Nathalie Garçon
Avec ses créations exubérantes et très féminines, la styliste Nathalie Garçon a conquis un vaste public. Les comédiennes françaises furent ses premières ambassadrices. Aujourd'hui, c'est au tour des Anglaises et des Américaines de succomber au charme "Garçon", Portrait.
Ni diva réfrigérante, ni minimaliste introvertie, ni punkette néo-post-trash
Elle aurait voulu habiller Ava Gardner ou George Sand, des "natures", pas des nymphettes. Dans le petit monde anorexique, frelaté, et souvent venimeux de la mode, Nathalie Garçon étonne. Tiens, une femme - elles ne sont pas si nombreuses - qui n'est ni diva réfrigérante, ni minimaliste introvertie, ni punkette néo-post-trash.
Longue silhouette à la Modigliani, sourire de Joconde, regard bleu intense, Nathalie Garçon est atypique. En des temps moins convulsifs, on aurait dit simplement : romantique.
Son histoire débute comme dans un roman de Modiano : la fin des années cinquante, Cannes, la Croisette. Un père séducteur, une mère championne de tennis, des stars de ciné aperçues au moment des festivals - Moravia croisé à 10 ans - et aussi "beaucoup de gens qui n'avaient pas d'argent, mais qui vivaient de l'argent des autres" ; " sous une apparente légèreté, des vies un peu lourdes". La future styliste y puisera l'essentiel de son inspiration : nomade et excentrique.
Les comédiennes ont fait sa renommée
Montée à Paris pour y faire les Beaux-Arts, la jeune provinciale, que l'on dit un brin exaltée, s'oriente vite vers la mode, sa passion dès l'enfance. La photographe Sarah Moon la présente à Jean Bousquet (alias Jean Cacharel), chez qui elle fera le rude apprentissage d'un métier. "Tout ce que je n'aimais pas faire, c'est ce que je sais faire de mieux aujourd'hui : les robes."
Auprès de cet "industriel éclairé", qui ne parlait pas anglais mais qui savait compter dans toutes les langues, elle apprend l'art de la coupe, mais aussi des rudiments de gestion qui lui serviront plus tard. De mission en mission pour différentes maisons de mode, Garçon (quel joli patronyme pour une femme aussi féminine !) parfait sa formation. Le déclic sera une petite robe en crêpe qu'elle commercialisera sous sa propre marque en 1988. Quatorze ans plus tard (et depuis 1999, avec le soutien du groupe sudiste Garella), la griffe Nathalie Garçon est présente dans 350 points de vente en France et dans les principales capitales du monde.
Mais, plus que les dieux du marketing ou les mannes financières, ce sont les comédiennes, qu'elle habille depuis toujours à la scène comme à la ville, qui ont fait sa renommée. Arielle Dombasle, Mathilde Seigner, Asia Argento, Emmanuelle Béart, Catherine Jacob - pourtant toutes si différentes - sont des inconditionnelles. "Adolescente, je n'ai jamais été inspirée par les mannequins comme Twiggy ou Verushka, j'étais plus attirée par les actrices. J'ai beaucoup d'affection pour ce métier qui est le summum de l'exposition pour une femme", avoue la créatrice.
"L'amie des femmes"
En 1998, à contre-courant des diktats d'alors, elle réhabilitait les décolletés généreux et les formes épanouies avec le livre Balcons, élaboré avec la complicité du photographe Jean-François Jonvelle autour de onze actrices amies.
Et si Nathalie Garçon n'était pas tout simplement "l'amie des femmes", dans un milieu plutôt misogyne où les impostures ne manquent pas ?
"Nous sommes en pleine régression, s'enflamme-t-elle. La vision de la femme recule. La mode aujourd'hui me fait penser au livre American Psycho : c'est l'idolâtrie des marques et le règne de la bimbo."
La femme "Garçon" (certainement pas une garçonne !) a 35-40 ans. "Ce sont des filles assez "calmées" qui ne sont pas dans la conquête et qui ont envie de se faire plaisir." La perfection ne l'inspire pas. "La beauté absolue suffit en elle-même - je n'ai rien à ajouter. J'aime bien lorsque les femmes ont des défauts à cacher. Il faut qu'il y ait des tricheries. La tricherie est essentielle !"
Un œil amusé et lucide
Gourmande non repentie, Nathalie Garçon associe sa façon de travailler à celle des chefs. Il y a les produits de saison : la carte d'hiver et celle d'été, et puis les alchimies. Elle s'amuse à retravailler, voire à détourner les tissus : le taffetas devient ruban, le velours est associé à la mousseline.
Puis viennent les ambiances de couleurs. Comme toutes les Méditerranéennes, elle préfère les notes foncées : kaki, ocre, bordeaux, rosé indien, beige cramé, vert amande. Son exubérance plaît aux Anglaises, fascine les Américaines - et désormais les Russes -, mais laisse (encore) froides les Allemandes ou les Japonaises. Question de culture, sans doute.
En dépit de ce qu'il faut bien appeler un succès, Nathalie Garçon conserve un œil amusé et lucide en se remémorant la phrase d'Oscar Wilde : "La mode est une forme de laideur si intolérable qu'on est bien obligé de la changer tous les six mois."
Elle aurait voulu habiller Ava Gardner ou George Sand, des "natures", pas des nymphettes. Dans le petit monde anorexique, frelaté, et souvent venimeux de la mode, Nathalie Garçon étonne. Tiens, une femme - elles ne sont pas si nombreuses - qui n'est ni diva réfrigérante, ni minimaliste introvertie, ni punkette néo-post-trash.
Longue silhouette à la Modigliani, sourire de Joconde, regard bleu intense, Nathalie Garçon est atypique. En des temps moins convulsifs, on aurait dit simplement : romantique.
Son histoire débute comme dans un roman de Modiano : la fin des années cinquante, Cannes, la Croisette. Un père séducteur, une mère championne de tennis, des stars de ciné aperçues au moment des festivals - Moravia croisé à 10 ans - et aussi "beaucoup de gens qui n'avaient pas d'argent, mais qui vivaient de l'argent des autres" ; " sous une apparente légèreté, des vies un peu lourdes". La future styliste y puisera l'essentiel de son inspiration : nomade et excentrique.
Les comédiennes ont fait sa renommée
Montée à Paris pour y faire les Beaux-Arts, la jeune provinciale, que l'on dit un brin exaltée, s'oriente vite vers la mode, sa passion dès l'enfance. La photographe Sarah Moon la présente à Jean Bousquet (alias Jean Cacharel), chez qui elle fera le rude apprentissage d'un métier. "Tout ce que je n'aimais pas faire, c'est ce que je sais faire de mieux aujourd'hui : les robes."
Auprès de cet "industriel éclairé", qui ne parlait pas anglais mais qui savait compter dans toutes les langues, elle apprend l'art de la coupe, mais aussi des rudiments de gestion qui lui serviront plus tard. De mission en mission pour différentes maisons de mode, Garçon (quel joli patronyme pour une femme aussi féminine !) parfait sa formation. Le déclic sera une petite robe en crêpe qu'elle commercialisera sous sa propre marque en 1988. Quatorze ans plus tard (et depuis 1999, avec le soutien du groupe sudiste Garella), la griffe Nathalie Garçon est présente dans 350 points de vente en France et dans les principales capitales du monde.
Mais, plus que les dieux du marketing ou les mannes financières, ce sont les comédiennes, qu'elle habille depuis toujours à la scène comme à la ville, qui ont fait sa renommée. Arielle Dombasle, Mathilde Seigner, Asia Argento, Emmanuelle Béart, Catherine Jacob - pourtant toutes si différentes - sont des inconditionnelles. "Adolescente, je n'ai jamais été inspirée par les mannequins comme Twiggy ou Verushka, j'étais plus attirée par les actrices. J'ai beaucoup d'affection pour ce métier qui est le summum de l'exposition pour une femme", avoue la créatrice.
"L'amie des femmes"
En 1998, à contre-courant des diktats d'alors, elle réhabilitait les décolletés généreux et les formes épanouies avec le livre Balcons, élaboré avec la complicité du photographe Jean-François Jonvelle autour de onze actrices amies.
Et si Nathalie Garçon n'était pas tout simplement "l'amie des femmes", dans un milieu plutôt misogyne où les impostures ne manquent pas ?
"Nous sommes en pleine régression, s'enflamme-t-elle. La vision de la femme recule. La mode aujourd'hui me fait penser au livre American Psycho : c'est l'idolâtrie des marques et le règne de la bimbo."
La femme "Garçon" (certainement pas une garçonne !) a 35-40 ans. "Ce sont des filles assez "calmées" qui ne sont pas dans la conquête et qui ont envie de se faire plaisir." La perfection ne l'inspire pas. "La beauté absolue suffit en elle-même - je n'ai rien à ajouter. J'aime bien lorsque les femmes ont des défauts à cacher. Il faut qu'il y ait des tricheries. La tricherie est essentielle !"
Un œil amusé et lucide
Gourmande non repentie, Nathalie Garçon associe sa façon de travailler à celle des chefs. Il y a les produits de saison : la carte d'hiver et celle d'été, et puis les alchimies. Elle s'amuse à retravailler, voire à détourner les tissus : le taffetas devient ruban, le velours est associé à la mousseline.
Puis viennent les ambiances de couleurs. Comme toutes les Méditerranéennes, elle préfère les notes foncées : kaki, ocre, bordeaux, rosé indien, beige cramé, vert amande. Son exubérance plaît aux Anglaises, fascine les Américaines - et désormais les Russes -, mais laisse (encore) froides les Allemandes ou les Japonaises. Question de culture, sans doute.
En dépit de ce qu'il faut bien appeler un succès, Nathalie Garçon conserve un œil amusé et lucide en se remémorant la phrase d'Oscar Wilde : "La mode est une forme de laideur si intolérable qu'on est bien obligé de la changer tous les six mois."
Cet article est paru dans SENSO |
Juillet 2004
Par Thierry TAITTINGER