent une ventilation parfaite, donnant sur le jardin fleuri avec grâce.
Dans les chambres, on retrouve la même ambiance coloniale, en osmose avec la nature. Parquets huilés aux reflets châtaigne, plaids en soie et voilages en taffetas qui se déclinent selon les chambres. Tout ici respire un lieu de vie préservé, un autre chez soi, sans chichi et en toute simplicité.

Ni rancœur, ni tristesse

Le lendemain, dans une moiteur tropicale et une température flirtant les 35°, nous voilà partis à la découverte de ce petit pays si attachant. Notre guide, Ram, le sourire aux lèvres, nous raconte son histoire. Seuls son père et sa mère, ont survécu à la terrible extermination du grand timonier Pol Pot, ses frères, oncles et sa sœur ayant été tous tués. Pourtant aucune tristesse ou rancœur ne filtre dans sa voix. Aimant le français, il l’a appris à l’école, et son « élocution » est très correcte, même si le roulement des « r » lui est difficile.

L’eau qui purifie

Nous roulons tout d’abord en direction de Phnom Kulen, la montagne sacrée où un petit vat abrite un grand bouddha allongé sur le côté, taillé dans le rocher de grès. Il attire beaucoup de cambodgiens, surtout pendant la période du nouvel an. Pour s’assurer la protection des dieux, nous aussi nous touchons avec délicatesse cette impressionnante statue de pierre.
C’est aussi là que coule la rivière aux mille lingas, (sculptures sur pierres, représentant Bouddha et ses divinités). Car l’eau ici purifie, nourrit, conduit aux Dieux. Cette eau déferle vers les temples d’Angkor, mais aussi vers le lac Tonlé Sap, qui irrigue le Cambodge, et au-delà vers le golfe de Thaïlande.Eco-système unique, ayant obtenu le statut de biosphère protégée, Il représente le plus vaste lac d’eau douce nourricier d’Asie du Sud-est, fournissant poissons et irrigation à la moitié de la population cambodgienne. Ses villages flottants abritent presque exclusivement une population vietnamienne clandestine, qui vit de ses pêches. Durant la période sèche, lorsque le Mekong amorce sa décrue vers le mois d’octobre, c’est le travail dans les rizières qui prend le relais avec la population vivant dans les maisons juchées sur pilotis aux abords des rives. Une balade en jonque permet d’approcher ses petits villages flottants régis par les moussons et la décrue du Mékong.

Banteay Srei, un temple mythique

Après une halte à l’ombre bienfaisante des palmiers, direction Banteay Srei, un joyau de l’art angkorien, temple hindou en grès rose, baptisé la Citadelle des Femmes, dédié à la déesse de la Beauté, Shiva. Il fut d’ailleurs au centre de la polémique avec Malraux, qui dans les années 20, vola certaines de ses statuts et bas-relief pour les revendre en France. Ce fut sa femme Clara, qui le sauva de la prison.
Remarquablement conservé, il possède des sculptures d’une finesse exceptionnelle, certainement réalisées par des femmes et nous le voyons en fin de journée. Dans la lumière dorée, les apsaras du temple semblent aériennes et légères.

Spa ou plongeon ?

Le retour à l’hôtel est salvateur. Nous apprécions sa quiétude et sa piscine bienfaitrice qui appelle les voyageurs fourbus. Une autre option reste le spa.
Niché dans le jardin, avec sa petite entrée, il reste très confidentiel, accueillant l'hôte en quête de détente. Massages aux huiles essentielles, massage à quatre mains ou massage des pieds (divin) permettent de remettre de l’ordre dans le flux des contraires e t nous repartirons d’un pied léger le lendemain après avoir profité de son restaurant l’Escale.
Restaurant à ciel ouvert, celui-ci surplombant la très belle piscine de pierre, offre un voyage à travers des saveurs subtiles et agréables. Goûtez à la salade khmère de bœuf ou à celle de mangues et de crevettes, sans oublier leur spécialité Amok, du curry de poulet ou poisson, cuit dans le coco de lait et citronnelle.
Le lendemain, lever à 6H pour profiter de la fraîcheur du temps. Le site d’Angkor, où se situent les plus grands temples du monde, est à 5 km de Siem Reap. Il fut d’ailleurs découvert par un français, l’explorateur Charles –Emile Bouillevaux, dans les années 60. Le long du chemin, de multiples villages très artisanaux se succèdent et les enfants, à moitié nus, courent dans les champs, pendant que les femmes courbées sur leurs récipients posés sur un feu de bois, tournent le jus récolté du coco pour en faire du sucre de palme.

Le site d’Angkor, la merveille des merveilles

Enfin la promesse des temples se fait réalité et nous voyons dans toute sa splendeur, Angkor Vat, (1130/1150) alliance de la spiritualité et de la symétrie, le plus grand temple du site, majestueux et irréel. Il fut dédié au monde de Vishnou, aux trois divinités brahmiques.
Notre émotion est palpable, car plus de 900 ans nous séparent de leur histoire. En partie détruits par le climat, l’usure et les Khmers rouges, c’est grâce à l’aide internationale (France, Suisse, Italie, Japon…) que ces temples ont pu être restaurés, et évoquer de nouveau, leurs splendeurs passées.
Il faudrait une semaine entière pour tous les visiter. Nous nous approcherons également de Ta Phrom « appelé Bayon » (vers 1180) qui s’étale sur une superficie de 70 hectares. Seul temple bouddhiste et le plus romantique, incarnant le génie créatif du roi légendaire de l’Empire Khmer, Jayavarman VII. La jungle l’a envahi et voir ces arbres baptisés « arbres fromagers (coulant sous la chaleur), s’infiltrer avec leurs racines sous les pierres et en prendre possession , vous fait ressentir l’émoi des premiers explorateurs.
Quand à Angkor Thom, surmonté de 54 dieux et 54 démons - un thème provenant du barattage de la mer de lait -, est semblables à des généraux de pierre, sentinelles d’un paradis perdu.

Aujourd’hui encore, sur les anciennes routes cahoteuses, ce sentiment d’explorer et de découvrir les merveilles mais aussi les splendeurs du Cambodge reste intact. L’eau, la mousson, la mélopée de la langue khmère, la lumière blanches, ont sculpté leur style à l’image des divinités (devatas) et apsaras du temple de Banteay Srei.